Le 22 septembre dernier, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Marseille s’est penchée sur le dossier jamais ouvert de l’assassinat par l’armée française de Maurice Audin, un militant communiste proche de la cause du FLN, assassinat qui, pendant 57 ans, a fait l’objet d’un mensonge d’Etat.
En effet, cette fable de l’évasion suivie d’une disparition, comme rapporté à l’époque par les autorités militaires et civiles du gouvernement d’Alger n’a jamais été démentie, ni par l’armée française ni par les autorités politiques de la République.
Cette audience qui a occupé tout l’après-midi a été l’occasion de demander que la vérité soit enfin dite sur cet assassinat. Il a été signalé au tribunal le témoignage écrit d’une personne détenue par les parachutistes du 3e RPC durant la bataille d’Alger, décrivant de manière précise rôle personnel du lieutenant Schmitt dans les tortures infligées aux personnes raflées.
Les parachutistes du 3e RPC ont détenu et « interrogé durement » plus de 80 personnes soupçonnées d’aider le FLN à l’« école Montpensier », l’école Sarrouy, rue Montpensier à Alger. Et plusieurs détenus de cette époque ont témoigné des tortures que Schmitt a dirigées ou pratiquées.

Ce procès a été l’occasion d’ajouter à ces témoignages un document accablant. Il a été fait état, pour la première fois devant la justice, de la mention du lieutenant Schmitt dans le récit écrit à l’époque par une jeune algéroise de famille juive, Huguette Akkache, relatant sa détention dans cette école pour avoir soigné un militant du FLN.
Ces 42 pages dactylographiées ont, en effet, été publiées intégralement en 2012 par le journaliste Jacques Duquesne, dans son livre Carnets secrets de la guerre d’Algérie chez l’éditeur Bayard. Cette jeune femme raconte, en termes simples et précis, les 43 jours de détention et de torture qu’elle a subies, à l’école Sarrouy, rue Montpensier,
près de la Casbah, un établissement transformé par les paras en centre d’interrogatoire durant la bataille d’Alger : « Je ne me souviens pas d’avoir jamais publié l’histoire de Huguette Akkache.
Je suis heureux de pouvoir le faire aujourd’hui » a déclaré Jacques Duquesne Le lieutenant Schmitt y est décrit comme dirigeant les interrogatoires, ordonnant aux bourreaux de poursuivre ou de stopper les tortures, et actionnant parfois lui-même la magnéto. Il nomme même une fois Maurice Audin, dans la phrase suivante :
« Il est clair que Boumendjel, Maurice Audin et Larbi Ben M’Hidi auraient dû être traduits devant un tribunal. » Or on le sait aujourd’hui avec certitude, Ali Boumendjel et Larbi Ben M’Hidi ont été tués, sur ordre, durant leur détention.
Cette phrase de Maurice Schmitt semble donc indiquer que Maurice Audin a, lui aussi, été l’objet d’une décision de mise à mort. Maurice Audin, brillant professeur et chercheur en mathématiques âgé de 25 ans, a été arrêté le 10 juin 1957 à son domicile à Alger par les parachutistes du général Massu, commandant la 10e DP.
Ceux-ci qui avaient la charge des pouvoirs de police à Alger pratiquaient massivement arrestations et interrogatoires sous la torture en tenant à l’écart la justice. Henri Alleg, ancien directeur d’Alger Républicain, arrêté peu après, l’a retrouvé au centre de détention d’El Biar et a témoigné de ce que, comme lui, il y avait été torturé.