Il a 32 ans et le regard hanté de ceux qui ont vu trop d’horreurs pour dormir en paix. Mohammed Younès Al-Hemali fait partie des volontaires ramasseurs de cadavres dans les ruines de Syrte, ville fantôme où Mouammar Kadhafi s’est caché avant son lynchage par les hordes sauvages du CNT le 20 octobre.
Le parfum lourd de la putréfaction plane avec insistance sur la cité totalement dévastée par des semaines de bombardements de l’Otan et de combats de rue.
Pas un jour sans la découverte de dizaines de morts enterrés à la hâte dans un jardin, pris dans les décombres de bâtiments effondrés ou pourrissant en plein air. Des civils et des combattants, tués lors d’affrontements ou de bombardements.
Au moins 500 corps ont été enterrés en cinq jours
Au moins 500 corps ont été enterrés depuis dimanche, selon les volontaires chargés de leur collecte.
Mohammed Younès Al-Hemali fait partie de ces volontaires. Longs cheveux bouclés sous une casquette de base-ball, en jeans et baskets, il contemple 26 tombes sommaires, de petits monticules de sable odorants marqués par des parpaings gris ne portant aucun nom, sur le site très endommagé d’une société de traitement des eaux du quartier n°2, où les forces de l’ancien dirigeant s’étaient réfugiées.
Sans doute des soldats de Kadhafi tués dans les combats et enterrés à la hâte par leurs frères d’armes, jugent les volontaires. Mohammed redoute la suite: » Il va falloir les déterrer pour les amener au cimetière… « Cinq jours déjà que cet ancien chauffeur de taxi vit du matin au soir cette horreur qui lui ronge l’âme, dans une ville réduite à un tas de décombres.
» Je suis désolé de voir ma ville comme ça. Les thowar (révolutionnaires) auraient pu la prendre en la détruisant beaucoup moins. Mais il y avait une grande résistance des hommes de Kadhafi, et je pense que les thowar voulaient punir Syrte « , estime-t-il. Car » la majorité des gens de Syrte soutenaient Kadhafi, même mes proches « , confie-t-il.
Depuis cinq jours, » on roule à travers la ville, on cherche, on demande aux gens. Parfois les gens viennent nous voir pour nous dire qu’il y a des corps chez eux. Les familles, quand elles rentrent chez elles, trouvent souvent un corps ou une tombe de fortune dans leur propriété « . « On les ramasse, on les nettoie et on les enterre décemment « , résume-t-il.
Il s’est porté volontaire peu après son retour dans le quartier n°2, qu’il avait fui lorsque les affrontements s’y sont concentrés. Comme les rares habitants hantant les ruines, il a trouvé sa maison détruite et pillée.
» J’habite près de l’hôtel Al-Mahari, et l’odeur arrivait jusqu’à chez moi. Je suis allé voir « , explique Mohammed. Entre 65 et 70 cadavres pourrissaient là, sur la pelouse de l’hôtel près de la plage, certains ligotés, une balle dans la tête ou la nuque.
Il décrit sa sinistre tâche, parle brièvement des cadavres gonflés de gaz de décomposition qui éclatent quand il les déplace, des corps tellement pourris que la chair s’effiloche et que seul l’os lui reste en main lorsqu’il saisit un membre.
Il s’interrompt au milieu d’une phrase, puis reprend: » C’est la première fois que je fais ça. Je ne peux pas exprimer combien c’est horrible de voir tous ces gens morts « .
Villes dévastées, infrastructures détruites, des milliers de morts, des bombardements inhumains, des crimes de guerre…Voilà ce qui reste d’un pays jadis prospère qui nourrissait ses enfants et les millions d’étrangers qui y travaillaient avant que la propagande occidentale et la terreur des islamistes de Benghazi ne les fasse fuir dans une débande indescriptible au premier round de la conspiration contre les autorités légales de Tripoli.
Voilà les résultats d’une guerre illégale contre un pays indépendant qui vivait dans la prospérité et la paix avant la jonction diabolique et contre nature entre les djihadistes et les pays de l’Otan qui ont usé et abusé de mensonges pour justifier auprès de leurs opinions leur intervention dans cette sale guerre.