Ce système de licence qui devait réguler nos importations s’est vite transformé en un cadeau offert sur un plateau d’argent à une caste qui en a fait un moyen de transfert illicite de devises vers l’étranger…
Quand le gouvernement a remis au goût du jour sa vieille recette des licences d’importations, il visait à réduire de manière efficace et surtout rapide la grosse facture de l’import. Presque deux ans après l’instauration de cette mesure qui a fait couler beaucoup d’encre, force est de constater que cette facture n’a presque pas bougé! Durant les quatre premiers mois de l’année 2017, la facture globale des importations algériennes s’est établie à 15,42 milliards de dollars contre 15,44 milliards une année plus tôt, soit une baisse de 0,14% (20 millions de dollars). Comment expliquez ce paradoxe?
Le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune vient de découvrir le pot aux roses. Parmi la série d’enquêtes qu’il a ordonné de lancer à ses départements ministériels figure celle relative à ces licences. Les premiers éléments de l’enquête sont des plus troublants. Ce système de licence qui devait réguler nos importations, s’est vite transformé en un cadeau offert sur un plateau d’argent à une caste qui en a fait un moyen de transfert illicite de devises vers l’étranger…
Plus de 500 licences touchant différents produits ont été remises de façon illicite à ces enfants gâtés de la République! Certains importateurs bénéficiaires de ces licences ont ainsi eu droit à des «rallonges», c’est-à-dire un plus gros contingent que prévu! Pis encore, d’autres licences ont été remises à des personnes qui n’ont rien à voir avec l’activité concernée. Elles ont ainsi pu avoir la mainmise sur des produits qu’elles ont vendus comme bon leur semblait, mais également facturés aux prix qu’elles voulaient dans le but de siphonner les devises du pays.
Ces «chanceux» bénéficiaires ont même inventé un nouveau business qui est celui des reventes des licences de commerce. Ils proposent aux opérateurs d’importer pour eux les produits dont ils détiennent les licences, moyennant une forte commission. Comment ces «importateurs» qui ne répondent pas au cahier des charges, voire qui n’ont jamais activé dans le domaine, ont pu obtenir ces licences? Le niveau de complicité dont ont bénéficié ces prédateurs de la République n’a pas encore été déterminé, mais il ne saurait tarder! Cette série d’enquêtes qui intervient au même moment que la guerre que le gouvernement mène contre la corruption, laisse entrevoir une fissure de l’ omerta qui protégeait les complicités entre pouvoir politique et économique. Surtout qu’une série de révélations sur l’attribution de marchés publics, de détournements et d’atteintes aux terres agricoles a été portée à l’opinion nationale. Et ce n’est que la face visible de l’iceberg.
D’autres grosses révélations devraient tomber dans les prochains jours, suite aux enquêtes qui sont en cours. De ce fait, ces enfants gâtés de la République ont donc eu pignon sur rue de tout ce qui pouvait engendrer de l’argent. Cela sans le moindre respect des règles. Il ne s’agit plus de simples affaires de corruption circonscrites, de réseaux de trafics ou de détournements d’argent. On est face à une entreprise criminelle d’une extraordinaire structure. Son personnel est constitué des barons de l’importation, de P-DG d’entreprises, d’élus et même d’hommes politiques qui s’adonnent sans retenue au pillage de l’Algérie. Mais tout porte à croire que le gouvernement a sonné la fin de la récréation…