Des bancs de l’école au travail dans la rue, le pas est vite franchi
La déperdition scolaire devient une problématique nationale qui nécessite une prise en charge urgente.
L’échec scolaire précoce des élèves est synonyme d’analphabétisme.
Les enfants, qui quittent les bancs de l’école, notamment ceux des 4e et 5e années primaires, sont les plus touchés par l’analphabétisme. 5% des élèves quittant la scolarité très tôt, ne savent ni écrire ni lire.
Les efforts de l’état pour faire face à ce phénomène demeurent insuffisants de par le manque de contribution des parents dont le rôle est prépondérant. Selon l’Office national d’alphabétisation (ONA), le taux d’analphabétisme devrait être réduit à 18% à la fin de l’année scolaire 2013. Des pronostics basés sur la batterie de réformes engagées par le gouvernement.
Pour les élèves du moyen et du secondaire, les 50% maîtrisent mal la langue et ne savent pas écrire. Pour les plus chanceux, qui arrivent à franchir la barrière du baccalauréat, le niveau laisse à désirer. «Ils n’ont aucune base et le niveau d’instruction des 70% d’étudiants de l’université méritent d’être remis en cause», dira K.Ch, enseignant au département des langues à l’Université de Sidi Amar à Annaba.
Pour les parents d’élèves le problème est ailleurs: «Il y a plutôt une médiocrité du niveau de ces enseignants», dira la quasi-totalité des parents d’élèves. A l’origine de cette désastreuse situation, le manque de qualification pédagogique pour plus de 85% des enseignants du secteur de l’éducation. Selon un responsable de l’éducation nationale de la wilaya de Annaba «la plupart du personnel de l’éducation nationale ne dispose pas de qualités pédagogiques requises pour cette noble mission qu’est l’enseignement. La majorité des enseignants est dépourvue d’outils pédagogiques nécessaires au bon accomplissement de sa tâche». Ajouter à cela un système qui fait des élèves des «zombies» de par la surcharge des classes, l’important volume des heures des cours, mais surtout le volume des matières. Dans cette ambiance d’enlisement généralisé, les cours de soutien sont devenus une obligation pour et 99% d’élèves, notamment des classes d’examens, les quatrièmes années et les terminales en l’occurrence. Ce nouveau créneau est devenu une mine d’or pour certains enseignants. «Les enseignants ne se donnent pas la peine d’expliquer avec intégrité et de façon consciencieuse les cours en classe, une manière d’inciter leurs élèves à recourir aux cours de soutien chez eux», nous dira ce père, venu accompagner sa fille au lycée Moubarak El Mili.
Cette aubaine pour les enseignants est une autre charge pour les parents, notamment ceux démunis. Ces cours insolites qui se paient rubis sur l’ongle, se font en dehors de l’établissement scolaire, dans une cave, un garage ou un appartement aménagé pour les plus nantis des enseignants. «C’est à son professeur que revient la tâche d’évaluer ce besoin par un diagnostic des difficultés rencontrées par l’élève nécessitant de ce fait des cours de soutien», estime une parente d’élève qui ne comprend pas cette manière de pousser tous les élèves à prendre des cours de soutien. Les parents d’élèves, s’insurgent devant «ce racket organisé qui prend en otage élèves et parents». Mais dans un autre contexte, entre une qualité d’enseignement médiocre et les réformes draconiennes engagées par l’Etat pour remédier à la situation, les résultats demeurent inchangés.
Pis encore, la situation s’aggrave de plus en plus et la déperdition scolaire devient une problématique nationale qui nécessite une urgente prise en charge. La scolarité des filles reste en deçà des attentes des pouvoirs publics, surtout quand il s’agit des adolescents, bien que l’instruction des enfants est obligatoire au bénéfice des garçons et des filles de 6 à 16 ans sur un pied d’égalité. Sur ce point, il a été constaté l’année dernière, lors d’un séminaire, que pas moins de 500.000 élèves désertent les bancs de l’école à l’échelle nationale. Il a été aussi révélé que 30% des élèves du premier palier quittent l’école à cause des programmes chargés et des difficultés à assimiler les cours ainsi que les mauvais traitements infligés par l’enseignant.
Au-delà des problèmes de pauvreté, d’instabilité familiale (divorce) et d’éloignement (les zone rurales) «il y a urgence de connaître les vrais problèmes de l’école; les défaillances du système éducatif, la qualité de l’enseignement, les programmes chargés, surcharge des classes etc.», avaient indiqué les présents à cette journée d’étude. Le phénomène de la déperdition scolaire est devenu plus inquiétant, malgré l’initiative des pouvoirs en charge de ce secteur, en matière d’application des réformes du système éducatif.
Pour l’heure, il est dit que les réformes engagées par l’Etat, pour redorer le blason de l’enseignement, ne peuvent donner des résultats qu’en 2014. Puisqu’il faut d’abord se débarrasser des résidus du système fondamental, instauré il y a plus de 20 ans. Entre la gloire et la décadence, l’élève reste la principale victime d’un secteur mal conçu, et otage d’un personnel enseignant non consciencieux.