A comme Arzew : cette petite localité balnéaire sans histoires où vivaient les pieds-noirs entre farniente et exploitation du vignoble, s’est retrouvée propulsée durant l’indépendance au rôle de puissante base d’industries pétrolières et gazières.
Les exportations de gaz se faisaient dans les années 1970 à travers les plus grands méthaniers du monde achetés par l’Algérie.
Les torchères d’Arzew montrent à tous ceux qui doutent et aux amnésiques que l’Algérie de Boumediène et d’Abdesselam restera celle des grandes réalisations industrielles qui demeureront pour longtemps encore les témoins vivants de cette formidable épopée. Ces torchères brilleront toujours dans le ciel d’Arzew pour montrer aux générations futures que le phare du 19 juin 1965 ne s’éteindra jamais.
B comme Ben Bella : le premier président algérien fut au centre de diverses crises et, s’il sut souvent s’en tirer à son avantage, cela ne faisait que renforcer l’image d’un despote boulimique de pouvoirs. Ces crises ont parfois remis en cause les fragiles équilibres de cette jeune indépendance qui n’était pas bien vue par tout le monde. Des risques de guerre civile à l’embrouillamini idéologique, de l’exécution de Chaâbani, dont il fut l’unique ordonnateur, aux limogeages des ministres qui ne lui plaisaient pas et de la crise du FLN au refus systématique de prendre en considération la véritable identité nationale («Nous sommes arabes, arabes, arabes !), Ben Bella a failli détruire notre pays et si ce n’était le réajustement révolutionnaire du 19 juin 1965, l’Algérie aurait perdu plusieurs années dans la décadence, le surplace économique et les luttes intestines.
C comme corruption : particulièrement insignifiant durant les années 1970, bien que certains responsables discouraient le matin sur le socialisme et faisaient des affaires mirobolantes la nuit, ce phénomène prit son envol dans les années 80, s’incrusta dans les mœurs au cours de la décennie 90, avant de devenir une marque de fabrique algérienne au cours des dernières années. Les campagnes successives lancées par les différents pouvoirs n’ont pas pu endiguer cette vague qui touche petits APC et grandes entreprises nationales, même parfois certains ministères.
D comme Djendjen : ce qui devait être le grand port d’exportation des produits sidérurgiques stratégiques fabriqués dans le complexe de Bellara (qui n’a jamais vu le jour) est devenu un port d’importation où transitent principalement les voitures. Le rêve de Boumediène- Abdesselam était d’en faire une grande usine pour la fabrication d’acier spécial destiné à des applications particulières comme la production d’avions. Dans les années 1980, le projet fut ressorti des cartons et même une ligne ferroviaire nouvelle, sur les traces de celle détruite durant la guerre, reliant Constantine à Jijel fut construite par Bouygues. Mais les problèmes de financement empêchèrent le projet d’aboutir. Aujourd’hui, on parle de sa reprise par des partenaires arabes.
E comme El-Hadjar : sur les vastes plaines d’El-Hadjar, dans un triangle bordé de routes stratégiques, Boumediène et Abdesselam ont offert à l’Algérie l’un des plus grands sites sidérurgiques de l’Afrique. Aux amnésiques et à ceux qui se demandent ce qu’a fait notre pays durant ces 50 dernières années, la visite du complexe va rafraîchir les mémoires ! Exploitée actuellement par le géant mondial ArcelorMittal, l’usine d’El- Hadjar n’a pas pu atteindre le record de 1 600 000 de tonnes d’acier liquide réalisé lorsqu’elle était à 100% propriété du secteur public algérien ! Des femmes et des hommes, dont certains furent injustement jetés en prison, sont encore là pour témoigner de ce qui fut une autre épopée à raconter avec fierté aux générations futures.
F comme Fertial : la politique suicidaire et antinationale de la privatisation a fait un immense cadeau à Fertial. L’usine d’Asmidal a été bradée à un prix qui défie toute concurrence. Et encore, Fertial a pu bénéficier d’une importante somme en devises que détenait Asmidal à l’étranger. Ce n’est pas de la privatisation : c’est du bradage. Combien d’autres usines, propriété du peuple algérien qui a consenti des sacrifices énormes dans les années 70 pour soutenir un secteur industriel public performant – quoi qu’en disent certains —, ont été cédées aux copains et aux SARL étrangères, où doivent certainement figurer comme actionnaires des «privilégiés ». L’Histoire jugera ceux qui ont détruit un patrimoine national qui intégrait tous les secteurs d’activité ; sa disparition a ouvert la voie aux pilleurs de tous bords, importateurs nationaux et étrangers qui sucent le sang du pays en transférant des devises pour des chips, de la limonade, du biscuit et des fèves en pâte !
Gcomme Ghardaïa : la petite ville touristique est devenue, en quelques années, la plus importante base industrielle du Sud après les pôles d’exploitation des hydrocarbures. Grâce au sens d’initiative des Mozabites, d’importantes usines aux activités diverses ont été créées dans une zone industrielle qui prend chaque année de l’ampleur. On y produit certes des matériaux de construction, mais également des tubes en acier, du matériel électrique et électronique, des pièces pour automobiles, des batteries, etc. La petite bourgade, qui ne vivait que du tourisme et de l’envoi des mandats par une diaspora éparpillée aux quatre coins du pays et à l’étranger, est aujourd’hui une base industrielle importante qui permet au pays de réduire la facture d’importation en divers produits manufacturés. Les Mozabites sont fiers de leur ville et y retournent pour travailler et vivre après avoir connu de longues décennies d’exil. G comme général : il y a encore des Algériens qui osent dire que c’est le général de Gaulle qui a donné l’indépendance aux Algériens. C’est une honte parce que c’est faire preuve d’une impardonnable cécité politique et d’un grave déficit mémoriel que d’affirmer cela. Ce serait renier le sens du sacrifice suprême de millions d’Algériens qui ont offert leurs vies pour la libération de leur pays. Il y en a d’autres qui veulent retourner à… 1962 en affirmant que le peuple algérien vivait mieux avant cette date. Peut-on vivre mieux dans les gourbis, sans électricité, sans gaz, sans toilettes, sans salle de bains, sans réfrigérateur, sans climatiseur, sans radio (ne parlons pas de la télévision) ? Peut-on vivre mieux quand on ne soigne pas, quand on ne vaccine pas ses enfants, quand ils ne vont pas à l’école ? Il serait fastidieux de citer les progrès accomplis en 50 ans qui ont propulsé l’Algérien du moyen-âge au 21e siècle !
H comme hydraulique : l’un des points faibles de la politique d’équipements des années 1970 aura été l’exploitation des ressources hydriques et tout le monde se souvient des pénuries d’eau qui pouvaient durer des semaines dans la capitale. Ne parlons pas des villes et des villages de l’intérieur. Durant la dernière décennie, un effort sans pareil a été fourni pour rattraper ce retard et la production d’eau est aujourd’hui satisfaisante même s’il y a encore des lacunes. Mais on est bien loin de ces années où les robinets étaient à sec dix mois sur douze ! Citons pour s’en convaincre le nombre de barrages construits, les connexions de grande envergure entre les sites de production d’eau notamment autour des grandes zones urbaines, les imposants travaux en matière de traitement de l’eau pour son utilisation par les ménages ainsi que la récupération des eaux usées en vue de leur utilisation dans l’agriculture. Nous ne sommes pas de chauds partisans des usines de dessalement de l’eau de mer parce que le mètre-cube est trop cher et que cela ne se fait pas dans un pays qui a autant de ressources hydriques !
I comme informatique : l’Algérie a été le premier pays à s’intéresser à l’informatique, science encore en balbutiement, en créant la première et plus grande école supérieure du monde arabe et d’Afrique (hors Afrique du Sud), dans les années 1970 ! C’était le fameux CERI qui a formé des cadres de haut niveau, dont certains font le bonheur des grandes et prestigieuses sociétés des États-Unis, Canada et France, entre autres. A l’heure de la fuite des cerveaux et du nivellement par le bas de l’enseignement supérieur, il est bon de citer ces exemples pour rafraîchir la mémoire de certains. Et n’oublions pas toutes les autres grandes écoles qui avaient un excellent niveau de formation et dont les diplômés sont, jusqu’à aujourd’hui, recherchés pour leur sérieux et leur compétence. En 1962, il y avait quelques Algériens ingénieurs, médecins et licenciés, combien sont-ils aujourd’hui ?
J comme jeunesse : rebelle, la jeunesse algérienne d’hier et d’aujourd’hui est une formidable bombe qui peut exploser à tout moment. Face à l’injustice coloniale, elle a su se mobiliser et se porter aux premières lignes de la lutte libératrice. Face aux injustices postindépendance, elle a créé l’événement le 5 Octobre 1988 en devenant la première – AU MONDE – à imposer le changement politique et la fin du système du parti unique. Même le mur de Berlin est tombé une année plus tard ! Et tout le démantèlement du bloc socialiste avec l’implosion de l’URSS comme final pathétique est venu après notre 5 Octobre ! Alors, ne parlons pas de ces révoltes soufflées par BHL et les multinationales qui, en dehors du sursaut populaire authentique qui a suivi le sacrifice de Bouazizi en Tunisie, ne sont que des tremplins pour les forces les plus rétrogrades de la société arabe. Et même si nous sommes tous d’accord pour dire qu’Assad est un dictateur, sommes-nous certains que les islamistes qui lui succéderont assureront plus de liberté au peuple syrien ?
M. F.
(A suivre)