50 % des enseignants réclament la retraite anticipée, Ces professeurs qui fuient les classes

50 % des enseignants réclament la retraite anticipée, Ces professeurs qui fuient les classes

Le secteur de l’éducation connaît ces dernières années des départs massifs d’enseignants à la retraite. Des milliers d’instituteurs et de professeurs relevant des trois paliers de l’enseignement ont déposé leur dossier pour mettre fin à leur carrière avant  l’âge légal de départ à la retraite. Pourquoi ce mouvement de rupture à tout prix avec l’enseignement ?

Cette hémorragie d’enseignants qui veulent à tout prix partir invite à une sérieuse réflexion sur les difficultés à procéder à leur remplacement. Il va sans dire que les conditions  de travail pénibles qui se sont installées à tous les niveaux et dans la durée dans les établissements scolaires constituent les premières causes de cette «fuite».

Pas une rentrée ne passe sans que l’école algérienne ne souffre d’une pénurie de professeurs. Des dizaines d’enseignants ayant atteint les 32 ans de service ou l’âge de 60 ans se bousculent quotidiennement au bureau des retraites, rattaché au service du personnel des directions de l’éducation, pour déposer leur dossier de départ à la retraite.

D’autres viennent s’informer sur un texte ou même une vague procédure qui favoriserait un départ anticipé et rapide. Les années scolaires se suivent et se ressemblent au grand regret des élèves et de leurs parents. En effet, ces derniers appréhendent que la scolarité de leurs enfants soit perturbée.

Quel impact sur l’école algérienne ?

Ce manque de professeurs affecte non seulement la scolarité des élèves de tous les cycles confondus, mais également tout le système scolaire algérien. Le Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (SNAPEST) regrette ce départ massif des enseignants à la retraite.

«C’est bien dommage pour l’école algérienne», s’exclame Meziane Meriane, le coordinateur national de ce  syndicat. Selon lui, ces départs risquent de créer un grand vide psychopédagogique et de se répercuter sur le rendement des élèves et les résultats scolaires. «Malheureusement, les nouveaux enseignants qui seront recrutés n’ont pas bénéficié d’une formation pédagogique.

C’est là où réside le dilemme», regrette  M. Meriane. Ce dernier reconnaît le droit légitime des enseignants ayant atteint l’âge de la retraite, complète ou anticipée, «mais les responsables du secteur devraient en parallèle trouver une solution pour que cela ne se répercute pas sur le niveau de scolarité des élèves», souligne-t-il. Concernant les facteurs favorisant cette fuite des enseignants, M. Meriane insiste sur l’environnement pédagogique agressif, ainsi que sur le manque de discipline dans nos écoles. «Les élèves d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que ceux d’hier.

Ils ne respectent plus leurs enseignants, ce qui crée un climat d’instabilité et rend les conditions de travail pénibles pour les instituteurs», estime le syndicaliste. Et d’ajouter : «C’est tout ce marasme qui pousse les enseignants à quitter l’école». M. Meriane préconise plus de sévérité dans les établissements scolaires afin d’imposer la discipline, en favorisant les activités sportives et culturelles. «Les élèves doivent pratiquer plus d’activité physique à l’intérieur de l’école.

Cela pourra diminuer un tant soit peu de leur agressivité», conclut notre interlocuteur. Du côté du Conseil des lycées d’Algérie (CLA), Idir Achour pointe du doigt les conditions de travail quotidiennes «insupportables» pour  les enseignants, tout en soulignant que «la nature de ce métier oblige certains professeurs à mettre fin à leur carrière avant même l’âge légal de départ à la retraite». D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle beaucoup d’entre eux réclament une retraite anticipée, et ce, après 25 ans de service. Le syndicaliste explique, d’autre part, ce départ massif des enseignants par la crainte que le code du travail subisse des retouches qui peuvent remettre en cause cet acquis. Selon lui, il y a une forte demande de départ à la retraite ces dernières années.

«Dans quelques régions, les enseignants ne bénéficient pas de cet acquis, suite au manque flagrant d’enseignants, notamment dans certaines matières telles que les langues étrangères et les mathématiques», regrette Idir Achour. Pour faire face à cette hémorragie, notre interlocuteur estime que ce ne sont pas les solutions qui manquent mais c’est la volonté politique qui fait défaut.

Le problème, dit-il, ne se pose pas dans les départs à la retraite, car cela est un droit, mais dans le recrutement de jeunes enseignants qui n’ont peut-être pas d’expérience. Le CLA propose à ce sujet d’exploiter les enseignants ayant atteint l’âge légal de départ à la retraite dans la formation des jeunes enseignants, notamment. «Nous pouvons également faire appel à ces enseignants pour des remplacements de temps à autre ; de cette façon, nous pouvons bénéficier toujours de leur expérience», conclut-il.

Plus de 50% d’enseignants recrutés à l’horizon de 2015

Le ministère de l’Education nationale devrait recruter, à l’horizon 2015, plus de 50% d’enseignants pour compenser les départs massifs à la retraite au niveau du secteur. Selon les statistiques des 51 directions de l’éducation, près de 35 000 enseignants dans le secondaire devraient quitter leurs fonctions à l’horizon 2020, soit un taux de départ de 50%. Parmi ces départs, on notera 50% d’enseignants de mathématiques.

Les mêmes statistiques estiment que pour remédier à ces départs, il faut créer chaque année plus de 20 000 postes dans le secondaire, et parmi eux, un grand nombre de postes de professeurs de mathématiques et de physique.