5 Octobre 1988-5 Octobre2012,Le défi algérien

5 Octobre 1988-5 Octobre2012,Le défi algérien

Le pays a déjà fait sa révolution il y a cinquante ans et son printemps depuis 1988

Avant même la chute du mur de Berlin, un quart de siècle avant ce qu’on présente comme «Révolution arabe», le peuple algérien est allé à la conquête de la démocratie et de la liberté.

L’approche de la date du 5 octobre, symbolisant les évènements de l’automne 1988, n’a pas manqué d’ «inspirer» les apprentis révolutionnaires. C’est encore une fois, le philosophe français Bernard-Henri Levy qui s’y met en appelant à nouveau la jeunesse algérienne à la révolte. C’était lors d’une émission télévisée sur une chaîne de Dubaï. Le théoricien de l’Otan caresse le rêve de rééditer son coup lorsqu’il a poussé l’ex-président français Nicolas Sarkozy à lancer une offensive militaire en Libye conduisant à l’assassinat de son leader Mouamar El Gueddafi.

Il n’hésite pas à utiliser un vocabulaire guerrier vis-à-vis de l’Algérie en enrobant le tout dans ce qu’il qualifie de «devoir d’ingérence humanitaire». C’est-à-dire le même langage utilisé par un autre Bernard (Kouchner), ancien ministre français des Affaires étrangères. Les deux donneurs de leçons oublient certainement que la révolution se conjugue en Algérie à toutes les saisons et pas seulement au printemps. Le pays a déjà fait sa révolution il y a cinquante ans et son printemps depuis 1988. C’est-à-dire un an avant la chute du mur de Berlin et des décennies avant «les révolutions arabes». En 1954, l’Algérie a fait face à une armée française soutenue par l’Otan. Cette même organisation sur laquelle les «révolutionnaires» arabes se sont appuyés pour se propulser au pouvoir. Ce sont toutes ces leçons que doit retenir Bernard-Henry Lévy au lieu d’en adresser au pays des révolutionnaires. Au lieu de suivre ce chemin de modération, il a encore perdu une occasion de se taire. Pourtant, madame Zohra Drif-Bitat a déjà asséné une réponse cinglante au philosophe lorsqu’un colloque à Marseille a dévié de son objet d’analyse de la Révolution algérienne. Madame Bitat a alors dit que la France a déjà commis un génocide en Algérie et qu’elle peut très bien faire l’économie d’un autre acte de la même sorte. Elle a mis en garde contre les nouvelles formes de colonisation. Les supporters des révolutions doivent ranger définitivement leurs rêves car la greffe n’a aucune chance de prendre en Algérie. Elle a déjà payé le prix fort avec 200.000 morts. C’est assez pour que les Algériens ne soient plus tentés par des expériences conduisant droit à un règne des islamistes. Le multipartisme est ancré en Algérie depuis des décennies alors que d’autres pays de la région ont continué à évoluer sous une chape de plomb. C’est d’ailleurs ces mêmes pays arabes qui avaient observé le silence radio, au moment où des dizaines d’Algériens tombaient sous les balles assassines du terrorisme. La prochaine révision constitutionnelle est également censée renforcer le dispositif de protection des droits de l’homme. Les appels répétés de faire descendre la population dans la rue restent vains. Une tentative similaire a eu lieu en septembre de l’année dernière. Cela devait être l’équivalent d’un septembre noir comme vécu par d’autres pays dans de tristes circonstances. Mais les Algériens n’ont pas marché. Au sens propre et au figuré. Ils continuent de croire qu’ils n’ont pas à être guidés par des mains étrangères ni à devenir les supplétifs de l’Otan et de ses docteurs. Ce rejet des manipulations ne conduit pas à un sentiment de satisfaction béate. Les Algériens sont toujours demandeurs de réformes. Ils ont les yeux rivés sur les institutions desquelles ils attendent une concrétisation des promesses de réformes promises par le président de la République. L’une des revendications des printemps arabes est celle liée à une alternance au pouvoir qui ne sera pas limitée au pouvoir local ni au Parlement puisqu’une élection présidentielle sera organisée dès 2014. En Algérie, le 5 Octobre 1988 fut le prélude véritable de ce que la pensée occidentale redécouvre en 2011 sous le vocable de printemps arabe. C’était déjà une révolte contre le népotisme, les passe-droits, le manque de liberté, l’absence d’alternance au pouvoir, le chômage. Sans qu’on y voit une manipulation des services étrangers. Le pays a vu un printemps de la liberté que beaucoup de pays arabes enviaient à l’époque.

Sur l’origine des événements d’octobre 1988, les thèses les plus contradictoires s’affrontent encore, ils offrent avant tout la preuve que le peuple a pu imposer des réformes avant une quelconque autre nation de la région. Ces événements vont modifier la vie politique. Après vingt-six ans de règne sans partage du FLN, l’autorisation du multipartisme, l’apparition d’une presse privée indépendante et l’explosion du mouvement associatif marquent un long printemps. Mais au début des années 1990, l’ex-FIS a tout remis en cause, ce qui a donné lieu à l’interruption du processus électoral et l’annulation du deuxième tour des législatives. Depuis quelques années, le pays commence à se remettre de ce traumatisme.