Alors que tout le monde craint une sorte «d’effondrement» intérieur, le véritable danger pourrait venir de l’extérieur et nourrirait la colère sociale.
La résurgence de la violence sociale en Tunisie et les frappes de plus en plus précises de Daesh en Libye, placent l’Algérie en état d’alerte sur les deux fronts. L’arrestation de sept terroristes libyens au sud du pays dans une zone pas très éloignée du site gazier de Tinguentourine et la flambée de violence qu’ont vécue quelques communes dans l’est du pays, sont autant de signaux qui renseignent sur la similitude des risques pour tous les pays du Maghreb.
L’Algérie qui partage un long tracé frontalier avec les deux pays ne peut pas rester indéfiniment épargnée par la dégradation de la situation, tant sociale que sécuritaire, en Tunisie et en Libye. Il faut dire que dans tous les cas de figure, les «faiseurs» de chaos ont à peu près le même profil et on les retrouve des deux côtés de la frontière. Si en Tunisie, les pilleurs ont été rémunérés, selon les témoignages de dirigeants de l’Union générale des travailleurs tunisiens, du côté algérien de la frontière, la même mafia a aussi des intérêts à défendre. A ce propos, il est entendu que c’est la contrebande d’essence et autres produits subventionnés qui a permis à quelques individus d’édifier de véritables fortunes et employer des milliers de «joundis». La traque menée par les armées algérienne et tunisienne contre ce commerce illégal a considérablement réduit les bénéfices des barons. Ce seraient ces trafiquants qui auraient soufflé sur les braises en Tunisie en finançant des émeutiers. Rien n’empêche que les trafiquants algériens, eux aussi, mis à mal par les opérations militaires, de prendre exemple sur leurs «collègues» tunisiens et monter des «opérations» analogues.
Le contexte économique difficile vécu par les deux pays constitue un facteur «encourageant» pour l’éclatement de troubles sociaux dans les villes frontalières des deux pays. Un scénario encore inédit, mais pas interdit, si l’on considère la fragilité de la situation tunisienne et l’usage intelligent des réseaux sociaux, susceptible de créer une forme de contagion comparable à ce qui s’est produit entre la Tunisie et l’Egypte en janvier 2011.
La donne politique est certes différente, mais les manipulateurs peuvent très bien trouver les moyens d’agir sur une jeunesse désemparée, déjà fortement «harcelée» par des discours défaitistes.
Les observateurs de la scène maghrébine notent, à ce propos, l’entrée de la région dans une nouvelle phase.
Après l’euphorie «révolutionnaire» qui a épargné l’Algérie, les jeunes Maghrébins ressentent une désillusion, d’ailleurs prévisible, si l’on tient compte de données objectives. Cette fois, il n’est pas dit que les Algériens tournent le dos à la protesta «2.0».
En fait, au moment où en Algérie, l’attention de l’opinion publique est entièrement tournée vers la dégringolade des prix du pétrole et ses effets pervers sur l’économie et le social, la région subit des mutations significatives. De nouveaux acteurs apparaissent sur la scène maghrébine. Alors que tout le monde craint une sorte «d’effondrement» intérieur, le véritable danger pourrait venir de l’extérieur et nourrirait la colère sociale en la connectant à ce qui se passe en Tunisie. Une nouvelle «révolution», impossible à croire, mais dont les germes sont bien là et ce n’est ni la jeune démocratie tunisienne ni le nouveau gouvernement d’union nationale libyen qui pourront en réduire la portée. Ce ne sera pas une «évolution» voulue et soutenue par l’Occident, mais une sorte de cancer qui viendrait ronger la région de l’intérieur. Le risque potentiel est que la situation au Maghreb devienne une autre variante de la crise syrienne avec un pays d’appui pour le groupe Daesh qui est la Libye et le reste du Maghreb fortement secoué par des spasmes sociaux et sécuritaires. Dans cette configuration, certes très pessimiste de l’avenir immédiat de la région, l’Algérie pourra vivre des moments autant difficiles, si ce n’est plus, que ceux des années 1990.
Au jour d’aujourd’hui, on n’en est pas encore là, mais on en prend le chemin, à voir la gestion très approximative du gouvernement tunisien et le laxisme des différentes factions libyennes face au danger terroriste. En effet, Daesh ne peut pas rêver meilleur développement de la situation, pour s’implanter, recruter et attaquer les trois pays de front.