Les services de sécurité ont enregistré, depuis le 1er janvier dernier, une hausse inquiétante des vols de véhicules au niveau de la capitale, avec plus de 1 000 voitures subtilisées ces trois dernières années.
Au niveau national, la barre des 5 000 cas est sur le point d’être franchie, les réseaux maffieux recourant à des procédés nouveaux, quand ils ne sont pas osés et auxquels l’on ne s’attend pas du tout.
Durant les années 2011, 2012 et 2013, les services de sécurité ont enregistré 5 171 affaires de vols de voitures. Le trafic de véhicules représente 6,66 % de l’ensemble des affaires liées à la criminalité organisée.
Le mode opératoire le plus répandu est l’acquisition de cartes grises de véhicules accidentés et hors d’usage, le remplacement du numéro de châssis du véhicule en situation irrégulière par celui du véhicule réformé, sur la carte grise. Les réseaux de trafic de véhicules ciblent généralement des véhicules de grosses cylindrées de différentes marques (BMW, Mercedes, Hyundai, Renault, Peugeot…)

Le trafic s’est élargi ces trois dernières années à de nombreuses autres wilayas, notamment celles frontalières. Plusieurs réseaux nationaux et internationaux ont été démantelés. A Oran comme à Alger ou encore dans l’extrême Sud, les réseaux maffieux s’investissent de plus en plus dans le vol de voitures. A ce titre, certaines bandes se sont spécialisées dans le trafic de documents de véhicules.
Des réseaux démantelés par les gendarmes
Agissant sur renseignements faisant état d’un réseau de trafic de véhicules, les gendarmes de la section de recherches d’Oran ont procédé à la saisie de onze véhicules et à l’interpellation de onze individus, confondus de vol de véhicules et de faux et usage de faux.
Les investigations ont permis de localiser deux garages, où les perquisitions ont abouti à la découverte et la saisie de véhicules volés, dépourvus de documents administratifs.
Présentés devant le procureur de la République près le tribunal d’Es-Sénia, quatre d’entre eux ont été écroués, six autres ont été placés sous contrôle judiciaire et un remis en liberté provisoire. A Médéa, sept véhicules ont été volés par un réseau. Onze des membres de ce réseau ont été interpellés dans le cadre d’une enquête menée par la police judiciaire locale, dont quatre ont été placés sous mandat de dépôt.
A M’sila, trois grosses cylindrées ont été volées en décembre dernier. Et les vols de véhicules concernent aussi les wilayas du Sud, à l’image de Ouargla où deux véhicules asiatiques appartenant à une société étrangère ont été subtilisés en novembre dernier.
Alger, carrefour des vols de voitures de luxe
Les services de sécurité ont enregistré, ces trois dernières années, une hausse importante du trafic de voitures dans la capitale. Plus de 1 000 voitures ont été volées dans plusieurs quartiers.
Un phénomène qui, selon les services de sécurité, a pris de l’ampleur en raison de l’augmentation du parc de voitures dans l’Algérois. Selon une source sûre, la plupart des véhicules ciblés par les trafiquants sont d’origine asiatique, allemande et française.
A Staouéli, Aïn Benian et Sidi Fredj, 100 voitures par an, en moyenne, sont subtilisées à leurs propriétaires. Si habituellement les voleurs agissaient dans les ruelles peu fréquentées, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ils agissent même dans les endroits bondés de monde. Ils semblent ne rien craindre.
D’autre part, les réseaux de trafic de véhicules ciblent généralement des marques très prisées en Algérie (Citroën, Chevrolet, Clio Classic, Kangoo, Accent, Hyundai), leurs pièces de rechange étant coûteuses et très demandées sur le marché parallèle.
Comment les papiers des véhicules volés sont-ils falsifiés ?
Ces réseaux recourent à la falsification des documents de chaque voiture volée. Dans une première étape, ils falsifient les documents des véhicules puis, dans une deuxième, recourent à des modifications techniques (teinture, pneus, accessoires divers). Pour ce qui est des documents falsifiés, les trafiquants ont recours à la fraude en modifiant les cartes grises et la fiche de contrôle technique. Généralement, ce genre de trafic se fait avec la complicité d’agents chargés de délivrer ces cartes et fiches.
Quant au trafic technique, les réseaux de malfaiteurs utilisent plusieurs techniques modernes. Une fois le véhicule volé, ils remplacent, dans un hangar clandestin, les plaques d’immatriculation originales par des fausses. Ils effacent ensuite le numéro de série de châssis du véhicule volé pour le remplacer par un autre. Enfin, les trafiquants changent souvent la couleur des voitures volées.
Les nouvelles marques ciblées
Selon la Gendarmerie nationale, plusieurs nouvelles marques de véhicules sont la cible des réseaux de trafic. Pour les anciennes voitures, les réseaux s’intéressent particulièrement aux pièces détachées.
Puis viennent les véhicules impliqués dans des accidents routiers et ceux de la contrebande. En ce qui concerne ces derniers, il y a deux types de véhicules à distinguer.
Tout d’abord ceux volés à l’étranger puis acheminés vers l’Algérie, soit pour être vendus en l’état ou pour être désossés et vendus en pièces détachées. Enfin, il y a ceux qui sont volés en Algérie et acheminés vers d’autres pays.
Batna-El-Oued-El-Tarf, le grand axe des réseaux
Le recours à la falsification des véhicules volés s’est désormais étendu à 35 wilayas du pays, selon un rapport détaillé de la Gendarmerie nationale sur les neuf mois de l’année écoulée.
De janvier à septembre 2012, les gendarmes ont traité 225 affaires de falsification de documents et moyens techniques de véhicules et interpellé 335 personnes, dont 4 femmes, ce qui a permis la récupération de 143 véhicules volés.
Le gros lot des véhicules volés et falsifiés a concerné essentiellement les villes de Batna, El-Oued et El- Tarf. A Batna, la wilaya la plus touchée par ce fléau, 37 affaires ont été élucidées par les gendarmes, ce qui a permis l’arrestation de 56 trafiquants et la récupération de 12 véhicules.
A El-Oued, deuxième ville algérienne concernée par ce trafic, 29 affaires ont été traitées, 47 trafiquants neutralisés et 32 véhicules saisis. Vient en troisième position la ville d’El-Tarf, où les éléments de la Gendarmerie nationale ont traité 20 affaires ayant conduit à l’interpellation de 27 trafiquants et la récupération de 17 voitures volées.
Comparativement à l’année dernière, les gendarmes soulignent que le recours à la falsification des véhicules a sensiblement diminué. En 2011, ils avaient traité 505 affaires liées à ce type de falsification, dans lesquelles 714 personnes impliquées ont été arrêtées et 337 véhicules récupérés. La ville de Batna, quant à elle, est classée en première position avec 87 véhicules falsifiés.
Attention aux pièges tendus par les réseaux !
Pour parvenir à leurs fins, les réseaux de trafic de véhicules font appel à différentes techniques. Selon les services de sécurité, ils utilisent neuf méthodes ou pièges pour voler les véhicules. Ils attirent d’abord les taxis clandestins, les taxis compteurs et les chauffeurs de bus, leur demandant de les accompagner vers une destination donnée, contre une somme intéressante.
Au cours du trajet, les trafiquants demandent aux chauffeurs d’emprunter des raccourcis afin de gagner du temps, et c’est à ce momentlà qu’ils passent à l’action, agressant les chauffeurs et volant leurs véhicules. Ce mode opératoire cible particulièrement les chauffeurs interwilayas et ceux qui exercent dans des stations urbaines. Le deuxième artifice souvent utilisé par les trafiquants est l’encerclement de la victime.
Les réseaux utilisent deux véhicules pour encercler le propriétaire d’un véhicule afin de l’empêcher de continuer à rouler, le coinçant dans son véhicule, avant de le lui enlever par la force. La troisième technique consiste à voler les véhicules dans des endroits isolés, sur des routes peu fréquentées, où beaucoup d’automobilistes sont agressés et dépouillés de leurs voitures.
La quatrième technique consiste à surveiller les propriétaires de véhicules qui garent dans un endroit habituel. Faire un double des clefs est également une technique très en vogue chez les trafiquants, en se faisant passer pour un gardien de parking auquel on confie le véhicule pour le garer «dès que possible».
L’escroquerie fait aussi partie des techniques utilisées par les trafiquants qui, après avoir passé un accord avec un particulier qui veut vendre sa vendre, lui donnent rendez-vous en un lieu où ils la lui voleront.
Il y a également le recours aux «belles filles», comme appât pour piéger les automobilistes. Cette technique semble aussi très prisée par les réseaux. Et ce n’est pas tout. Le rapport des gendarmes indique qu’un nouveau procédé gagne du terrain, celui de la complicité de propriétaires d’agences de location de véhicules.
Grâce à cette nouvelle collaboration, plusieurs sociétés d’assurances ont été arnaquées. Comment ? C’est simple. Les véhicules assurés par ces agences sont désossés et vendus en pièces détachées. Puis certaines agences de location de véhicules alertent les sociétés d’assurances du soi-disant vol des véhicules en question.
Le but est d’écarter tout soupçon et de gagner de l’argent à travers les sociétés d’assurances. Enfin, il arrive parfois que les trafiquants utilisent des armes à feu et des armes blanches pour parvenir à leurs fins.
Plan nouveau de lutte anti-vol de voitures
Pour venir à bout des trafiquants, le commandement de la Gendarmerie nationale a élaboré, en 2011, un plan spécial. Ce dernier consiste à intensifier la présence des gendarmes dans des lieux réputés comme étant le refuge des trafiquants de véhicules. La carte géographique de la criminalité établie par les gendarmes permet de mieux sélectionner les zones à risque.
Sur ce plan, une fiche d’analyse concernant les vols et la falsification des voitures a été créée par le Gendarmerie nationale pour mieux lutter contre ce fléau. Mieux, les véhicules font l’objet d’un contrôle systématique, avec des visites inopinées des parkings, outre la soumission des agences de location de véhicules à la présentation de fiches complètes des locataires de véhicules.
S. Abi