lors que le mouvement « Barakat » se fait plutôt discret dans la région est en général et dans la wilaya de Guelma en particulier, la commune de Hammam N’bails semble faire figure de pionnière puisqu’un groupuscule, qui pourrait s’agrandir dans un futur proche, vient de voir le jour. Sur les terres ancestrales de Kateb Yacine, la contestation contre le 4ème mandat est sur le point de prendre racine.
De Hammam N’bails (Guelma), Lakhdar Aït Mohamed-Salah
Distante de 38 kilomètres du chef-lieu de wilaya et accessible à travers la RN20 et le très escarpé CW19, la localité de Hammam N’bails, devenue officiellement commune en 1963, succédant à la commune mixte de Sfahli, semble figée au milieu d’une vallée prisonnière de montagnes parsemées d’oliviers et de figuiers de Barbarie. Mais plus que le paysage qui symbolise à lui tout seul toute la partie est de la wilaya de Guelma, c’est l’actualité nationale, en cette période de campagne pour l’élection présidentielle du 17 avril prochain qui commence à susciter l’attention de la population de ce gros village célèbre parce que la mechta de Aïn Ghrour, située à quelques kilomètres, est le cœur même des Keblouti, la tribu de l’illustre Kateb Yacine.
Ils sont encore une poignée à dire ouvertement « Non à un quatrième mandat ». Mais cette poignée pourrait s’agrandir encore, si les évènements donnent raison au mouvement « Barakat ! ». Et ce groupuscule pourrait annoncer, dans les prochains jours, la mise en place d’une annexe de ce mouvement, ici même à Hammam N’bails. Bien que Bouteflika, l’actuel locataire d’El Mouradia jouisse encore d’une relative popularité, il en est parmi les habitants de cette commune qui regroupe trois grandes tribus, Sfahli, M’chaâla et N’bails, des hommes, mais aussi des femmes, qui pensent que le temps de changer de chef d’Etat est venu pour l’Algérie. Alors que la paralysie ambiante semble régner à Guelma-ville, le vent d’un changement qui ne dit pas encore son nom a commencé à tourner.
« L’ALGÉRIE A ÉTÉ COLONISÉE PAR LES BOUTEFLIKA »
Parmi ces hommes et ces femmes de ce groupe de militants, Mourad, 38 ans, marié et père de famille. Depuis 2009, il s’est constamment tu. Mais il compte bien parler à présent, parce-que, tout simplement, il en a assez. « 2009-2014 a été le mandat de trop», annonce-t-il sans ambages. «Mais maintenant, avec des amis, nous comptons bien nous mettre en relation avec le mouvement « Barakat !» à Alger pour lancer « Barakat-Guelma » en vue de lancer des actions contre la supercherie du 17 avril prochain», explique-t-il. Modeste, il avoue tout de même : « Pour le moment, nous sommes 7, dont déjà 2 femmes. Certes, c’est un chiffre insignifiant, mais, dans notre groupe, figurent des gens qui travaillent à l’APC, ce qui n’est pas rien puisqu’ils peuvent mobiliser». Parmi les plus farouches opposants à Abdelaziz Bouteflika, citons une figure de Hammam N’bails. Appelons-le Krimou.
La cinquantaine passée, ce natif de Sfahli souhaite la finalisation de ce mouvement à Hammam N’bails qui devra, contre vents et marée, se solder par un effet domino. « Si le mouvement ‘‘Barakat’’ s’affiche ouvertement à Hammam N’bails, il y aura certainement un effet contagieux», souhaite-t-il. «Je pense que, dans un premier temps, ce sera les communes voisines, à l’instar de Dahouara, Oued Cheham ou Aïn Sandel qui pourraient être touchées avant d’en atteindre d’autres comme Boumahra-Ahmed ou Héliopolis qui, ainsi, assiègeraient Guelma », assure-t-il.
Déçu de tout un système qui, selon lui, « a permis à Bouteflika de s’enrichir lui et sa famille », Krimou ne mâche pas ses mots. « L’Algérie est un pays riche, explique-t-il. Nous avons du pétrole et du gaz et nous n’en profitons même pas ! Ici à Hammam N’bails, nous en sommes encore et toujours aux bouteilles de gaz alors que ce dernier est exporté directement en Europe où les habitants disposent du gaz de ville le plus normalement du monde. L’Algérie a été colonisée par les Bouteflika, des colons plus puissants et plus voraces encore que Borgeaud. Ça ne peut plus durer ».
«BOUTEFLIKA A TRAHI LA FEMME ALGÉRIENNE»
Parmi les deux femmes qui font partie du mouvement, seulement une seule a accepté de nous parler. Elle portera, pour la circonstance le prénom d’Amina. Célibataire, elle est fonctionnaire dans une institution étatique. Hidjab rose sur la tête, elle se revendique comme la porte-parole de toutes les femmes de Hammam N’bails. Elle, aussi, n’y va pas par quatre chemins. « Ce qui m’a amené à adhérer au mouvement qui sera l’aile locale de « Barakat », c’est à la fois ce système pire que le colonialisme mais aussi et surtout la condition de la femme qui est des plus humiliantes», rappelle-t-elle. «Je suis une moudjahida des temps modernes et je revendique l’abrogation totale du Code de la Famille. Bouteflika a trahi la femme algérienne».
Tous nos «interlocuteurs» sont unanimes à rappeler que si le mouvement « Barakat !» se met en place à Hammam N’bails, le symbole sera excessivement fort et interp. Hammam N’bails, ce sont les terres originelles de Kateb Yacine. « Je pense que si Kateb était toujours de ce monde, il nous aurait soutenu et serait même venu ici à Hammam N’bails», estime Krimou. «D’ailleurs, son fils Amazigh, poursuit notre interlocuteur, est invité à venir sur ses terres ancestrales. Il sera le bienvenu. Tous les amoureux du verbe katébien verront qu’à Hammam N’bails, il n’y a pas qu’une source d’eau chaude, mais aussi et surtout des hommes et des femmes qui veulent d’une autre Algérie, celle dont rêvait l’illustre héritier et représentant des Keblouti ». Hammam N’bails, point de départ d’un mouvement de contestation hors du commun dans la région Est ? Les jours et les semaines à venir nous fourniront la réponse à cette question.
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