Ce qui sauve le tableau ahurissant présenté, hier, par le ministre des Finances, tient au sens des responsabilités fiscales des grandes entreprises publiques et privées.
Faut-il applaudir ou conspuer cet incroyable aveu du ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa? Une part de 99% des recettes fiscales recouvrées à travers le pays provient de 12 wilayas seulement, a indiqué hier, à Alger le ministre des Finances Abderrahmane Benkhelfa. Cet aveu qui en dit long sur la paresse du système fiscal national, mais aussi de son caractère injuste, vient démontrer, si besoin, tout le potentiel de financement des activités de l’Etat, laissé en friche par tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, y compris les trois Exécutifs de Sellal. Le pavé dans la mare du ministre des Finances est sans doute destiné à réveiller les sujets fiscaux dont la quasi-totalité fuient le fisc dans la majorité des wilayas du pays. Il faut dire que dans toutes ces wilayas, l’administration fiscale dispose de représentations. On en arrive à se poser des questions sur la responsabilité de tous les intervenants dans la chaîne de l’impôt en Algérie.
Il est évident, comme l’a d’ailleurs, souligné le ministre des Finances, qu’il y a un manque flagrant de civisme de la part des sujets fiscaux, mais il y a lieu également de pointer l’administration qui manque de moyens, un personnel qui a besoin d’être réellement sensibilisé et une classe politique, apparemment très peu soucieuse de ce grand déficit en matière de recouvrement fiscal. «Sur les 48 wilayas, il y en a 36 qui ne contribuent que de 1% au total des recettes fiscales», a précisé le ministre des Finances. Précédant quelques «explications» sur le dynamisme de certaines wilayas, par rapport à d’autres et notamment le différentiel de densité de la population entre le Nord et le Sud, Benkhelfa enfonce le clou. «Je sais que la répartition des entreprises et de l’activité économique n’est pas pareille dans une wilaya du Nord par exemple et une autre du Sud, mais croyez-moi qu’il y a des wilayas du Nord, sur la côte, qui n’apportent presque rien aux impôts», a fulminé le ministre.
La solution préconisée par Benkhelfa consiste à instruire les walis pour doubler, dans un premier temps, l’apport de ces 36 wilayas au budget de l’Etat. Mais pareille mesure semble quelque peu risible et montre une certaine incapacité à produire des solutions à la hauteur des enjeux de l’heure. Et pour cause, à quoi pourrait servir le 1% de plus, dans le contexte financier que vit le pays, confronté à une baisse de ses revenus et pratiquant vraisemblablement une sorte d’injustice fiscale qu’il serait franchement difficile d’expliquer, tellement les chiffres sont parlants. Ce qui sauve le tableau ahurissant présenté, hier, par le ministre des Finances, tient au sens des responsabilités fiscales des grandes entreprises publiques et privées.
Il a affirmé, à ce propos, que «les grandes entreprises restent celles qui paient le plus» d’impôts. Un constat encourageant, même si «la plupart des petites et moyennes entreprises ne paient pas leurs impôts». Un autre aveu qui renseigne sur le travail qui reste à abattre par l’administration fiscale. Celle-ci doit être confortée par l’autorité politique et dotée des moyens nécessaires pour débusquer les tricheurs. Et à en croire, Benkhelfa, il y en a. Il retiendra en effet que beaucoup d’entreprises ne paient toujours pas leurs impôts sur le bénéfice des sociétés (IBS). «L’IBS (ses revenus) est toujours à un niveau bas. Cet impôt est porté par un nombre restreint d’entreprises», a-t-il déploré.