L’argent dans les coffres va en s’amenuisant depuis la chute inattendue des recettes pétrolières sur le marché mondial. La tendance actuelle n’est pas reluisante et ne suscite pas, au demeurant, le moindre espoir quant à une reprise salutaire.
Dès lors, l’Etat devrait perdre 33 à 35 milliards de dollars en 2015 sans possibilité de les compenser, selon le Premier ministre Abdelmalek Sellal. S’exprimant devant le Conseil national économique et social (CNES), Sellal admet que la situation est « difficile » et oblige le gouvernement à revoir sa politique économique, notamment sur le dossier des investissements et des dépenses publiques.
Impactées par la baisse des prix du pétrole, les recettes budgétaires de l’Algérie devraient connaître un recul de 33 à 35 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2015. Cette baisse a été annoncée hier par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lors de la rencontre organisé par le Conseil national économique et social autour de la situation économique du pays.
Dans son discours prononcé devant un parterre d’experts, le Premier ministre, a rappelé la réalité effrayante des chiffres induits par la baisse brutale des cours des hydrocarbures et son impact sur le Fonds de régulation des recettes et l’accroissement de la dette publique interne.
Se voulant rassurant, Sellal a toutefois affirmé que la conjoncture n’est pas aussi critique que celles des années 1980 et que son gouvernement mise sur la rationalisation des dépense publiques et le développement du marché des capitaux pour faire face au déficit budgétaire.
Mais au-delà des lois et des procédures étatiques pour développer l’économie nationale et contenir les difficultés financières induites par le choc pétrolier, il a insisté sur la nécessité de changer les mentalités.
« Ce n’est pas une question de budget, ni de planification d’ailleurs ; il faut plutôt révolutionner les mentalités et apprendre au gens qu’il faut travailler davantage pour réaliser la croissance et qu’il ne faut pas gaspiller la nourriture et l’énergie », a-t-il préconisé.
Il a affirmé que l’Algérie ne dispose pas d’idéologie économique figée, mais qu’elle adopte les solutions économiques qui servent ses intérêts et ceux de son peuple.
« Nous ne sommes pas dogmatiques ; nous choisirons ce qui est bon pour le citoyen », a-t-il dit. Le Premier ministre a assuré que la première priorité pour l’Algérie est de créer une économie émergente et diversifiée génératrice d’emplois et de richesses. Tout en admettant la gravité de la conjoncture économique, il a souligné qu’il ne faut pas se résigner devant le fait accompli mais avancer avec optimisme pour changer le cours des choses.
« Parler de la croissance n’est pas un discours conjoncturel mais une action qui s’inscrit dans la durée. Nous misons pour cela sur l’entreprise algérienne porteuse de développement et créatrice de richesses « , a-t-il insisté.
Il a évoqué dans ce sens la loi de finances complémentaire 2015 qui comporte, selon lui, des mesures pour améliorer le budget et appuyer davantage les investissements et les rendre plus attractifs que le secteur du commerce.
L’industrie, l’agriculture, les technologies de l’information et de la communication, le tourisme, la pétrochimie et les énergies renouvelables figurent en tête de liste des secteurs clés cités par le Premier ministre, en tant que catalyseurs de la croissance économique du pays.
Pour Sellal, la conjoncture difficile que traverse le pays est une occasion pour construire une nouvelle vision économique et modifier nos modes de fonctionnement et de régulation.
Il a expliqué dans ce sens que le gouvernement avait prévu cette chute continue du pétrole, en expliquant que la réaction de l’Etat à la contraction des revenus pétroliers s’est manifestée dès 2014 lorsque le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait donné des directives pour rationaliser les dépenses, maîtriser le commerce extérieur et les flux de capitaux tout en préservant les acquis socioéconomiques du citoyen.
Le premier ministre a rappelé que le budget 2016 mise sur une croissance de 4,6%, soit plus de 1% par rapport à l’exercice 2015.
Il a assuré la détermination de l’Etat de maîtriser les engagements budgétaires en engageant concrètement le passage du budget au marché par la captation de l’épargne des ménages, la dynamisation des circuits du Trésor et la bancarisation des liquidités de la sphère informelle.
Il a également souligné la détermination de son gouvernement à lutter contre la contrebande dont l’activité se chiffre à plus de 3 milliards de dollars par an.
Nous avons des investisseurs qui ne nous posent jamais la question du 49/51
A l’issue de son allocution, le Premier ministre s’est entretenu avec les experts économistes invités par le CNES, en leur assurant que son gouvernement est à leur écoute pour tirer profit de leurs conseils et leurs suggestions.
« Nous sommes ouverts à toute suggestion pouvant servir l’économie du pays « , a-t-il assuré. A une question sur la règle 49/51 régissant l’investissement étranger en Algérie, Sellal a répondu que la question du capital national dans le partenariat avec les étrangers ne pose pas de problème pour les investisseurs.
« Il n’y a pas de rigidité mais dans certains actions, on ne peut pas aller plus vite que la musique car nous tenons simplement à protéger notre économie naissante qui évolue dans un contexte géopolitique et économique extrêmement dangereux », a-t-il expliqué en assurant qu’il y a beaucoup d’investisseurs qui sont venus en Algérie sans se soucier de cette règle.
« Il y a eu Renault et bientôt il y aura Peugeot et bien d’autres constructeurs qui vont contribuer au développement de l’industrie automobile de l’Algérie », s’est-il réjoui.
Un avis partagé par un expert français qui a estimé que le volume du capital national ne pose pas de problème pour les investisseurs. Pour cet intervenant, c’est plutôt le manque d’infrastructures, de logistique et le coût de transaction qui freinent les investissements.
Au cours de cette rencontre-débat autour de l’économie nationale, les avis des intervenants ont convergé sur la durabilité de la crise pétrolière en prévenant que le prix du baril de pétrole pourrait descendre durablement à moins de 20 dollars, même avec une reprise de la croissance économique.
« Il y a un découplage entre l’économie et les hydrocarbures, et la reprise de la croissance n’impliquera pas forcément une hausse des prix du brut », a-t-on prédit.
Pour les experts, la diversification des ressources, l’agriculture et la relance de l’industrie sont impératifs face au pétrole bon marché. Un économiste français à même fait les louanges de l’économie informelle. « Nous avons tendance à ne citer que la phase sombre du secteur informel à savoir la concurrence déloyale, le travail en noir.
Mais en réalité l’informel a aussi une phase positive car c’est un secteur créateur d’emploi, un secteur où se forgent beaucoup d’initiatives », a-t-il expliqué.
Même les institutions économiques internationales reconnaissent le côté positif de l’économie informelle en la définissant comme étant une « économie populaire spontanée », a-t-il encore noté en rappelant que pour l’Algérie, l’informel représente 37 % de l’économie non agricole en contribuant à la richesse du pays et du capital humain.