Eviter le pire ou tout au moins limiter les dégâts
Les services en charge du plan Orsec se réunissent périodiquement, sauf que l’actualisation de ce plan n’aurait jamais constitué un sujet de débat.
C’est l’alerte dans la deuxième capitale du pays. L’hiver et son lot de grands risques obligent. La Protection civile de la wilaya d’Oran a mobilisé 27 unités, toutes spécialisées dans les interventions concernant les grandes catastrophes, comme les tremblements de terre et les inondations.* Ce n’est pas un fait du hasard que ces unités soient réquisitionnées, la finalité recherchée étant d’intervenir en temps réel en cas d’urgence, la fiabilité des opérations à mener dans une éventuelle inondation n’est donc pas démesurée. D’autant que ce corps continue à être un sujet de critiques. Ne dit-on pas qu’ «ils sont arrivés en retard?» Cette phrase revient souvent sur les lèvres des sinistrés. Pour ce faire, la Protection civile aurait adopté comme stratégie, l’intervention d’abord dans les zones inondables connues par la stagnation des eaux pluviales. Ces zones ne manquent pas à Oran, vu sa situation géophysique plate à commencer par Mers El Hadjadj (est) jusqu’à Aïn El Karma (ouest) en passant par Bethioua, Arzew, Gdyel, Bir El Djir, Sidi Chahmi et Oran-ville. Es-Senia désigne en langue arabe le plateau.
Leçon non retenue

Deux décennies de disette ponctuée par le laxisme et la passivité des autorités d’alors, ont totalement transformé la ville des Deux Lions. Les risques des inondations sont omniprésents un peu partout dans les villes et localités composant la wilaya d’Oran, notamment aux abords des oueds et alentours immédiats des falaises. La loi est explicite puisque interdisant toute urbanisation aux alentours des sites classés zones inondables comme les oueds. Le contraire se produit au su et au vu de toutes les autorités, des géants bidonvilles voient le jour et ceinturant notamment la ville d’Oran aussi bien de l’est que de l’ouest. Une moindre petite averse pourrait s’avérer fatidique dans la géante favela de Sidi El Bachir, située à l’entrée Est de la ville d’Oran. Idem à Raïs El Aïn, géant bidonville construit dans un lit d’oued.
Aussi, un fait qui n’est pas anodin nous assaille, la wilaya d’Oran ne dispose toujours pas de la cartographie des inondations bien que les zones inondables sont connues par le commun des mortels. Il a fallu instruire toutes les communes de la wilaya pour procéder au recensement des habitations vulnérables, tout en présentant des fiches techniques pour des projets devant les endiguer contre les risques des écoulements des eaux pluviales. Selon des sources proches des services en charge de ce dossier «c’est à partir des résultats du recensement que les cartographies seront établies avant de les transmettre à la hiérarchie, wilaya et ministère de tutelle.» «Ces cartographies serviront de guide dans le cadre du plan Organisation de secours, Orsec», apprend-on. Ce n’est pas tout. Les services en charge du plan Orsec se réunissent périodiquement, sauf que l’actualisation de ce plan n’aurait jamais constitué sujet de débat ne serait-ce que pour ordonner un quelconque exercice de sauvetage. Ainsi donc, les inondations de 2001 et leurs dégâts n’ont pas servi de leçon. La catastrophe vécue l’année dernière par les habitants de la commune de Sidi Chahmi n’a pas relancé les discussions. Derrière leurs bureaux, les autorités affirment fièrement qu’elles veulent agir à temps lors d’une catastrophe, la finalité étant d’éviter le pire ou tout au moins limiter les dégâts. Ces responsables, dont la majorité sont des carriéristes, avancent, question de stopper les harcèlements des journalistes et des populations locales, qu’ils vont procéder à tel ou tel projet, des avis d’appels sont ou seront lancés. C’est le cas d’un vice-président de la commune d’El Braya qui a indiqué tout récemment que «les travaux de protection de la commune contre les inondations seront lancés incessamment» ajoutant que «l’étude relative aux travaux tire à sa fin et les fiches techniques ont été transférées aux services de la wilaya qui ont donné leur aval». Que nenni. Les habitants ont, à maintes reprises, dénoncé la gestion hasardeuse de leurs cités. Rien n’a été fait, tout est resté en l’état et El Bahia risque des inondations à grande échelle.
Métropole dites-vous?
Oran n’est pas une métropole méditerranéenne. Elle ne se taillera jamais un tel titre tant que derrière le Front de mer un grand front de misère est dressé. Même si les autorités locales, à leur tête les responsables des services hydrauliques et ceux de la collectivité ne cessent d’amadouer les esprits en minimisant les intempéries et leur lot de dommages, le drame est, par contre, visible pour les habitants de la deuxième ville du pays à chaque intempérie. La situation est préoccupante vu les fines chutes de pluie qui occasionnent des dégâts irrémédiables. Les dernières pluies fines, qui ont marqué plusieurs villes du pays n’ont pas fait le bonheur des Oranais, en particulier ceux du centre-ville, qui n’appréhendent, à l’approche de chaque hiver, rien d’autre hormis les effondrements, les affaissements de terrain et les infiltrations des eaux dans leurs habitations. Lorsque la nature s’est mise soudainement en furie, elle a été à l’origine de la fermeture de plusieurs axes routiers et de plusieurs ronds-points comme ceux d’Es Sedikia et du Palais d’or du futur centre-ville d’Oran, le quartier El Akid-Lotfi et celui situé près de la sûreté de wilaya. Aussi, la voie express liant Bir El Djir (est d’Oran) aux Amandiers (ouest d’Oran) est, sur plusieurs tronçons, inondée provoquant d’énormes bouchons de la circulation. Le centre-ville a, en un laps de temps, perdu son charme. Les rues et les ruelles des quartiers populaires comme Derb et Sidi El Houari ont, du coup, changé de look en se transformant en de grands oueds urbains débordant de partout et charriant tout sur leur chemin, boue et déchets ménagers. Des avaloirs installés dans plusieurs axes routiers, refoulaient de grandes quantités d’eau de pluie. Celles-ci allaient dans tous les sens créant d’énormes flaques d’eau au milieu de la chaussée. La rue Philippe, située en contrebas de la place d’Armes, a été entièrement inondée par les eaux pluviales. Le même constat est à relever dans le boulevard Maâta (ex-Valero), qui est devenu, en un laps de temps, méconnaissable. Le boulevard Mascara connaît le même sort pendant que la placette Gambetta a vite fait de se transformer en un grand lac recueillant tous les écoulements venant des rues d’Arcole et de l’avenue Canastel. L’Usto et Saint-Eugène n’étaient pas en reste. Lors des dernières trombes, le tramway d’Oran, inauguré pompeusement le mois de mai dernier, a été mis à l’arrêt pendant plus d’une heure, ses rails ont été totalement envahis par les eaux. Des habitations du Petit Lac dans la commune d’Oran ont connu des infiltrations d’eaux pluviales. Les habitants, dont les demeures sont menacées par les effondrements, n’ont rien trouvé de mieux pour exprimer leur ras-le-bol de ces situations récurrentes que d’appeler les pouvoirs publics pour l’accélération des opérations de leur relogement. «Ici à Derb, nous sommes exposés aux risques des effondrements», a affirmé un occupant d’un vieux bâti. Plusieurs dizaines de familles des quartiers populaires encourent de grands risques comme les effondrements et les inondations provoquées, comme à l’accoutumée, par des petites rafales. Où sont donc les avaloirs promis par les services publics? Ces derniers sont, dans un passé récent, allés jusqu’à dire que «les grands développements opérés ces dernières années apporteront beaucoup d’amélioration». Et d’ajouter que «ces améliorations seront constatées de visu à la faveur de la finalisation et de la réception des chantiers lancés comme ceux du tramway». Rien, à part la duperie, question d’apaiser l’opinion locale. La moindre pluie est, à Oran, l’équivalent d’un grand embarras. El Bahia n’est plus cette belle ville aux couleurs chatoyantes des années 1980. Aujourd’hui, elle est en proie à la régression totale au moment même où l’on tente, tant bien que mal, de colmater, ici et là, une plaie béante.