23 ans après le 5 Octobre 1988,Nos jeunes imprégnés d’images de sang

23 ans après le 5 Octobre 1988,Nos jeunes imprégnés d’images de sang

Cette scène a caractérisé les émeutes d’Octobre 88

L’Algérie a certes commencé sa révolution depuis longtemps, mais est-elle arrivée à son aboutissement?

L’Algérie a célébré hier l’anniversaire des événements d’Octobre 1988. Le tout dans un double contexte. Celui des révolutions arabes et celui du débat sur la poursuite des réformes politiques dans le pays.

Beaucoup de voix se sont élevées depuis janvier dernier pour donner des leçons à l’Algérie, prétendant la guider sur le sentier révolutionnaire qu’elle a pourtant emprunté depuis 23 ans. Dès 1989, une nouvelle Constitution a été adoptée. Elle a été suivie par la promulgation de nombreuses lois ouvrant le champ politique et médiatique. L’article 40 de la Constitution a institué le multipartisme et la loi sur l’information a donné naissance, sous l’impulsion de Mouloud Hamrouche, à la presse indépendante. Des années plus tard, des leçons ont bien été tirées de ces réformes. La révision de la Constitution est annoncée pour l’année prochaine alors qu’en ce moment même, sept projets de loi sont discutés à différents niveaux des institutions politiques. Il est surtout question d’ouverture du champ audiovisuel au privé et une surveillance plus accrue du processus électoral. La représentation de la femme et le renforcement du mouvement associatif font partie des objectifs de ces réformes.

Autant d’acquis qui n’ont pu être engrangés pendant la tragédie nationale suite à l’entrée fracassante des islamistes dans le jeu politique. Une rupture du processus électoral au début des années 1990, l’état d’urgence et l’effusion de sang avec ses 200.000 morts ont donné un coup de frein à la marche de l’Algérie vers une véritable vie démocratique.

Ce déficit sera-t-il rattrapé par les prochaines échéances électorales? Les législatives et le choix des élus locaux à l’APC et à l’APW seront pour l’année prochaine alors qu’en 2014, il y aura un grand rendez-vous politique avec la présidentielle. Y aura-t-il des trouble-fête? Des islamistes ou du moins des anciens leaders continuent de nourrir le projet de reconstituer l’ex-FIS. Ce danger du retour des islamistes ou de leur arrivée au pouvoir n’est pas seulement une menace pour l’Algérie. Il guette l’ensemble du Monde arabe. Les islamistes tunisiens, libyens, syriens, yéménites et égyptiens affûtent leurs armes. S’il partagent un même dessein, celui d’instaurer un Etat théocratique, leurs plans d’action diffèrent. Il se trouve même des islamistes qui se réclament partisans d’un régime démocratique mais pour mieux lui tordre le cou une fois au pouvoir, à l’image de ce qui se passe en Syrie tandis qu’en Egypte, le projet d’un tel Etat est avoué publiquement.

Ces éléments sont parmi d’autres les ingrédients qui font planer des menaces de guerres civiles augmentant du coup la vulnérabilité aux frontières de l’Algérie ainsi que celle de ses partenaires au Moyen-Orient. Ces signaux peu encourageants n’empêchent pas les Algériens de continuer à s’indigner. Il y a peu de monde qui rejette le constat selon lequel le pays est au milieu du gué et qu’une crise frappe effectivement ses institutions. Pour ne pas laisser l’indignation se transformer en révolte, des réponses politiques et économiques continuent d’être proposées.

Les lois de finances successives ne cessent d’inscrire au chapitre des dépenses des montants astronomiques pour faire face aux demandes des travailleurs en augmentant les indemnités et les salaires. Même les patrons bénéficient d’effacement de dettes alors que les demandeurs d’emploi bénéficient de crédits à un taux avantageux.

Les jeunes d’aujourd’hui sont nés sous le règne de Boumediene et ont grandi sous celui de Chadli: ils ne sont donc plus sensibles au discours politique. Ce qu’ils veulent, c’est du concret. C’est-à-dire le travail et le logement.

Les étudiants d’aujourd’hui n’ont même pas vécu l’époque de Chadli et les événements d’octobre. On peut même spécifier qu’ils sont nés en pleine tourmente du début des années 1990. En souvenir, ils n’ont retenu que l’effusion de sang et les scènes de destruction. Leur psychisme est imprégné de scènes de violence. Curieusement, c’est un point commun qu’ils partagent avec leurs aînés ayant vécu la guerre de Libération. 23 ans après Octobre 1988, le civisme est peut-être l’une des vertus qui manquent le plus à l’Algérien.

Le phénomène prend tout son sens lorsque est constaté le fossé qui sépare le citoyen des gouvernants. C’est une donne que les réformes successives n’ont pas pu régler. D’où les soulèvements vécus dans plusieurs wilayas en quelques mois au début de l’année.