Le 7e art, miroir de la vie, s’est offert au regard des Burkinabés jusqu’à hier soir où a été dévoilé le palmarès du festival.
Le thème de l’immigration n’est pas près de se tarir dans le documentaire africain, tant le phénomène reste entier et constitue une problématique pernicieuse politiquement parlant.
Si l’Algérien Lakhdar Tati l’évoque dans son film Dans le silence, je sens rouler la terre et ce, de façon biaisée, non pas celle des Algériens, mais des républicains espagnols du temps de Franco, pour finir par évoquer les harraga d’aujourd’hui, un autre documentaire met carrément les pieds dans le plat. Il s’agit de Paris, mon paradis de la Burkinabée Eléonore Yameogo qui part de son expérience personnelle pour évoquer la situation, plus que précaire, des immigrés en France et les sans-papiers.
Si la France symbolise l’eldorado pour beaucoup d’«Africains», la réalisatrice entend lever ce cliché et casser le tabou du mensonge qui pèse sur la plupart des gens qui sont partis: dire qu’on est bien pour ne pas subir la honte de sa famille là-bas. La réalisatrice s’intéresse à plusieurs portraits entre masculin et féminin et met en exergue les différents problèmes que rencontrent les sans-papiers en France jusqu’à ces images violentes traduisant la brutalité des policiers envers ces familles qui squattent des logements ou des espaces de façon illégale.
Le problème du retour est également âprement souligné. Le point de vue de la réalisatrice, nous a-t-elle avoué, est non pas d’interdire aux jeunes de partir, mais de les laisser faire leur vie pour se grandir et trouver après le bon chemin. Un documentaire touchant, très humain, vu à travers le regard d’une femme, elle-même déchantée lorsqu’elle découvrira Paris pour la première fois. Restant en France, le documentaire (franco-algérien) de Jacqueline Gozland, Liberté, égalité, fraternité fait écho au principe de la République française, considérée comme le pays des droits de l’homme. Loin des clichés des footballeurs algériens ou noirs qui ont réussi en France, la réalisatrice s’intéresse à d’autres profils plus épurés, plus «culturels», à savoir celui d’une chef d’orchestre algérienne, la fameuse Zahia Zouani et la comédienne Souad Hamidou notamment. La musique classique et le théâtre: deux voies qu’ont choisies ces deux femmes pour évoluer en France en tant que personnes à part entière. Zahia Zouani raconte ses débuts jusqu’à aujourd’hui où elle se voit décorer de la Légion d’honneur et Ordre du mérite. Souad Hamidou, qui oeuvre à l’initiation théâtrale pour enfants, abor-de le thème de la citoyenneté et de son apprentissage qui doit commencer très tôt selon elle. Son discours sans ambages est incisif et frontal. Le problème de l’intégration, mille fois ressassé, revient sur le tapis. Souad Hamidou dénonce l’exclusion d’une certaine frange de la population, en l’occurrence des jeunes «qu’on a tendance à mettre à l’extérieur» du système. Et de confier un peu plus loin: «Quand il y a beaucoup de problèmes socioéconomiques, une certaine frange de la société française est abandonnée. Il faut l’inclure, sinon on va vers la catastrophe, à la guerre civile…» Une autre femme, sans doute une assistante sociale, affirme que les enfants d’immigrés ne doivent pas occulter leurs origines ni leur langue maternelle, matrice de leur construction. Le cinéma véhicule des idées, est aussi employé dans le cadre d’un ciné-club pour tisser les liens avec les Maghrébins, notamment. Entre soutien et mépris, le documentaire de Jacqueline Gozland entend être neutre. Faire dire et réfléchir sans prendre de position politique. Une démarche somme toute logique pour dépeindre une réalité souvent amère, mais rehaussée parfois d’embellie. Un documentaire sans grande prétention qui se veut presque pédagogique. Evidem-ment, c’est avec le film burkinabé que le public prend une sacrée claque. Il rit même, mais se tait souvent, par émotion. Paris, mon paradis pénètre les arcanes de la souffrance humaine quand le second ne fait que l’effleurer théoriquement. Paris, mon paradis suit pendant plusieurs mois le parcours de ces hommes et femmes qui, un jour, ont cru au rêve américain. Le témoignage de ces individus est désarmant de vérité. Pas facile de suivre des sans-papiers dans leur quête de boulot ou d’intégration sociale. Filmer cette femme qui revient après cinq ans dans son pays natal, le Burkina Faso, la valise remplie de cadeaux pour ses parents est un moment de grâce dans ce film intimiste qui met à nu cette dure réalité du départ pour de nombreux Africains et les confronte avec leur conscience. Immigration et racisme, voilà deux sujets en or que les documentaristes n’ont pas fini d’explorer. Fort malheureusement, dirions-nous.