Une comparaison des carrières des plus grands joueurs de l’Histoire au même âge que la «puce» argentine.
Quatre buts en quart de finale de Ligue des champions, la plus prestigieuse des compétitions de clubs au monde: Lionel Messi est sur une autre planète. «Un match parfait», écrit l’Equipe ce mercredi matin, qui lui donne la note rarissime de 10 sur 10 (Zidane n’a jamais eu cet honneur). Arsène Wenger, adversaire malheureux du prodige lors de cette soirée, le qualifie de «joueur de Playstation». Les superlatifs pleuvent depuis quelques temps sur le jeune (22 ans) et petit (1m69) prodige argentin, qui est en train de réaliser une saison encore plus impressionnante, si c’est possible, que l’année dernière. Les comparaisons avec les plus grands joueurs de l’histoire, qui avaient commencé quand il s’était amusé à copier quasiment à l’identique les deux buts les plus mémorables du légendaire Maradona, ressortent à chaque nouvel exploit.
En plus de la manière, ce sont les statistiques que «la puce» s’amuse à affoler en ce moment: 39 buts en 43 matchs cette saison, dont une série incroyable de 28 buts sur ses 24 derniers matchs, soit un ratio de 1,16 but par match. Avec son match de mardi soir, Messi devient le meilleur buteur de l’histoire du FC Barcelone en Ligue des champions (25 buts, ex-æquo avec Rivaldo), signe le premier quadruplé de sa carrière et le premier en match à élimination directe depuis que le tournoi a changé de formule (il y a 18 ans). Et le tout à 22 ans.
Alors, Messi est-il meilleur que Maradona, son illustre entraîneur en équipe argentine, comme l’a affirmé son jeune coéquipier Pedro? Est-il plus fort que son seul rival actuel, Cristiano Ronaldo? Etant donné son âge, et l’évolution du football, il est difficile de le comparer aux autres légendes du sport. Néanmoins, en se basant sur les statistiques, il est intéressant d’étudier où Lionel Messi en est par rapport aux joueurs qui ont marqué l’histoire du foot.
Les joueurs choisis pour la comparaison n’évoluent pas tous exactement au même poste que Messi (notamment Ronaldo, pur buteur), mais ont tous dominé le sport à un moment donné, ou ont été des stars particulièrement précoces.
Palmarès en club
A son âge, rares sont les footballeurs à avoir pu se targuer d’un palmarès en club aussi impressionnant que Messi: il a déjà deux Ligues des Champions et trois championnats d’Espagne à son actif, sans compter les innombrables «petits trophées» glanés (Coupe d’Espagne, Coupe du monde des clubs, etc.). Encore plus que ces simples lignes à son palmarès, c’est aussi et surtout le rôle central qu’il a joué dans ces victoires qu’il faut retenir: il a notamment été le principal artisan du sextuplé historique du FC Barcelone lors de la saison 2008-2009.
Johan Cruyff, qui a marqué l’histoire du FC Barcelone (raison pour laquelle Messi lui est souvent comparé), avait gagné quatre fois le championnat des Pays-Bas avec l’Ajax d’Amsterdam au même âge, mais aucune Coupe d’Europe, tandis que le prodige brésilien Ronaldo avait gagné deux coupes d’Europe, mais pas la Ligue des champions.
Cristiano Ronaldo, qui a précédé Messi au palmarès du Ballon d’or et du joueur Fifa de l’année, effectuait la meilleure saison de sa carrière en 2007-2008 (à cheval entre ses 22 et 23 ans), guidant Manchester United vers un triplé championnat d’Angleterre-Ligue des champions-Coupe du monde des clubs. Mais les palmarès de nombreux grands noms, comme Zidane, dont la carrière n’a véritablement explosée qu’à 25 ans avec son transfert à la Juventus Turin, ou Platini (une Coupe de France avec Nancy), étaient encore au point mort à cet âge. Ronaldinho, qui était voué à un avenir étincelant, se morfondait dans le ventre mou du championnat de France pour sa dernière année avec le Paris Saint-Germain, entre deux prises de bec avec Luis Fernandez, et comptait seulement un championnat régional au Brésil et une Coupe Intertoto.
Efficacité
Le monde entier connaît le style de jeu flamboyant de Messi, avec ses accélérations tonitruantes et sa technique extraterrestre qui donne l’impression que le ballon est collé à ses pieds, même à vive allure. Mais cette année, c’est aussi et surtout son efficacité qui a déclenché les comparaisons avec les plus grands. Sur l’ensemble de sa carrière, l’efficacité (c’est-à-dire le nombre de buts par match) de Messi se situe dans la moyenne de notre panel, même s’il faut encore une fois tenir compte des différences de poste dans ce domaine (Ronaldo et Pelé sont ici avantagés, tandis que le rôle de n°10 de Zidane lui offre moins de possibilités de marquer).
Dans ce domaine, le Roi Pelé est sans surprise loin devant tout le monde. L’homme aux 1.000 buts tournait déjà à une moyenne très proche d’un but par match à 22 ans. Outre Pelé et Ronaldo, dont la statistique de 185 buts en 219 matchs de club est également exceptionnelle, seuls Maradona et Cruyff dépassent le jeune Argentin en efficacité et en nombre total de buts. Même en étant généreux et en comptant la saison 2008-2009 de Cristiano Ronaldo (il avait 23 ans à la fin de celle-ci), le Portugais a une bonne vingtaine de buts de retard sur Messi, et son ratio de buts par match est bien inférieur. Cristiano avait fini cette saison, qui lui a valu le Ballon d’or, à 42 buts en 49 matchs. Messi est sur un rythme comparable cette année, même s’il n’atteindra sans doute pas les 47 en 49 matchs de Ronaldo avec le FC Barcelone en 1996-1997, à 20 ans à peine.
Palmarès international
Messi l’a dit lui-même, «pour devenir une légende, un grand, il faut aussi remporter la Coupe du monde». Et il ne s’est pas trompé: la carrière internationale est le seul domaine où il n’a pas d’avance sur les autres grands du football au même âge. Son seul trophée international est l’or olympique en 2008, une compétition mineure dans le football. Bien qu’il ait déjà joué 43 matchs sous le maillot albiceleste, son ratio de buts par match avec la sélection est de «seulement» 0,3, alors qu’il est de 0,58 en club. Et il n’a gagné aucune compétition internationale majeure, contrairement à Ronaldinho et Pelé (une Coupe du monde) ou Ronaldo (deux Copa America et une Coupe du monde, même s’il n’a pas contribué activement à la victoire du Brésil à la Coupe du monde 1994) au même âge. Le seul défaut de Messi est donc de ne pas être Brésilien, une nationalité plutôt utile pour étoffer son palmarès international.
En résumé, Messi est sans doute un des joueurs ayant atteint le statut de meilleur joueur du monde le plus tôt. Il faut évidemment prendre en compte le fait que le football moderne propulse les jeunes beaucoup plus tôt dans le grand bain, à l’image également de Ronaldo, qu’à l’époque de Pelé ou même celle de Platini.
Reste à savoir si Messi sera capable de maintenir ce niveau tout au long de sa carrière.