à travers les quatre coins de la planète, des citoyens ont pris conscience de l’importance de ce patrimoine immatériel, qu’est la langue maternelle. D’éminents scientifiques ont mis en exergue l’importance de la préservation des langues maternelles et l’héritage linguistique.
Aussi bien le tamazight dans sa variante chaouie, que le nombre de locuteurs de cette langue à travers le pays chaoui, ont connu une courbe qui n’a cessé de fléchir au point d’inquiéter les plus hautes instances et dont la plus prestigieuse reste l’Unesco qui dans ses rapports à la fin des années 80, indiquait que l’usage du berbère dans les Aurès était dans la zone rouge, c’est-à-dire une situation inquiétante, avec le nombre des locuteurs qui n’a pas connu d’amélioration depuis des décennies, dans cette région du pays pourtant connue pour être berbérophone, la langue maternelle était plus que menacée.
Une prise de conscience salutaire
Le mouvement culturel amazigh dans les Aurès a joué un rôle prépondérant, dans une prise de conscience salutaire qui a tardé à venir pour moult raisons, mais qui est venue tout de même sous une forme d’estime de soi, de désir de connaître l’histoire, la culture et les personnages de notre histoire millénaire. Dans une majorité écrasante, les remembres de ce mouvement culturel amazigh, MCA, étaient des étudiants, venus à l’université de Batna de différentes zones rurales encore berbérophones, aussi bien de la wilaya de Batna que des wilayas limitrophes, Khenchela, Oum El-Bouaghi, Tébessa, Biskra. Un nombre impressionnant d’associations ont vu le jour et ont adhéré au mouvement culturel, ce qui lui a donné une dimension auressienne, tout en permettant aux membres de ce même mouvement de trouver et de retrouver des locuteurs “chaouiphones”, qui ne sont pas forcément de leur région, ville ou village, ce qui a donné, durant plus de cinq ans, un fructueux échange en matière de langue, de différences, ressemblances, richesses lexicales, emprunts…
En somme l’espoir est venu du douar où l’on continuait de parler la langue des ancêtres, puisque en réalité comme nous le disent des observateurs avertis, des enseignants au département de langue et de culture amazighes, que la ville de Batna a joué un rôle négatif en “déberbérisant” ses habitants, qui n’utilisaient plus le chaoui. Depuis le début des années 1990 à nos jours, il y a la naissance d’une nouvelle famille chaouie, car les parents jouent le rôle du premier enseignant, en permettant à leurs enfants de s’exprimer déjà dans la langue maternelle.
L’officialisation et l’enseignement de tamazight, un acquis indéniable
Lors de notre déplacement au département de langue et culture amazighes à l’université de Batna, nous avons rencontré M. Malek Boudjelal, maître de conférences, enseignant de linguistique générale, sociolinguistique, dialectologie arabe, phonétique et phonologie du berbère, dialecte amazighe en master 2, anthropologie des groupements berbérophones, contact des langues à qui on a posé la question, sur l’importance ou l’impact de l’officialisation de tamazight, il nous dit en substance : “L’enseignement en langue maternelle, seconde ou même 3e, c’est pas un problème … pour le berbérophone natif il découvre à la fois la possibilité qu’a sa propre langue d’exprimer la pensée et l’abstraction avec quelques aménagements, la diversité interne du berbère qui loin d’être un handicap est une richesse et offre la possibilité d’une plus grande liberté d’expression. C’est-à-dire que l’on est face à une norme polynomique aussi, nos étudiants non berbérophones découvrent la berbérité de l’arabe algérien et utilisent leurs compétences de locuteur de notre arabe algérien, avec une partie du lexique et surtout syntaxe, dont le substrat amazigh est important, pour passer au berbère et comme dit le proverbe berbère : “Où vas-tu mon pied ? Vers ma racine.” Le jeune enseignant ne cache sa satisfaction de l’absence totale de l’adversité encore moins animosité, des étudiants non berbérophones, qui font le déplacement des villes côtières, il exprime son entière satisfaction.
Parmi les étudiants rencontrés, filles et garçons, ces derniers ont dépassé le stade de parler ou ne pas parler. Beaucoup invoquent le souci de la prise en charge la plus rapide possible de cette langue ancestrale, par la collecte, l’enregistrement, l’étude du terrain, l’écoute, aller vers les locuteurs des zones rurales, surtout les anciens qui continuent à utiliser exclusivement le tamazight – variante chaouie dans leur discussion quotidienne et avec spontanéité.
C’est dans les zones recluses que le chaoui semble avoir été bien préservé, on donne des exemples , comme Aïth Frah, wilaya de Biskra, Imine Toub, Yabous, wilaya de Khenchela ou encore Khirtene, Ouelja toujours dans la wilaya de Khenchela ou aux Nememcha, la plus grande tribu chaouie, on continue de parler un chaoui avec des particularités Nemouchi, une synonymie riche, dont parle d’ailleurs un chercheur, fils de la région, Mohamed Salah Ounissi qui a à son actif plusieurs recherches et œuvres.
Pour rappel, la Journée internationale de la langue maternelle est célébrée chaque année depuis février 2000 afin de promouvoir la diversité linguistique et culturelle ainsi que le multilinguisme. La date du 21 février a été choisie en hommage aux étudiants tués par la police à Dacca (aujourd’hui la capitale du Bangladesh) alors qu’ils manifestaient pour que leur langue maternelle, le bengali, soit déclarée deuxième langue nationale du Pakistan de l’époque. Aussi bien dans cette région de la planète, que dans le reste du monde, des citoyens ont pris conscience de l’importance de ce patrimoine immatériel qu’est la langue maternelle. D’éminents scientifiques (linguistes et autres) ont mis en exergue l’importance de la préservation des langues maternelles et l’héritage linguistique. Ils ont signalé les risques de l’enseignement dans les langues étrangères en dépossédant une population de sa langue maternelle.
Ils attestent aussi que les enfants apprennent et retiennent mieux dans leur langue maternelle. De nombreux groupes linguistiques élèvent leur voix pour souligner la nécessité de veiller à ce que les plus jeunes membres de leurs communautés conservent leur héritage linguistique. Dans certains pays (Philippines, par exemple) les pouvoirs publics ont récemment mis en place une politique linguistique de l’enseignement tenant compte des langues maternelles.
L’Unesco a publié un recueil d’exemples qui atteste de l’intérêt croissant porté à cette question et qui expose la grande variété des modèles, outils et ressources qui sont expérimentés pour favoriser les programmes d’enseignement en langue maternelle.
H. TAYEB