Séisme à Mila : Les précisions du Président du Club des risques majeurs

Séisme à Mila : Les précisions du Président du Club des risques majeurs

Le Président du Club des risques majeurs, Professeur Abdelkrim Chelghoum, s’est exprimé sur la récente activité sismique qu’a connu la wilaya de Mila.

Dans une entrevue accordée à notre confrère El Watan, le Professeur Abdelkrim Chelghoum, Directeur du cabinet GPDS (Génie parasismique, gestion des risques et catastrophes), s’est exprimé sur les récents séismes qui ont frappé la wilaya de Mila.

Selon le Professeur Chelghoum, la wilaya de Mila est « classée en zone II, à savoir, une zone à sismicité modérée ». Cependant, il a souligné que cette « classification datait de 2003, après le tremblement de terre de Boumerdés, et n’avait aucune justification scientifique ».

« La dernière classification des zones sismiques en Algérie, établie après le tremblement de terre du 21 mai 2003 de Boumerdès, présente toute la région de Mila comme zone à sismicité modérée (zone II a) sans aucune justification scientifique. Il faut noter aussi que les wilayas limitrophes : Sétif, Constantine et Jijel, sont classées aléatoirement dans la même zone, alors que Batna est présentée dans la zone de faible sismicité (zone I), occultant totalement la sismicité historique. Il faut noter que dans ce contexte, Jijel a été secoué par un séisme destructeur le 22 août 1856 et Batna le 16 mars 1924, sans oublier de rappeler le «cas d’école » de Boumerdès et Alger qui étaient considérées comme zones à moyenne sismicité jusqu’à la surprise sismologique du 21 mai 2003, qui est venue contredire une réglementation éparse et bricolée avec toutes les conséquences catastrophiques enregistrées sur les plans humain et matériel », a-t-il expliqué.

Dans ce même contexte, et interrogé sur la possibilité d’habiter le site touché à Mila, le Directeur du cabinet GPDS a déconseillé la construction sur ces sols, et a souligné que cela nécessiterait une « investigation géotechnique très poussée avec des moyens, des compétences et de l’expérience ».

« Mila est connue pour ses couches de sol argileuses de grande épaisseur, dépassant 50 mètres par endroit. Ce type de sol est généralement considéré comme non aedificandi (non constructible), car il requiert des investigations géotechniques très poussées, complétées par des simulations numériques très fines, qui permettent d’anticiper le mouvement des sols en place, essentiellement sous effets sismiques. Il faut dire qu’aujourd’hui, les pouvoirs publics n’ont ni la compétence, ni l’expérience, ni les moyens matériels pour traiter cette problématique. Peut-on construire sur le même site ? Question pertinente ; à mon avis, il est vivement conseillé aux pouvoirs publics d’éviter toute construction sur ces sols, car le coût des infrastructures serait exorbitant, dépassant 2 à 3 fois le coût global de la construction », a-t-il détaillé.

Au sujet du respect de la loi sur les risque majeurs, le Professeur Chelghoum a indiqué, qu’à travers l’ensemble des wilayas, des projets sont « érigés sur des sols problématiques », et ce malgré l’existence d’une loi qui l’interdit.

« Votre question concerne l’ensemble des wilayas, à savoir 90% des nouveaux projets, appelés «projets du siècle » dans ce pays, ont été érigés sur des sols problématiques sur le plan géotechnique avec des vices cachés : glissement, gonflement, liquéfaction, tassement excessif, etc., ou aux abords des failles sismiques clairement répertoriées, sachant que la loi 04-20 du 25 décembre 2004, relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable, prohibe toute construction dans ces zones », a-t-il révélé.

Enfin, le Professeur Abdelkrim Chelghoum s’est arrêté sur les éventuels risques qui menacent les ouvrages de grande importance, à l’instar du barrage de Beni Haroune, à cet effet, il a recommandé « plus de vigilance » et la réalisation d’une « expertise détaillée des parties immergées du barrage ».

« Concernant les ouvrages de grande importance, il est important de procéder à l’élaboration de l’aléa sismique local avec la détermination des accélérations probables ainsi que la relation existante entre les mouvements du sol en champ libre et la fondation de ces structures avec leur corrélation spatiale. Ce qui permet de vérifier la stabilité globale de ces deux ouvrages sous différents spectres sismiques. Aujourd’hui, il est conseillé au gouvernement d’être plus vigilant et d’engager une expertise détaillée sur les parties immergées du barrage et des piliers des viaducs, avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il conclue.

Rédaction d’Algérie 360.