Ali Ghediri, 64 ans, gĂ©nĂ©ral-Âmajor Ă la retraite, l’Ex-candidat aux Ă©lections prĂ©sidentielles du 18 avril 2019 emprisonnĂ© depuis 2019 au centre d’arrĂȘt d’El Harach s’est adressĂ© au Chef de l’Ătat abdelmadjid Tebboune dans une lettre ouverte rĂ©digĂ©e dans sa cellule.
« AprĂšs une annĂ©e de dĂ©tention, lâon est venu me signifier, pour la quatriĂšme fois consĂ©cutive, la prorogation, nonobstant la forme, de la durĂ©e de « confinement politique » auquel je suis soumis et dĂ©signĂ© par euphĂ©misme mandat de dĂ©pĂŽt, cette mesure exceptionnelle que le lĂ©gislateur, conscient de lâusage abusif qui pourrait en ĂȘtre fait, a, par prĂ©venance, soumise Ă des conditions strictes et bien dĂ©finies. Et câest prĂ©cisĂ©ment cet abus que je suis en train de subir dans ma chair, dans les geĂŽles dâEl Harrach au motif inavouĂ© que ma prĂ©sence sur la scĂšne politique nâĂ©tait pas sans incommoder certains dĂ©cideurs.
Il en va ainsi, monsieur le PrĂ©sident de la RĂ©publique, dans tout pays oĂč les garde-fous institutionnels font dĂ©faut ; sans de telles conditions, les ressentiments personnels et les ambitions inhibent les consciences et laissent libre cours Ă lâomnipotence pour sâimposer aux lieu et place des lois et rĂšglements rĂ©gissant lâordre rĂ©publicain. Il devient alors loisible aux maĂźtres du moment dâinstrumentaliser les institutions et les organismes de lâEtat et dâen soumettre le fonctionnement Ă leur seul bon vouloir.
Telle est la vĂ©ritĂ©, monsieur le PrĂ©sident. Et ce serait, en effet, attenter Ă la compĂ©tence et Ă lâintĂ©gritĂ© du corps des magistrats que dâadmettre quâil puisse sâagir dâune dĂ©cision judiciaire prise sur la base de faits et charges dĂ»ment Ă©tablis. Câest dâune dĂ©cision Ă©minemment politique dont il sâagit car seule la politique se considĂšre, quand elle est pratiquĂ©e dans de pareilles conditions, aux rĂšgles morales, non tenue. De la sorte, dâhonorables citoyens, serviteurs toute une vie durant de lâEtat, autant moralement intĂšgres que patriotes engagĂ©s, se retrouvent arbitrairement taxĂ©s de traĂźtres Ă la Nation et, par la seule omnipotence des dĂ©cideurs, sont jetĂ©s sans preuve aucune en pĂąture Ă la vindicte populaire, coupables de crimes qui nâont dâexistence que dans lâimaginaire des commanditaires.
Les charges les plus dĂ©nuĂ©es de sens et les plus irrĂ©elles sont alors avancĂ©es pour servir dâhabillage juridique Ă une accusation qui prend racine dans le terreau fertile des pulsions individuelles, des calculs de basse politique et du besoin vital de satisfaire certains Ă©gos hypertrophiĂ©s nâobĂ©issant quâĂ leurs instincts. Dans de pareils cas, lâavis contraire est perçu comme forcĂ©ment subversif et tout opposant politique comme traĂźtre en puissance ; il en a Ă©tĂ© ainsi de ma candidature aux Ă©lections prĂ©sidentielles avortĂ©es du 18 avril 2019: un droit citoyen apprĂ©hendĂ©, par les dĂ©cideurs du moment, comme un crime de lĂšse-majestĂ©, une outrecuidance, un dĂ©fi Ă leur suprĂȘme autoritĂ© en tant que gardiens autoproclamĂ©s du temple. Ils ne pouvaient ni ne sauraient admettre cette maniĂšre dâenvisager la politique. Ils ont trouvĂ© en mes positions contre le cinquiĂšme mandat et en mon engagement ferme et rĂ©solu pour une nette rupture avec le systĂšme en place prĂ©texte pour mâaccabler dâaccusations dâextrĂȘme gravitĂ© relevant de la haute trahison.
Câest partant de ces seules considĂ©rations que sâest montĂ©e la cabale contre ma personne Ă laquelle les charges contenues dans mon dossier font figure de couverture judiciaire Ă©hontĂ©e Ă des fins politiques et personnelles. Un vĂ©ritable montage de mensonges grotesques et sans intelligence aux relents de rĂšglement de comptes dans le seul but de me salir et me tenir Ă©loignĂ© du processus des Ă©lections prĂ©sidentielles. Pour ce faire, les dĂ©cideurs ont pĂȘchĂ© par excĂšs de confiance en la puissance que leur offrait la conjoncture quâils pensaient Ă©ternelle et, Ă ce titre, Ă mĂȘme de forcer Ă leur seul profit les portes de lâhistoire afin quâelle soit Ă©crite Ă leur guise.
Par devers leurs certitudes, les gĂ©nĂ©rations Ă venir retiendront -dans le dĂ©tail parce que lâhistoire obĂ©it Ă ses seules lois- les postures des uns et des autres. Ces postures seront alors apprĂ©ciĂ©es par rapport, en premier lieu, aux tentatives de maintien du systĂšme politique qui a menĂ© le pays Ă lâimpasse et qui Ă©tait en phase de lui donner lâestocade en imposant au peuple le cinquiĂšme mandat et, en second lieu, par rapport au mouvement citoyen, El hirak, vĂ©ritable ressac de lâaspiration dĂ©mocratique novembriste, dĂ©sormais grand ââmarqueurââ de notre Histoire nationale. Pour ma part, mes idĂ©es et mes positions politiques, je les ai assumĂ©es spontanĂ©ment au moment oĂč lâĂ©vidence nâĂ©tait pas de mise. Je continuerai Ă les assumer tant elles nâĂ©manent point de revirement de circonstance ou de ralliement de derniĂšres minutes dictĂ©s par un rapport de forces dĂ©favorable. Elles tirent plutĂŽt leur essence de convictions si profondes quâelles justifient, Ă mes yeux, tous les sacrifices de ma part, jusquâau sacrifice suprĂȘme. En vĂ©ritĂ©, telle est la vocation de tous ceux qui ont embrassĂ© le mĂ©tier des armes au sein dâlâhonorable ArmĂ©e Nationale Populaire Ă laquelle jâai consacrĂ©, sans regret, les deux tiers de ma vie ne mâattendant point Ă ce que dâaucuns osent mâaccuser dâen saper le moral une fois Ă la retraite. Je laisse le peuple seul jugeâŠ
Cela Ă©tant monsieur le PrĂ©sident de la RĂ©publique, jâose dire, malgrĂ© mon Ă©tat de « confinĂ© politique » et face Ă lâacharnement dont je fais lâobjet, que je ne suis pas sans croire que lâon ne saurait assurer une transcendance politique rĂ©elle -indispensable Ă©lan salvateur pour lâĂ©dification dâune rĂ©publique nouvelle authentiquement dĂ©mocratique- sans libertĂ© et sans justice ; elles en sont le socle.
Je reste par ailleurs convaincu que sans une solide dĂ©termination et sans un engagement sans faille pour la concrĂ©tisation de la rupture avec ce systĂšme, le risque est grand de perdre ce qui donne sens Ă notre existence en tant quâindividus, que gĂ©nĂ©ration et que nation.
Par le biais de cette lettre ouverte, jâespĂšre, monsieur le PrĂ©sident de la RĂ©publique, vous avoir fait parvenir, Ă partir des geĂŽles dâEl Harrach, aprĂšs une annĂ©e de silence que je me suis imposĂ© au seul regard de la situation du pays, non pas une imploration mais un appel pour une justice Ă©quitable, sereine et diligente qui puisse sâexercer sans injonctions dâoĂč quâelles puissent Ă©maner. »
Respectueuses et fraternelles salutations.
Ali GHEDIRI,
RĂ©daction d’AlgĂ©rie360