Une année de tiédeur consumée à faire des comptes pour les régler et les clore. A crier au loup en délaissant la bergerie, à l’aisance en visant l’austérité. L’espoir subsiste cependant.
Ait-Ahmed est mort. L’hiver est absent. Les taxis vont se jaunir. Le sénat se recompose. Paris a eu peur et des morts et a vécu la tragédie qui nous pourrissait la vie. Tout est conjectural. Rien ne contrarie la vérité qui vous fait face chaque jour. La vérité est certes une originalité sans failles que l’on ne peut éviter par de faux-fuyants. Elle reste aussi une différence d’avis. Quitter ses sentiers coutumiers n’avait rien d’ahurissant. Moi, je n’ai rien gardé de mon employeur, sauf ma mémoire et mes aigreurs toutes fraiches. Tant mieux d’ailleurs ! Le lien de service en ma possession était, avec la craintive amitié d’un chef le seul et dernier lien qui me nouait à cette honorable institution, que de mains déplaisantes hélas tentent de rompre la ferveur qui m’anime encore. Je vais le rendre ce lien et avec ; je ferai rendre à l’indifférence, l’âme de tous mes sentiments. Ce serait si c’est comme je n’y étais jamais.
Il y a des gens-frères qui vous font aimer votre « mère », il y en a d’autres, de ses fils-adultérins qui vous la font haïr. C’est dire que cette année mon monde à moi, ne s’était pas transformé plus qu’il n’a fait transformer les autres. J’ai vu monter les uns à la descente des autres. J’ai vu pousser des cornes à des poules et voir démolir ceux des béliers. Un rythme tout habituel, précaire et changeable.
L’échéance d’un automne ou d’un autre hiver ne peut constituer une pause déterminante pour le pays. Obligeant à outrance un cadrage de débats, elle n’avait pas à fixer toute une masse sur les envies ou les appétences attachées à l’exercice du pouvoir. La douleur se perpétue telle une affection chronique. Peu de bilan, peu de diagnostic raisonnable. Une année remplie d’incertitude et d’inconstances s’en va. Une autre aussi fortuite, indéfinie et imprécise se pointe. Entre les deux; le monde sa rabat sur cette espérance que peut offrir la résignation et le fatidique. Personne n’est en mesure de tracer sa trajectoire, tant que celle-ci, ses ficelles, ses moyens sont aux mains de ceux qui vous font l’avenir et pensent pour vous. La providence demeure un refuge pour les sans-avis.
Un flash-back nous éclaire sur les adversités et les bravades qui épient le pays. La course au pouvoir ou l’acharnement pour on maintien et parfois le positionnement à ces alentours ont été les principaux segments ayant alimenté le cours annuel consumé.
La crise, outre qu’elle se pond dans les caisses de l’Etat ; elle a gagné sans tergiverser le cœur de la légitimité représentative. Le peuple ne croit plus. La simple croyance reste uniquement dans tout ce qui est palpable. Pas dans le discours ni dans l’agencement des jours moroses qui ont pu investir le grand espace de la masse populaire. Cette majorité que l’Etat peinait à définir ne sachant plus comment calculer la moitié des choses. Elle est ainsi devenue un ton et une humeur. Pas une simple opération d’addition de voix au profit ou aux dépens d’un parti ou d’un idéal.
Cette année aurait vu ce qu’auraient vu cinquante. La politique s’est entremêlée aux scandales lorsque les limogeages avaient fait les frais des fausses cohabitations. Le règlement de compte avait pris ses diverses expressions dans les programmes malingres des différents candidats aux postes de direction des affaires publiques. La blague, tellement vraie et authentique, s’est transformée en une expression caricaturale d’un humour qui ne fait point rire. L’angoisse frôlait l’alarme nationale. Elle aurait vu cette année, encore des fois et des fois, réussir les traînards là où échouèrent les prestiges des grands managers. La marginalisation et l’exclusion avaient emporté dans leur élan le mérite, le brio et l’action ; ne laissant le soin du mérite qu’aux seuls critères de la caporalisation et le copinage de bas étages. L’on avait fait semblant de remplir les annales quotidiennes d’un ordre du jour politique mal dressé, eu égard aux grands écarts constatés dans l’hégémonie tant du pouvoir que dans la sphère que l’on nous sommes de dénommer, sans crainte, le gotha des décideurs. La sphère se vide pour laisser place à la domination au coude à coude, Chacun tire les rennes de son coté. La corde risque de se briser au mauvais moment tant qu’aucune bouée de sauvetage n’est en vue ou à portée de main.
Ainsi, il ne s’agit plus de force corporatiste plus qu’il ne s’agit de faiblesse dans la mise en place d’une de décision adéquate, opportune et es-qualité. Devant un conflit dualiste, par principe l’arbitrage y est de pleine nécessité. Le pays est certes géré d’une façon toute aussi coutumière, qu’il n’apparaît pas aux yeux d’autrui souffrir d’un discrédit politique. Le mal qu’emmagasine le plus souvent en silence la forte majorité n’aurait pu faire décider « l’opposition » à plus d’actes et de combat. Celle-ci se confinant dans un veuvage mal en point ou à la limite tend à marquer une présence oppositionnelle de façade à ne voir qu’aux circonstances électorales, n’avait pu hélas porter les aspirations de millions d’adhérents. Ait Ahmed vient de quitter en cette année toutes ces longues années politiques. Il a bien fait. Il est mort debout, sans fléchir par-devant la concession ou l’abandon des motifs de ses multiples révolutions. N’est-il pas l’un des derniers cas à faire méditer les restants ? Le dernier chef révolutionnaire ?
C’est encore le brouillard qui plante son décor sur l’amorce de cette année. Rien n’est clair. L’on brouille les pistes sans vouloir parfois le faire, mais à force de ne pas avoir sous la main les outils de ses ambitions, l’on essaye de créer l’illusion que ca bouge. La transparence demeure dans ce cas l’unique preuve des accords politiques. Le dialogue n’est pas de la compromission. Il est l’expression civilisationnelle d’un comportement responsable. La concession est parfois une aubaine dans la satisfaction de revendications demeurées longtemps enfouies au risque de devenir des tabous inabordables. Les alliances sont le fruit d’une conviction. Rien ne s’efforce, rien ne s’impose de part et d’autre, tout se concerte et se converse. L’impasse a aussi des issues. Comme la concertation à ses outils. La sagesse idéale n’est-elle pas un moyen juste, légal et légitime pour aplatir tout obstacle ? Alors qui dit vrai sur la contenance ou l’échéance de la sortie d’une constitution qui se fait désirer ?
La gestion de l’Etat se confond avec la congélation de nombreuses compétences. Celles-ci, à chaque nouveauté dans la prise de rennes sont fins prêtes pour faire office d’offrande sur l’autel du sacrifice pour raison d’harmonie et de confiance. Elles vont, elles reviennent au gré des familiarités et des aplombs. L’entreprise publique se débat à son tour dans la gesticule des leaders syndicaux ou dans la frime de hauts serviteurs publics connaissant mal le travailleur algérien. Nonobstant son appartenance mercantile aux poches financières de ce nouveau monde, un apprenti qu’il soit ministre ou assimilé, ne pourra rendre docile la hargne d’un collectif de masses laborieuses dévoué aux attaques sériées et programmées dans le temps. La bipartite à trois dimensions s’apparente à un ticket d’accès aux gradins du système lorsque l’entrée commence à amasser des files et des files de prétendants. La course vers le vouloir du pouvoir. La loi de finances selon les uns est un cran de plus dans une ceinture énormément trouée et un acte de vente tacite du pays sans frais d’enregistrement pour les autres. La réalité à tirer de cette loi sera bientôt visible à la pompe, chez le boulanger ou auprès des guichets d’une poste que ne fréquentent que les pensionnées et ceux en attente de l’être.
Ailleurs que dans les faits annuels, il reste à constater que la tension, la crise et la convulsion n’iraient pas s’appesantir outre mesure, si 2016 venait à voir des changements radicaux, ne serait-ce que dans le mode mental de la gestion ordinaire. Mais là, la situation ne s’annonce pas paisible. A voir l’imprécision qui caractérise le fait national, l’on a tendance à estimer qu’il y a quelque chose qui grince dans la machine. L’engrenage n’est plus lubrifié de la même huile. Les parties le composant craquent les dents, tandis que d’autres font dans l’immobilisme, l’attente. Rien n’arrange la situation à connaître un semblant de transformation. Le mal est viral. Pas dans les hommes mais bel et bien dans le précepte qui fait vivre ces hommes. Il était pourtant facile de décanter la situation. Il suffisait de dire toute la vérité, rien que la vérité.
2015, aurait été un espace temporel fortement serti coté politique. Le changement du staff officiel, la défection partisane, l’agitation institutionnelle, la déposition des généraux, l’atrophie voulue de l’opposition, l’excès d’un congrès, les transferts illicites de devises, les duels de coqs auraient été en fait les hauts faits marquant ses annales. Ceci en dehors de la morosité quotidienne et ce qu’elle avait engendré comme tribulations dans tous ce qui en gravite autour comme mauvaise presse, dégoût, supercheries, séquestre d’espoir et trêve de vie. La crise qui traverse le pays revêt une forme des plus déstabilisantes au plan du moral des troupes et des plus dures à la survie de tous les relents voulant l’entretenir en l’état. Elle tient fermement à appeler à la rescousse tout ingrédient capable de faire le détonateur pour l’explosion sociale définitive que les promoteurs de sacrilèges sournois s’avisent à broder méticuleusement le textile de la révolte avec des lois et du silence. Si la manœuvre demeure dans certains cas un moyen révolutionnaire en termes de durcissement du changement, la déontologie et le bon sens ne sauraient viser les institutions ou les piliers de cette démocratie sans qui la combine des clans, par partis ou corporations opposés n’auraient à se prévaloir de ces méthodes. L’Algérie est un pays que se partage tout le peuple. Les clans s’accumulent autour des enjeux et disparaissent à la moindre chute d’un quelconque intérêt.
Cet an a vu la fouille humiliante d’un Ministre qui n’a plus rien à écrire, l’effondrement d’un mythe resté trop longtemps anonyme, l’extinction d’un cigare sans cendres ni fumée, la férocité d’un leader politique qui semblait défier Benboulaid et Boudiaf sur le patriotisme et la fédération des rangs. C’est quand même trop d’impairs dans une année à chiffre impair. Le remous s’il y était c’est que l’année écoulée s’est faite dans l’effort de pouvoir à dessiner un avenir qui a perdu sa foi. L’espoir subsiste cependant