2000 travailleurs paralysent le complexe cevital de Béjaia en criant à la hogra,Huile et sucre, la pénurie menace

2000 travailleurs paralysent le complexe cevital de Béjaia en criant à la hogra,Huile et sucre, la pénurie menace

Cette grève est une première depuis le lancement de cette usine

Les ménagères courent le risque d’être privées de ces produits de base. C’est l’image parfaite d’un pays livré au chantage d’un monopole privé.

Le complexe privé Cevital a été paralysé par un mouvement de grève sans précédent hier matin. Les raisons de ce débrayage, par ailleurs pressenti, sont nombreuses: discrimination salariale, injustice sociale, inégalités, manque d’hygiène et de sécurité, conditions de travail lamentables, surexploitation, sous-paiement, harcèlement moral, répression administrative, sont autant de griefs retenus contre le groupe Cevital par les grévistes qui se sont révoltés pour la première fois par un mouvement de protestation spontané. Ils étaient près de 2000 employés à débrayer depuis hier matin et lancent une grève illimitée.

Leurs exigences ont le mérite d’être claires et surtout simples: ils veulent une grille des salaires conforme aux normes régissant le monde du travail en matière de rémunération appliquée dans le secteur économique. Par ailleurs, ils revendiquent l’amélioration des conditions de travail conformément aux lois régissant le monde du travail en Algérie et aux normes de travail internationales. Ils demandent ainsi un alignement dans le cadre d’une nouvelle grille des salaires récemment entrée en vigueur chez le plus grand producteur national d’huiles et de sucres. En signe de protestation, ils se sont rassemblés dans l’enceinte principale à l’entrée de l’usine située à l’arrière-port. Engagés et déterminés, les travailleurs exigent la présence du patron de ce complexe en l’occurrence, Issad Rebrab pour des négociations directes.

Outre cette condition sans laquelle le travail ne reprendra pas, les protestataires exigent que les engagements du patron de Cevital soient consignés dans un procès-verbal. Cette grève est une première depuis le lancement de cette usine. Comme un seul homme, les salariés se sont levés pour dire «non à l’ordre établi». Hier, les travailleurs de Cevital ont vidé leurs sacs en nous voyant présents à leur piquet de grève: «Rapportez la vérité, vous les journalistes», exhorte un employé. «Dites aux Algériens que nous sommes dans un véritable Guantanamo à l’intérieur de l’usine», crie un autre, la voix enrouée. «Nous avons souffert le martyre durant des années. L’injustice qui règne chez nous est inqualifiable sur tous les plans», se plaint son ami à côté de lui. Et les langues se délient, les voix se libèrent pour lever le voile sur un autre monde du travail dans l’Algérie de 2012 «Nous sommes surexploités et sous-payés contrairement à ce qui se dit du groupe», lance un groupe de travailleurs surexcités ajoutant qu’ils sont «les véritables producteurs de la richesse du groupe Cevital mais malheureusement nous n’avons pas été récompensés à notre juste valeur».

Dans le cours de la discussion, ils nous ont appris qu’ «entre un cadre moyen et le travailleur de base c’est l’écart entre le ciel et la terre en matière de salaire et autres avantages».

Aussi, les travailleurs demandent-ils un alignement dans le cadre d’une nouvelle grille des salaires récemment entrée en vigueur chez le plus grand producteur national d’huiles et de sucres. Il ne nous a pas été facile de nous détacher de ces centaines de travailleurs que nous avons rencontrés dans l’enceinte de l’usine malgré l’interdiction brandie à notre égard par les services de sécurité. Les travailleurs, qui se sont sentis libérés d’un joug, ont abordé avec nous tous les domaines liés aux conditions de travail en matière d’application de la loi, d’hygiène et de sécurité au travail, et autres entraves liées à l’organisation des travailleurs en syndicat. «Toute personne susceptible de porter la contestation ou de dénoncer les conditions lamentables de travail est vite repérée et remerciée illico-presto», nous confie un autre travailleur avant de nous confirmer qu’il y a une sorte d’enquête préalable selon laquelle «vous avez très peu de chances d’être recruté si vous avez été syndicaliste dans une autre entreprise».

Pourquoi Cevital, qui se présente comme le fleuron de l’industrie agroalimentaire, ne tolère-t-il pas l’installation d’un syndicat? Pourtant, à quelques encablures, Ifri, un autre fleuron de l’eau minérale et des boissons gazeuses a toléré de la manière la plus juste et réglementaire la création et l’activité syndicale sans parler des avantages qu’il accorde à ses travailleurs.

Par ailleurs, les contestataires n’ont pas omis d’avoir une pensée pour leur camarade décédé sur les lieux de travail et oubliée aujourd’hui par la direction. «Une minute de silence par toute l’usine a été observée suite à la mort d’un étranger, mais les nôtres, plus nombreux, ont été enterrés seuls dans l’anonymat total sans parler d’autres accidents de travail dont seules les victimes connaissent les déboires», regrettent les travailleurs que nous avons rencontrés.

Par ailleurs, une éventuelle aggravation du conflit ne manquera pas de perturber sérieusement le marché national en matière d’huile de table et de sucre raffiné dont Cevital détient 80% des parts du marché national. La situation de monopole risque d’engendrer de très graves problèmes pour le pays.