Les estimations initiales arrêtées à 15 000 voyageurs/jour ont été revues à la hausse dès les premiers jours de la mise en service du premier tronçon. Le tramway s’est vite imposé comme moyen de transport par excellence des riverains se déplaçant entre les Bananiers et Bordj El-Kiffan. L’accent doit être mis désormais sur la préservation de la rame bleue qui offre confort, rapidité et accessibilité.
Grandes baies vitrées, sièges bleus confortables, plancher bois intégral, barres et poignées de main vertes facilement repérables, larges couloirs, système de sonorisation et d’interphonie avec la salle de voyageurs climatisée, afficheur d’informations en arabe et en français, niveau sonore réduit… Ce sont là les caractéristiques de la rame bleue qui fait partie désormais du décor de la banlieue est d’Alger. Des caractéristiques modernes qui offrent aux usagers un déplacement confortable et pas du tout contraignant que d’autres moyens de transport urbain n’ont jamais offert. Du coup, le nombre d’usagers se multiplie de jour en jour. En effet, le tramway de la gamme Citadis du numéro deux mondial du transport urbain, est devenu le moyen de transport idéal pour les riverains et autres citoyens se déplaçant entre la cité Mokhtar-Zerhouni et Bordj El-Kiffan. Moins d’un mois après sa mise en service, le premier tronçon du tramway d’Alger donne le ton sur ce que sera le transport urbain une fois le projet livré dans sa totalité, c’est-à-dire la banlieue est-centre ville d’Alger et les extensions vers Dergana, Bir Mourad Raïs- Chéraga.
La mise en exploitation de toutes les lignes prévues apportera de profonds changements dans le secteur des transports en général. De nouvelles habitudes ne manqueront pas de faire leur apparition, notamment se passer de sa voiture pour rejoindre son lieu de travail ou d’études ou tout autre sans se soucier du problème de transport, de circulation et de stationnement. Et c’est justement ce qui se passe actuellement du côté de la banlieue est. En moins d’un mois, le tramway a été vite adopté et a surtout révolutionné les habitudes et les déplacements des riverains et autres habitants des quartiers desservis.
Les stations ne désemplissent pas !
Les 13 stations reliant les Bananiers à Bordj El-Kiffan ne désemplissent pas tout au long de la journée. Le fait qu’une rame soit programmée toutes les 13 minutes induit que les prestations ont lieu dans une organisation totale, loin des bousculades et du jeu de coudes inévitable pour arracher un petit espace, debout de surcroît, dans un bus privé puant et plein à craquer.
Tout commence par un appel sonore annonçant le départ ou l’arrivée du tram. Les panneaux de signalisation fixés à bord des voies se mettent au rouge ou au vert pour prévenir les usagers. Dès que la rame s’immobilise, le conducteur déverrouille depuis sa cabine les portes simples et doubles. Une fois déverrouillé, le bouton clignote avec un petit jeu de lumière verte. Il suffit à l’usager d’appuyer sur le bouton pour que la porte de la rame s’ouvre, lui permettant d’y accéder de plain-pied. Le confort des sièges bleus flambant neufs, les barres et les poignées de maintien réservés à ceux qui voyagent debout, la climatisation et les grandes baies vitrées qui donnent carrément sur certains quartiers et le centre-ville de l’ex-Fort-de-l’Eau offrent un déplacement assez intéressant loin de tout le stress des embouteillages incessants. Le tramway étant prioritaire, les voitures sont contraintes de marquer une halte à son passage (qu’un agent lui sécurise outre le panneau de signalisation).
Plus de jeu de coudes pour arracher une place !
Il est presque 10h quand la rame s’immobilise à la station 17 des Bananiers. Le bouton clignote au vert. Samira y pose son doigt à peine que la porte s’ouvre. Les usagers montent l’un après l’autre, loin de toute bousculade ou désorganisation. La fraîcheur des compartiments des voyageurs surprend les usagers qui empruntent la rame pour la première fois.
“J’étais loin de me douter que le tramway était réellement climatisé”, commente un sexagénaire. Les discussions vont bon train même entre ceux qui ne se connaissent même pas, notamment les femmes. Il suffit de s’échanger un petit commentaire ou info en rapport avec le tram pour que le fil de la discussion soit enclenché. À chacune des 13 stations, la rame s’arrête pour 1 minute et les usagers montent et d’autres descendent dans une organisation qui nous est réellement étrange. À bord, un agent fait la tournée pour encaisser. Les stations ont été équipées par l’exploitant commercial, en l’occurrence l’Etusa par des guichets où le voyageur achète son ticket 20 DA et demande des renseignements.
L’usager a le choix de s’acquitter de son billet à bord du tram ou au niveau des guichets. “Pour le moment, tous les voyageurs s’acquittent de leurs billets quotidiennement mais bientôt la formule de l’abonnement sera lancée”, nous dit le cadre à l’Etusa qui nous a accompagnés durant une de nos balades. Et de prévenir qu’“un agent de lutte contre la fraude fait des tournée à bord de la rame”. Selon notre interlocutrice, “la tenue bleue est exigée de tous les employés du tramway, du conducteur en passant par le guichetier à l’agent de contrôle et celui de ligne”. Le passage de la rame au milieu des quartiers et du centre-ville de Bordj El-Kiffan suscite toujours la curiosité des passants qui s’arrêtent jusqu’à ce que le tram redémarre. En un mot, les déplacements via le tramway se font dans une ambiance conviviale et dans des conditions qui n’ont vraiment rien à voir avec ce que les stations de transport connaissent d’habitude. Pourtant le trafic est déjà très important. L’afflux des voyageurs a dépassé les estimations initiales de l’Etusa.
En effet, selon la chargée de communication de l’Etusa “les estimations initiales de 15 000 passagers/jour ont été largement dépassées avec 20 000 voyageurs par jour”. Ceci prouve que le tramway a été vite adopté par tous ceux qui pour une raison ou une autre fréquentent la banlieue est de la capitale. Le fait que le passage de la rame soit régulier, toutes les 13 minutes induit que le nombre d’usagers ne se multiplie pas beaucoup au niveau des quais.
Poussettes, caddies et fauteuils roulants à bord
Le tramway est le premier et unique moyen de transport en commun qui n’a pas fait dans l’exclusion d’une catégorie sensible de la société, à savoir les handicapés moteurs. Ce nouveau mode de transport est accessible à cette frange de la société. Le fait que le plancher de la rame soit bas et au ras du quai permet une meilleure accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Nul besoin de se faire aider. Le constructeur a pensé à tout. Les poignées vertes se trouvant au milieu des deux portes servent de soutien et la personne handicapée peut s’y maintenir tout au long de son trajet. La rame bleue a même boosté les déplacements familiaux et a permis à certaines femmes d’arracher leur autonomie.
C’est le cas de cette dame qui avant la mise en exploitation de la première ligne du tramway ne pouvait se déplacer qu’en compagnie de son époux et les samedis uniquement ! Enceinte de quelques mois après un long suivi et traitement au niveau de la clinique Férial de Bab Ezzouar, Hassiba originaire de Batna et habitant la cité Zerhouni-Mokhtar depuis deux années, ne pouvait se permettre de se déplacer à la clinique qu’avec son mari véhiculé. “Je suis venue de Batna il y a deux ans à peine et je n’ai pas l’habitude de me déplacer toute seule. Pour mes rendez-vous chez le gynécologue, je suis obligée d’attendre mon mari qui ne le fait pas de gaîté de cœur car contraint à m’attendre parfois plus d’une heure”, raconte Hassiba. Et de poursuivre avec un large sourire : “Désormais je suis autonome. Je vais toute contente à mon second rendez-vous via le tramway et surtout toute seule. Je prends la rame de la station des Bananiers et quelques minutes après je suis à quelques pas de la clinique.”
Autre image frappante que les déplacements via le tram offrent désormais aux usagers c’est la possibilité de se permettre de prendre et son caddie pour faire ses courses et la poussette de son enfant.
En effet, les couloirs sont tellement spacieux et pratiques que les usagers ne risquent point de gêner le passage avec un caddie plein de courses et de faire face à toutes sortes de commentaires déplacés. C’est d’ailleurs ce qui a fait le bonheur de ce groupe de femmes habitant la cité Rabia-Tahar qui n’ont plus la flemme de faire leurs courses au marché de Sorécal. “Avant, on prenait le bus ou carrément un taxi mais on ne pouvait pas se permettre de faire beaucoup d’achats surtout si on devait prendre les microbus qui sont tellement étroits”, raconte Rabéa. Sa voisine qui l’accompagne confie : “Il y a quelques jours, je me suis permis d’acheter une belle et assez longue plante sans me soucier du risque de l’abîmer pendant le transport.”
Restos et salons de glace de BEK se frottent les mains
Les propriétaires de salons de glaces et restaurants situés à l’ex-Fort-de-l’Eau se frottent les mains et comptent bien profiter de la prochaine saison estivale et du mois de Ramadhan pour renflouer leurs caisses vidées lors des travaux liés au projet du tramway.
“Les jeunes et les familles avaient la flemme de venir quotidiennement aux différentes plages situées à Bordj El Kiffan mais je suis sûr que l’affluence des estivants atteindra un record cet été en raison de la mise en service du tramway. Les Algériens ne comptent pas leur argent pendant l’été et le mois de carême. Les familles qui avaient un problème de transport car non véhiculées n’auront plus d’excuse. Je pense que même les automobilistes vont se passer de leur voiture et prendront le tram pour une balade nocturne”, pensent certains commerçants qui se sont permis de dégager une petite enveloppe pour embellir leurs salons et restos en prévision de l’afflux auquel ils s’attendant.
Ce qui semble logique d’autant que, selon la représentante de l’Etusa, “les navettes du tramway seront renforcées pendant le mois de Ramadhan, notamment en soirée”. Les équipes qui activent déjà en brigades seront obligées d’assurer des navettes nocturnes. Pour l’heure l’amplitude horaire est de 6h à 21h.