Le sélectionneur aurait dû être changé après le Mondial.
On a beau aimer ou ne pas aimer Rabah Saâdane, c’est bien lui qui a été, hier, au centre de toutes les discussions aux quatre coins du pays, pour ne pas dire au cœur de toutes les critiques.
Aussi bien ses partisans que ses opposants sont arrivés à la même conclusion : sa reconduction comme sélectionneur après la Coupe du monde a été une erreur. Une erreur de sa part pour la gestion de son image et une erreur de la FAF dans l’appréciation des exigences de
l’après-Mondial. Le débat sur l’opportunité ou pas de maintenir Saâdane à son poste, lancé depuis plus d’une année, a pris, depuis vendredi soir, la dimension d’une question nationale, avant d’être tranché définitivement hier.
Raouraoua avait ramené beaucoup de nouveautés
Afin de bien saisir les «subtilités» de ce dossier, il faut remonter plusieurs étapes en arrière, jusqu’à l’époque où Mohamed Raouraoua avait effectué son retour à la tête de la Fédération algérienne de football, en janvier 2009.
En postulant de nouveau au poste qu’il avait laissé quatre ans auparavant, le patron du football algérien ramenait beaucoup de choses : une expérience de gestion du haut niveau cumulée à travers ses passages par divers instances à la FIFA et à la CAF, une réforme du football national sur le long terme, des garanties de l’Etat pour un soutien logistique de la sélection nationale et une kyrielle de sponsors devant assurer une manne financière conséquente à même de permettre une gestion de très haut niveau de la préparation des Verts.
C’était même le DTN officieux
Plus même : Raouraoua a même rempli officieusement la fonction de Directeur technique national en se chargeant de ramener à la sélection les joueurs importants pour son développement, que ce soit à travers la réforme de la loi FIFA sur le retour des jeunes joueurs internationaux vers la sélection de leur pays d’origine (Meghni, Yebda, Abdoun…), qu’il a piloté en personne, ou en convainquant de jeunes joueurs susceptibles d’être pris par d’autres sélections (Lacen, M’bolhi, Boudebouz…) à opter pour l’Algérie. Bref, il n’avait ramené que du neuf.
En tant que président de la FAF, il n’y a rien à dire : Raouraoua a joué son rôle pleinement durant les qualifications pour le Mondial, réussissant même à faire sanctionner l’Egypte par la FIFA en constituant, au Caire même et au nez et à la barbe des autorités égyptiennes, un dossier bien ficelé sur les dépassements avérés du pays hôte.
Tout avait été changé, sauf Saâdane
Raouraoua n’a ramené que du neuf, mais il a buté sur du vieux, ou plutôt sur un vieux, le sélectionneur national, Rabah Saâdane.
Au moment où il avait été élu, les Verts s’étaient extraits de leur poule dans la première phase qualificative pour le Mondial-2010 et ils s’apprêtaient à disputer la deuxième phase, décisive.
Il ambitionnait de ramener un entraîneur d’envergure pour vraiment tout remettre à neuf, mais comme on ne change pas une équipe qui gagne, on ne dégomme pas un entraîneur qui gagne, sous peine de s’en voir faire le reproche si les choses iront mal avec le nouveau sélectionneur.
Mieux (ou pis, c’est selon) : l’Algérie a effectué un parcours quasi irréprochable, battant notamment l’Egypte, le grand rival, par deux fois, en quelques mois, créant un enthousiasme et une liesse populaire sans précédent en Algérie. Tous ont été accueillis et fêtés en héros nationaux : joueurs, membres du staff, président de la FAF… Dans ces conditions, changer le sélectionneur aurait été assimilé à une trahison nationale.
Après Oum Dourmane, Saâdane a raté une entrée dans la légende
En fait, le tournant était là, à ce moment. Saâdane aurait pu se retirer en héros éternel, entrant ainsi dans la légende du football algérien comme étant celui qui a qualifié l’Algérie par deux fois à la Coupe du monde en tant que sélectionneur en chef et une autre fois en tant qu’entraîneur adjoint. Il serait resté, pour l’Histoire, comme celui qui a achevé une brillante carrière par une qualification méritoire au Mondial au sortir d’un match épique à Oum Dourmane.
Après ça, il aurait gardé une telle estime auprès du peuple que, même si l’Algérie arrivait jusqu’en demi-finale de la Coupe du monde, les gens diraient : «Oui, mais s’il y avait Saâdane, on serait sans doute arrivés jusqu’en finale.»
Or, Saâdane a refusé et a voulu mener les Verts au Mondial pour deux raisons : prendre une revanche sur l’Histoire, lui qui traînait toujours la «casserole» de la participation mitigée de l’Algérie au Mondial-86, et empêcher quelqu’un d’autre de récolter à sa place le fruit de son travail. Du fait de l’aura dont il jouissait auprès du peuple, Raouraoua ne pouvait rien faire.
Après le Mondial, l’Etat a dit non aux étrangers
Si c’était suicidaire, du point de vue marketing, de changer de sélectionneur avant le Mondial, cela ne l’était plus le cas après le rendez-vous de l’Afrique du Sud.
Mohamed Raouraoua avait ainsi l’opportunité «légale», sans heurter la sensibilité du peuple, de réaliser enfin son projet : désigner un entraineur étranger de renom au poste de sélectionneur.
L’argent est disponible et les candidats le sont aussi, surtout que la cote de l’Algérie a grimpé à la bourse du football. Or, une donnée inattendue est venue chambouler ses plans : en haut, dans les centres de décision de l’Etat, on n’est pas chaud pour l’option d’un sélectionneur étranger.
La raison ? Aucun entraîneur étranger n’a réussi à la tête des Verts, paraît-il. Un argument farfelu puisque Reijkov et Rogov avaient quand même contribué à la construction de la sélection algérienne des années 80, mais Raouraoua, en bon commis de l’Etat, était tenu de s’y soumettre.
Pour Raouraoua, tout, sauf Madjer
Mais voilà qu’il y a un autre problème : le peuple réclamait le retour de Rabah Madjer au poste de sélectionneur. L’homme à la talonnade jouit d’une popularité intacte et est considéré, au vu de son passé et du respect dont il jouit sur les scènes nationale et internationale, comme celui qui est le plus à même de gérer les joueurs de la sélection.
C’était un problème car Raouraoua est disposé à ramener n’importe quel entraîneur, mais pas Madjer. Les deux hommes sont toujours en froid, même si, officiellement, ils se parlent après s’être réconciliés il y a quelques mois.
Pour le président de la FAF, c’est simple : si Madjer était désigné sélectionneur, il irait même jusqu’à démissionner de son poste. C’est dire que le plébiscite de l’ancien joueur de Porto par le peuple a fait réfléchir Raouraoua, d’où l’option de maintenir Saâdane.
Saâdane plutôt que les «grandes gueules»
Pourtant, il y a des entraîneurs algériens ayant des diplômes de haut niveau et/ou l’expérience et le vécu nécessaires à cette mission : Abdelhak Benchikha, Mahmoud Guendouz, Nordine Kourichi, Djamel Menad, Meziane Ighil… Mais de peur d’investir dans des entraîneurs réputés comme étant de «grandes gueules» (entendre par là qu’ils ne se font pas dicter leurs choix), Raouraoua a préféré composer de nouveau avec Saâdane.
A ce moment-là, ce n’était plus le sélectionneur qu’il fallait blâmer, mais bien Raouraoua car la page devait être tournée. A challenge nouveau, sélectionneur nouveau.
C’était une nécessité, ne serait-ce que pour voir si, avec quelqu’un d’autre, il serait possible d’obtenir encore davantage du groupe actuel. Or, cela n’a pas été fait.
En 2010, on impose encore des entraîneurs ! !
De deux choses l’une : ou bien Raouraoua n’a pas voulu franchir le pas, cédant à des considérations subjectives, ou bien la décision a été prise en haut lieu. Dans les deux cas, c’était une erreur.
Si l’Etat se met encore, en 2010, à imposer les sélectionneurs suivant des critères pas très nets, on n’est pas encore sortis de l’auberge. Aujourd’hui, Saâdane n’est plus sélectionneur national.
On est revenu à la case de l’après-Mondial, mais en ayant gâché deux mois et deux points dans la course à la qualification pour la CAN-2012 et la CAN-2013. Impardonnable.