A la cité Zaâtcha, relevant de la commune de Sidi M’hamed à Alger, si les familles bénéficiaires ont exprimé leur mécontentement, estimant que les appartements qui leur ont été attribués ne répondaient pas à leurs besoins, plusieurs autres occupants de ladite cité risquent d’être dépossédés du peu qu’ils possèdent : le taudis.
Sur les 400 familles résidant dans des habitations précaires à Zaâtcha, seules 197 d’entre elles ont été relogées, hier, dans des appartements neufs à Tessala El-Merdja, Djenane Sefari, Birkhadem, Aïn Benian, Souidania et Bordj El-Bahri.
Cette opération de relogement a ciblé les habitants d’un des plus anciens bidonville d’Alger, érigé en 1958, qui dénaturait depuis des années l’environnement de la commune de Sidi M’hamed au centre de la Capitale. Hier matin, les citoyens rencontrés étaient profondément consternés et blessés dans leur dignité. Ils disent que l’attribution de ces logements ne répond à aucun critère.
À leurs dires, la sélection a été faite arbitrairement puisque, disent-ils, sur les 197 bénéficiaires, seulement 10% sont de vrais résidents. « Je vous assure que celui qui ouvre le droit ne risque pas de le perdre », a affirmé, pour sa part, le wali délégué de Sidi M’hamed, Mohamed Laïd Khelfi, qui a supervisé le déroulement de cette opération, qui révèle, en outre, que certains des habitants sont en possession d’appartements à Djelfa, Aïn Sefra… etc.
Pire encore, une source administrative nous informe que suite aux différentes investigations opérées par les services concernés, certains de ces occupants se sont avérés acquéreurs de somptueuses villas ailleurs. « Nous avons effectué un travail de longue halène qui s’est étalé sur sept mois.
Des recensements, investigations et enquêtes approfondis ont été faits sur divers échelons afin que personne ne soit lésé dans son droit. Mais seuls ceux qui sont réellement dans le besoin vont être relogés », assure le wali délégué.
Dans la foulée, les citoyens, papiers à la main prouvant leur appartenance à ce quartier datant de l’époque coloniale, dénoncent auprès de ce responsable le fait de ne pas être parmi les bénéficiaires. « Nous n’avons pas d’appartements ailleurs. Nous n’avons pas où y aller hormis ces taudis. Nous sommes nés, avons grandi et sommes mariés sous ces toits.
Cependant, nous ne sommes pas, dans notre grande majorité, concernés par ladite opération », déplorent ces citoyens aux visages consternés. « Nous sommes des humains et en tant que tels, nous pouvons être induits en erreur », leur répond Mohamed Laïd Khelfi avant de lancer à leur adresse : « facilitez- moi l’opération.
Sortez-moi vos familles des baraques afin de les démolir ». « D’accord Monsieur, mais nous allons où, après ? », ripostent les citoyens. Dès lors, le responsable ne trouvera aucune réplique qui pourrait rassurer ces interlocuteurs. Perplexe car n’ayant pas de réponse à leur fournir, le responsable lèvera ses mains en l’air dans un signe d’impuissance.
Il faut dire que toutes les alternatives et portes de secours sont fermées, non seulement devant ceux qui ont refusé les F2, mais surtout devant ceux qui n’ont pas bénéficié de logement. « Acceptez maintenant le F2, puis adressez vos recours au service concerné », dira le wali délégué en s’adressant aux citoyens ayant bénéficié d’un logement à Tessala El-Merdja.
Autrement dit, il pousse les deux catégories à évacuer leurs habitations lesquelles devront être démolies sans pour autant laisser d’autre choix que de les mettre devant le fait accompli et se débrouiller quant à leur recasement.
QUAND DÉTRESSE RIME AVEC TENSION
La semaine passée, raconte un citoyen, le P/APC nous a réunis dans la mosquée du quartier où il a fait un serment devant Dieu que tous les résidents seront relogés dans des appartements décents. « Il nous a trahis en se servant de la parole de Dieu.
C’est aberrant et inexcusable », s’indigne l’un de ces habitants qui n’a pas cessé de qualifier les autorités de « répressives » et de « despotiques ». Il dira, par ailleurs, qu’il est prêt à mourir que de laisser les bulldozers détruire son habitation. « J’ai refusé le F2 car il est en déphasage avec le nombre des membres de ma famille.
Je reste ici le temps qu’un autre site plus approprié soit aménagé », a-t-il affirmé avant de lancer : « je n’accepte pas cette politique de deux poids, deux mesures. Je ne sors pas de ma baraque. Je suis prêt à tout, même de faire face à la mort ».
Un autre père de famille de trois enfants est au bout de la déprime. Son nom ne figure pas sur la liste de bénéficiaires alors qu’il est natif de ce quartier. L’anxiété le presse de l’intérieur et ne lui laisse qu’un corps asséché de sensation capable d’accomplir l’imaginable. Larmes aux yeux, il dit préférer « s’asperger d’essence et s’immoler en compagnie de sa famille, que d’occuper la rue. Je préfère mourir dignement ».
DOUDOU-MOKHTAR : 32 FAMILLES SANS-ABRI
À Doudou-Mokhtar, relevant de la commune d’Hydra, le bidonville implanté depuis des années a été rasé par les bulldozers juste après l’achèvement de l’opération de relogement d’une centaine de familles à Tessala El- Merdja.
Le site est actuellement clôturé et gardé par un détachement de la garde communale de jour comme de nuit. Peut-on qualifier de réussite une opération qui s’achève sur la clochardisation d’un bon nombre de familles ? En effet, une trentaine de familles demeurent jusqu’à présent sans baraque et sans logement et ne savent à qui se plaindre.
Espérant attirer l’attention des hautes autorités par voie de presse sur ce qu’il considère « de la hogra à l’état pur », l’un des concernés s’est présenté à notre rédaction. Abusé et profondément blessé dans sa dignité, ce citoyen, par excès de confiance, n’a pas récupéré le papier confirmant son recensement en 2007 auprès des services concernés, ce qui lui a valu d’être évincé des listes des bénéficiaires.
Sans lendemain pour lui et ses enfants, Mohamed dira : « à mon grand étonnement et incompréhension, j’ai été exclu du bénéfice d’un logement alors que j’occupe une baraque depuis 1992 et possédant un compteur d’électricité en mon nom et ayant accompli mon devoir d’électeur dans le site même.».
Et après que les autorités en charge du dossier aient démoli son taudis, Mohamed se retrouve en compagnie de sa femme et ses enfants dans la rue. Il s’agit « d’une hogra qui est une atteinte à mon droit élémentaire d’être reconnu en tant que citoyen de mon propre pays », insiste-t-il.
LES CITOYENS INTERPELLENT LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
« Monsieur le président, prémunissez- nous de la hogra », nous lance en redondance un groupe de citoyens. Ces derniers interpellent le président de la République afin qu’il intervienne en urgence dans l’espoir de mettre fin à leur cauchemar. Ils disent qu’ils sont convaincus que l’administration locale est impliquée dans le favoritisme d’intrus installés sur le site en 2009 sur les résidents qui ont vu leurs enfants et arrière-petits enfants naître au coeur de ce quartier.
Nos interlocuteurs assurent, par ailleurs,qu’ils ont porté, auparavant, à la connaissance des autorités, en charge du dossier, que les appartements F2 ne correspondent nullement aux besoins des familles de Zaâtcha. « La grande majorité de nos familles comptent 8 à 10 personnes. Où allez-vous mettre tout ce monde dans un F2 ? », s’interrogent les habitants du quartier.
Hamid Mohandi