194 Constitutions analysées : nous serons bientôt le pays le plus discriminant au monde envers ses binationaux

194 Constitutions analysées : nous serons bientôt le pays le plus discriminant au monde envers ses binationaux

constitution1_12.jpgAlgérienne, binationale, résidente à l’étranger…

…et future citoyenne de seconde zone.

Le projet de Constitution propose de faire de moi et de millions d’autres des « presque-citoyens » Algériens qui ne pourront pas accéder aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques (Art. 51), ni être candidats à la Présidence de la République (Art. 73).

Il est vrai que je cumule plusieurs des ‘’tares’’ inscrites dans ce projet. Pour les auteurs de ces amendements, je représente un triple danger : je suis binationale (sans trop savoir si j’ai acquis cette deuxième nationalité au sens ambigu de l’Article 51) ; mon mari est lui aussi binational; et, pire…, nous vivons à l’étranger et sommes donc ‘’loin des réalités du pays’’. Le fait que je sois née en Algérie, que j’y ai grandi, que j’y ai exercé mon métier après y avoir été formée (gratuitement), n’y changera rien. Mon patriotisme est tout simplement mis en doute. Même l’Article 29 –  qui dit pourtant que « Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale. » – ne me sera d’aucune aide le jour où je serais tentée de briguer un mandat présidentiel ou de servir la haute fonction publique de mon pays.

Je vous rassure, je n’ai heureusement aucune ambition présidentielle et je ne prétends nullement accéder à la moindre haute fonction de l’Etat. Je ne prétends pas non plus que ces amendements soient le sujet le plus important dans ce projet de Constitution. Mais leur symbolique d’exclusion d’une partie de la communauté nationale est immense et, à ce titre, ils doivent être rejetés. Nous le devons aussi à notre Histoire qui nous a montré maintes fois que parmi ces millions de talents expatriés, existent des pépites d’expertise, de patriotisme, d’intégrité et de leadership qui sont une chance pour notre pays et qui pourraient un jour, comme par le passé, lui être d’un apport considérable. Comme tant de diasporas dans le monde le sont pour leurs pays. Notre diaspora est « l’autre pétrole » de l’Algérie, inépuisable celui-ci et à la valeur sûre.

Avec ce projet de Constitution, l’Algérie se priverait de talents d’exception… sauf pour les Verts.

Heureusement, je ne me sens pas trop seule dans ce club de futurs presque-citoyens dont ce projet de Constitution voudrait protéger la Nation. Nous serions quelque sept millions à « être loin de la réalité du pays » et à représenter un ‘’danger potentiel’’ pour l’Etat. Je m’y sens même en très bonne compagnie. Pour ne citer que quelques figures exemplaires parmi tant d’autres, ‘’grâce’’ à ces amendements, un Kamel Youssef-Toumi, Professeur au MIT, ne pourrait pas être Ministre de l’Enseignement Supérieur… ; Liès Zerhouni ne pourrait pas venir ‘’menacer’’ notre pays en tant que Ministre de la Recherche Scientifique ou Directeur d’un futur grand institut de recherche médicale…; Taïeb Hafsi, Professeur à l’Université de Montréal, ne pourrait jamais être Ministre de l’Economie…

De même, ni Yacine Aït-Sahalia, ni Nour Meddahi, respectivement Professeurs d’Economie à Princeton et à Toulouse, ne seraient jamais Gouverneurs de la Banque d’Algérie, ni Economistes en Chef d’un futur Conseil Economique Présidentiel… Ils ne suivraient hélas pas les pas de cet économiste Camerounais, qui a occupé le poste stratégique d’Economiste en Chef du fonds souverain Malaisien Khazanah, sans même être de nationalité malaisienne… M. Mahatir n’avait pas été averti à temps par nos constitutionalistes de l’ombre !… Enfin, un Lakhdar Brahimi ou d’autres de sa trempe ne pourraient plus mettre leur expérience au service de l’Etat ni être candidats à la Présidence de la République. Autant de ‘’dangers potentiels’’ bientôt tenus à distance des commandes de l’Etat…

Il est par contre inquiétant de réaliser que ceux qui ont pensé à ces amendements aient attendu 2016 pour nous ‘’protéger’’ de concitoyens qu’ils soupçonnent manifestement de patriotisme suspect. Toutes ces années en risquant d’avoir un Hocine Aït Ahmed ou un Abdelhamid Mehri à la tête de l’Etat, ou une Assia Djebbar comme Ministre de la Culture ! (Allah yarham’houm). Que dire d’un Mohammed Boudiaf (Allah yarahmou), Chef de l’Etat après avait été loin du pays depuis si longtemps… Et tous ces héros qui ont écrit, depuis l’étranger, les premières pages du Nationalisme Algérien et de l’Unité Maghrébine dans le combat anticolonial… Même notre Président actuel n’aurait pas pu se porter candidat en 1999.  Peut-être même que Liamine Zeroual n’aurait pas non plus pu se présenter en 1995, vu qu’il avait été brièvement ambassadeur à l’étranger au cours des dix années qui précédaient l’élection et que l’Article 73 est ambigu sur ce cas de figure.

‘’Prix de consolation’’ pour ce futur club de millions de citoyens de seconde zone et pour leurs enfants: l’Article 24 bis nous garantit que « L’Etat œuvre à la protection des droits et des intérêts des citoyens à l’étranger… » et qu’il « veille […] au renforcement de leurs liens avec la Nation, ainsi qu’à la mobilisation de leur contribution au développement de leur pays d’origine ». Mais, prudence, les Articles 51 et 73 ont été prévus pour veiller aussi à ce que ces contributions ne se fassent quand même pas à un poste trop élevé de l’Etat… Autre consolation: ces articles ne concernent heureusement pas les hautes fonctions sportives. Les Verts, eux, pourront continuer à bénéficier de l’apport de notre diaspora. Les Brahimi, Feghouli, Mahrez et autres binationaux pourront continuer à nous faire rêver. Pas de soucis pour cette diaspora-là, bien loin des commandes de l’Etat

Tour du monde de 194 constitutions : nous serions bientôt le pays le plus discriminant au monde envers sa diaspora et envers ses binationaux.

Soyons sérieux et ouvrons les yeux sur le monde. Pour apprendre ce qui se fait ailleurs et savoir si d’autres pays craignent autant leur diaspora au point de l’éloigner des hautes responsabilités, j’ai consulté, par le biais du site www.constituteproject.org, pas moins de 194 constitutions sur les points adressés par les Articles 51 et 73. Les résultats de cette recherche sont sans ambiguïté : les amendements proposés, s’ils étaient adoptés tels quels, placeraient l’Algérie parmi un petit groupe de rares exceptions dans le monde qui discriminent autant leurs citoyens sur la base de leurs nationalités, de celles de leurs parents, de leurs conjoints ou de leurs lieux de résidence. En particulier, les conditions d’éligibilité à la Présidence de la République, feraient de nous le pays où ces conditions seraient les plus contraignantes au monde. Il est étrange qu’un projet qui vise à renforcer la démocratie dans notre pays, nous placerait en tête de 194 pays en termes d’exigences et de difficultés à se porter candidat à la magistrature suprême. Seuls trois pays se rapprochent de nous : la Birmanie, l’Egypte et la Syrie. Des modèles de démocratie bien connus… Pour ce qui est des binationaux, seuls quatre pays au monde leur interdisent l’accès aux hautes responsabilités : le Kyrgyzstan, le Kenya, le Nicaragua, et laColombie—seuls ces deux derniers ne précisent pas de quelles responsabilités il s’agit. N’a-t-on pas trouvé mieux comme référents démocratiques ?

Non à la méfiance envers une partie de la communauté nationale !

Je n’arrive pas à m’expliquer cette méfiance envers les quelques vingt pourcent de notre population qui est expatriée, binationale ou dont les destins individuels font qu’ils ont un parent ou un conjoint étranger ou binational. J’ai eu beau lire et relire les articles de ces 194 constitutions : nulle part ailleurs ai-je trouvé autant de garde-fous contre l’accès aux responsabilités d’une partie d’une nation.

Ces amendements représenteraient effectivement une sérieuse régression en termes d’égalité entre les citoyens, ainsi qu’une contradiction flagrante avec l’Article 29 censé affirmer ce principe de non-discrimination. Mais je garde espoir qu’ils seront abandonnés ou modifiés. Je ne veux pas imaginer que mon pays se dote d’un texte fondamental qui instaure deux classes de citoyens algériens.

Cette lettre et ce modeste travail de recherche se veulent être une petite contribution documentée, un cri d’indignation, qui se joint aux nombreuses voix qui s’opposent à ces amendements indignes de notre héritage historique et de l’attachement à leur patrie de tous les algériens, où qu’ils se trouvent.

A ceux qui sont appelés à décider du devenir de ce projet de Constitution : j’ai espoir que vous ne fermiez pas la porte des responsabilités à cette partie de l’intelligence nationale ; et que vous ne soyez pas complices d’une déchéance de droits à une partie de vos concitoyens.

Aux auteurs de ces amendements, qui croient nous protéger de ‘’dangers extérieurs’’ en divisant la communauté nationale: certains diront que, hélas, tab djnenkoum. Je préfère vous inviter humblement à enfin entrer dans le 21e siècle et à rêver comme moi d’une Algérie inclusive, ouverte sur le monde, quiinvite les meilleurs de ses enfants à contribuer à l’essor de leur pays, quelque soient leurs lieux de résidence et leurs destins individuels et familiaux.

Baya Si Hassen-Benhassine,

résidente aux Etats-Unis, janvier 2016.

Facebook : Citoyens Algériens Égaux devant la Constitution.

Résumé d’un tour du monde des « Articles 51 et 73 » de 194 pays.Le site www.constituteproject.org, disponible en arabe et en anglais, compare 194 constitutions dans le monde sur tous les sujets, en particulier le traitement réservé aux binationaux et aux non-résidents.Pour ce qui est des conditions d’accès aux hautes fonctions de l’Etat et aux hautes fonctions politiques (Art. 51), il n’existe que quatre pays au monde, sur 194, qui précisent dans leur constitution que la nationalité unique est exigée pour les hautes fonctions de l’Etat : la Colombie, le Nicaragua, leKenya, et le Kyrgyzstan. Ce dernier applique cette règle à une liste de fonctions définies par la loi, ce qui semble être la voie adoptée par le Conseil des Ministres du 11 janvier 2016. Rares aussi, seuls 19 pays dans le monde exigent la nationalité unique pour les postes de ministres (dont deux pays arabes, laJordanie et la Syrie). L’article 51 nous ferait ainsi rejoindre cette minorité de moins de 10% des pays de la planète qui excluent les binationaux des postes ministériels, ainsi que les 1% des pays qui—fait très rare—excluent les binationaux des hautes fonctions de l’Etat et des hautes fonctions politiques.

Quant aux nouvelles conditions proposées pour l’éligibilité au poste de Président de la République (Art. 73), c’est simple : nous serions le seul pays au monde qui impose des conditions aussi drastiques. Pas loin, mais en moins contraignant, seules la Birmanie, l’Egypte et la Syrie ont des conditions similaires, portant tant sur les nationalités du candidat, de ses parents et de son conjoint, que sur la durée ininterrompue de sa résidence au pays avant l’élection. Voilà les trois ‘’constitutions modèles’’ que l’on nous propose d’imiter dans un effort de « renforcement de notre démocratie »…

De même, alors que l’exigence de nationalité unique n’est pas si rare (16% des 194 pays étudiés), seuls cinq pays au monde exigent que le candidat n’ait jamais acquis d’autre nationalité : l’Egypte, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie et le Nigeria. Cet amendement de l’Article 73 nous ferait rejoindre ces rares pays où des ex-binationaux, ayant renoncé à leur autre nationalité, ne pourront jamais se présenter à une élection présidentielle. L’exigence de nationalité algérienne des deux parents est aussi très rare. Seuls huit pays au monde ont une telle exigence dans leur constitution : l’Afghanistan, le Tchad, les Maldives, laBirmanie, ainsi que quatre pays arabes, l’Egypte, l’Irak, la Syrie, et le Yémen. Enfin, la Birmanie etl’Egypte sont les deux seuls pays au monde qui imposent la nationalité unique du conjoint, tel qu’il est proposé dans l’Article 73. Seuls trois autres pays exigent que le conjoint ait la nationalité du candidat : leBhoutan, la Syrie, et le Yémen. Voici les références que l’on nous propose de rejoindre !

Source :  www.constitueproject.org et analyses de l’auteur dont les résultats et les données recueillies sont disponibles sur Facebook  Citoyens Algériens Égaux devant la Constitution

ANNEXE :

Petit tour du monde des « Articles 51 et 73 » de 194 constitutions.

Le site www.constitueproject.org de l’Université du Texas contient la traduction en anglais et en arabe de 194 constitutions. Il est mis à jour régulièrement (Septembre 2015 pour les derniers changements) et documente les constitutions du monde entier en organisant l’information selon tous les sujets, en particulier les conditions d’éligibilité aux postes électifs et aux hautes fonctions de l’Etat.

Ce « tour du monde des constitutions » est le résultat d’un travail d’analyse de ces textes et de collecte des données par pays, qui s’est concentré sur les aspects couverts par les amendements proposés aux Articles 51 et 73 du Projet Constitution Algérienne rendu public le 5 janvier 2016. Ces derniers traitent, respectivement, des exigences en termes de nationalité unique pour l’accès aux hautes fonctions de l’Etat et aux hautes fonctions politiques (Art. 51) ; et des exigences de nationalité pour le candidat à l’élection du Président de la République, son conjoint et ses parents ; ainsi que l’exigence de résidence dans le pays avant l’élection.

Afin de tenir compte des différentes structures politiques (républiques, démocraties parlementaires, régimes présidentiels, monarchies), les conditions d’élection du chef de l’exécutif (Chef de l’Etat ou Chef de Gouvernement) ont été combinées selon le type de régime. Les données collectées par pays sont disponibles sur la page Facebook Citoyens Algériens Égaux devant la Constitution.

Le résultat de cette recherche est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté. La conclusion est sans appel : les amendements proposés, s’ils étaient adoptés tels quels, placeraient l’Algérie parmi un petit groupe de rares exceptions dans le monde qui discriminent autant leurs citoyens sur la base de leurs nationalités, de celles de leurs parents, de leurs conjoints ou de leurs lieux de résidence.

En particulier, les conditions d’éligibilité à la Présidence de la République, feraient de nous le pays où ces conditions seraient les plus contraignantes au monde. Il est étrange qu’un projet qui vise à renforcer la démocratie dans notre pays, nous placerait en tête de 194 pays en termes d’exigences et de difficultés à se porter candidat à la magistrature suprême. Seuls trois pays se rapprochent de nous : laBirmanie, l’Egypte et la Syrie. Des exemples de démocraties bien connus… Pour ce qui est desbinationaux, seuls quatre pays au monde leur interdisent l’accès aux hautes responsabilités : leKyrgyzstan, le Nicaragua, le Kenya, et la Colombie. N’a-t-on pas trouvé mieux comme référents démocratiques ?

Ces amendements représenteraient une sérieuse régression en termes d’égalité entre les citoyens, ainsi qu’une contradiction flagrante avec l’Article 29 censé affirmer ce principe de non-discrimination.

  1. Conditions d’accès aux hautes fonctions de l’Etat et aux fonctions politiques (Art. 51) :

Il n’existe que deux pays au monde (soit 1% de toutes les constitutions consultées), la Colombie et leNicaragua, qui précisent dans leur constitution que la nationalité unique est exigée pour les hautes fonctions de l’Etat (sans préciser lesquelles, au-delà des postes ministériels). Un autre pays, le Kenya, exige l’unicité de la nationalité pour une liste limitée de hautes fonctions bien définies dans la constitution. Enfin, le Kyrgyzstan, applique cette règle à une liste de fonctions définies par la loi, ce qui semble être la voie adoptée par le Conseil des Ministres du 11 janvier 2016. Au mieux, si l’article en question est maintenu, nous adopterions ainsi le modèle constitutionnel du Kyrgyzstan sur cette question, ou celui du Kenya. Dans tous les cas, si cet article est maintenu, nous rejoindrions quatre cas exceptionnels sur 194 pays, qui ferment la porte de la haute fonction publique—de manière générale, au-delà des postes de souveraineté ou de ministres—à une partie de leur communauté nationale.

Un petit peu moins rare, seuls dix-neuf pays exigent la nationalité unique pour les postes de ministres (ou de premier ministre)—soit moins de 10% des pays. En plus des quatre pays mentionnés ci-dessus, il s’agit de :   l’Afghanistan, du Botswana, de la Bulgarie, de la Gambie, du Ghana, de Haïti, de l’Inde, du Malawi, de la Malaisie, des Maldives, de la Birmanie, du Nigeria, de Singapour, et de deux pays arabes, la Jordanie et la Syrie. Pour près de la moitié de ces pays, cette règle découle du fait que la constitution exige que les ministres soient des élus au parlement (ce qui n’est pas notre cas), et que l’éligibilité requiert la nationalité unique. Exclure les binationaux des postes ministériels reste donc relativement rare, surtout dans les pays aux traditions politiques et constitutionnelles plus proches de la nôtre. L’article 51 nous ferait ainsi rejoindre cette minorité de moins de 10% des pays de la planète qui excluent les binationaux des postes ministériels, et les rares 1% des pays qui excluent les binationaux des hautes fonctions de l’Etat.

Recommandation : Eliminer cet amendement de la constitution qui discrimine entre citoyens algériens en termes d’accès aux hautes fonctions de l’Etat ou aux hautes fonctions politiques. Les conditions d’accès à certains postes sensibles (tels que les fonctions de sécurité ou les ministères de souveraineté) peuvent être définis dans le cadre de lois spécifiques ou de lois organiques.

Amendement de Article 51 : Quels pays ont des dispositions constitutionnelles similaires ?

Pays qui interdisent aux binationaux l’accès aux hautes fonctions publiques et politiques :Pays qui interdisent aux binationaux l’accès aux postes ministériels :
Colombie (1)Kenya (2)Kyrgyzstan(3)Nicaragua (4)Afghanistan (5)Birmanie(6)Botswana (*)Bulgarie (*)Colombie

Gambie

Ghana (*)

Haïti

Inde (*)

Jordanie

KenyaKyrgyzstanMalawiMalaisie(*)Maldives

Nicaragua

Nigeria

Singapour (7)

Syrie

Total : 4 sur 194 [2%]Total : 19 sur 194 [9.8%]
(1) Ne précise pas quelles fonctions sont exclues aux binationaux.(2) Liste des fonctions exclues aux binationaux est précisée dans la constitution.(3) Listes des fonctions exclues aux binationaux est précisée dans un texte de loi.(4) Ne précise pas quelles fonctions sont exclues aux binationaux(5) Le Parlement Afghan a le pouvoir d’accepter ou de refuser la nomination d’un ministre binational.(6) Seul pays au monde qui exige également que le Ministre ait résidé 10 ans en Birmanie avant sa prise de fonction et que ses parents soient tous deux birmans.(7) A l’exception des binationaux des pays du Commonwealth et de l’Irlande, qui sont tolérés.(*) Les ministres sont des élus au parlement, et la nationalité unique est exigée pour être élu.
  1. Conditions d’éligibilité au poste de Président de la République (Art. 73) :

Quant aux nouvelles conditions proposées pour l’éligibilité au poste de Président de la République, c’est simple, nous serions le seul pays au monde qui impose des conditions aussi drastiques.

S’agissant de la question des nationalités, seule l’Egypte est un peu plus contraignante que le modèle qui nous est proposé puisque tant le candidat, que ses parents ainsi que son conjoint, doivent avoir la nationalité égyptienne unique, sans qu’aucun d’eux n’aient acquis d’autre nationalité dans le passé. Par contre, la constitution égyptienne n’impose pas en plus de condition portant sur les années de résidence. La Birmanie n’est pas loin non plus de ce qui nous est proposé : nationalité d’origine et unique pour le candidat et son conjoint (mais une ancienne seconde nationalité, abandonnée avant l’élection, est possible), nationalité de naissance (mais pas forcément unique) pour les parents et vingt années de résidence cumulée (et non pas continue). Enfin, la Syrie impose aussi la nationalité unique et d’origine du candidat (en permettant qu’une autre nationalité ait été acquise par le passé), mais seulement la nationalité d’origine (pas forcément unique) des parents et du conjoint. La même règle des dix ans de résidence continue avant l’élection est appliquée en Syrie. L’Egypte, la Syrie et la Birmanie : voici les modèles les plus proches que l’on nous propose en termes de conditions d’éligibilité du président—l’amendement de l’Article 73 envisage d’être même plus contraignant que ce qui est en vigueur dans ces pays. Je laisse au lecteur le soin de deviner ce que ces trois ‘’pays-modèles’’ pour le renforcement de notre démocratie, ont en commun en termes de culture politique et démocratique…

Avoir la nationalité unique pour accéder à la magistrature suprême n’est pas rare : 37 pays l’exigent dans leur constitution (soit moins d’un pays sur cinq). Ce qui est bien plus rare, c’est d’empêcher à un binational qui aurait renoncé à sa seconde nationalité de remplir cette condition d’unicité pour se présenter.Seuls cinq pays dans le monde exigent que le candidat n’ait jamais acquis d’autre nationalité : l’Egypte, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie et le Nigeria. Les 33 autres pays qui exigent la nationalité unique permettent aux binationaux de renoncer à leur seconde nationalité pour se présenter. Cet amendement nous ferait rejoindre ces rares pays où des binationaux, même en renonçant à leur seconde nationalité, ne pourront jamais se présenter à une élection présidentielle.

L’exigence de nationalité algérienne des deux parents est très rare. Seuls huit pays au monde ont une telle exigence dans leur constitution : l’Afghanistan, le Tchad, les Maldives, la Birmanie ainsi que quatre pays arabes, l’Egypte, l’Irak, la Syrie, et le Yémen. Cinq autres pays exigent seulement qu’undes deux parents soit de nationalité d’origine (Côte d’Ivoire, Salvador, Grèce, Mexique, Rwanda), alors que le reste des 180 constitutions sont silencieuses sur la nationalité des parents. Enfin, la Birmanie etl’Egypte sont les deux seuls pays au monde qui imposent la nationalité unique du conjoint, tel qu’il est proposé dans l’Article 73. Seuls trois autres pays exigent que le conjoint ait la nationalité du candidat : le Bhoutan, et deux pays arabes, la Syrie, et le Yémen.

En ce qui concerne l’exigence de résidence de dix années consécutives du candidat avant qu’il ne dépose sa candidature, quatorze pays dans le monde ont une exigence similaire (soit 7% des pays du monde)—la plupart d’entre eux ne sont généralement pas décrits comme étant des modèles d’Etats démocratiques : l’Albanie, l’Angola, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan (quinze années sont exigées), le Libéria, les Philippines, la Russie, le Tadjikistan, Trinidad et Tobago, le Turkménistan, l’Ukraine, l’Ouzbékistan, et un seul pays arabe, la Syrie.

Sept autres pays ont une exigence de cinq années de résidence, en continu, avant l’élection (Bolivie,Bulgarie, Guinée Equatoriale, Gambie, Ile Maurice, Mongolie, Palau) ; et huit autres l’exigent mais pour moins de 5 ans : Nicaragua (4 ans), Géorgie (3 ans), Cap Vert (3 ans), Lituanie (3 ans), Argentine (2 ans),Congo (2 ans), Mexique (1 an) et Togo (1 an).

Enfin, quelques pays ont une exigence en termes de minimum du total cumulé d’années de résidence, sans exiger que la résidence soit continue et ininterrompue : Géorgie (5 ans),  Ghana (5 des 10 dernières années), Kyrgyzstan (15 ans), Macédoine (10 des 15 dernières années), Mexique (20 ans), Moldavie (10 ans), Mongolie (5 ans), Monténégro (10 des 15 dernières années), Birmanie (20 ans), Singapour (10 ans) et les Etats-Unis (14 ans).

Au total, cela fait 41 pays—un peu plus de un pays sur cinq—qui ont une exigence plus ou moins contraignante sur le nombre d’années de résidence d’un candidat à l’élection présidentielle. Mais encore une fois, l’amendement proposé de l’Article 73, nous placerait dans les 7 pourcent des pays où cette exigence est la plus sévère.

Pris ensemble, ces amendements des conditions d’éligibilité au poste de Président de la République, portant sur les nationalités du candidat et de sa famille, ainsi que sur son lieu de résidence, ferait del’Algérie le pays où ces conditions seraient les plus contraignantes au monde.

Il est vraiment étrange qu’un projet d’amendement de la Constitution qui vise explicitement à renforcer la démocratie dans notre pays, nous placerait en tête de 194 pays en termes d’exigences et de difficultés à se porter candidat à la magistrature suprême. Proches de nous, même si les exigences y sont quelque peu moins contraignantes, se trouveraient des pays aux attributs démocratiques peu enviables (Egypte, Birmanie, Syrie, Bhoutan, Turkménistan, Ouzbékistan et autres Kazakhstan…).

Recommandation : Maintenir les conditions de la constitution actuelle (nationalité unique et d’origine), sans exigence supplémentaire sur le conjoint ou les parents, avec éventuellement, l’introduction d’une durée minimale de résidence cumulée de 10 ans par exemple (sans exiger que cette durée de résidence continue précède la date de dépôt de la candidature). Il pourrait être aussi introduit une condition sur le fait que le candidat n’ait pas été candidat à un poste électif dans un pays étranger dans le passé et qu’il n’ait pas occupé de hautes fonctions publiques ou politiques dans un Etat étranger.

Pour plus d’informations, consultez la page Facebook Citoyens Algériens Égaux devant la Constitution. La page contient les liens vers les fichiers qui présentent les informations collectées, détaillées pour chaque pays, et organisées par sujet.