M’bolhi très content de nous voir
Daniel Maladanov (joueur du Levski Sofia) : «Sa place est dans un championnat plus grand»
Le Buteur, grâce à son envoyé spécial, a accompli ce que personne n’a fait jusque-là : aller jusqu’à Sofia, capitale de la Bulgarie, pour percer le secret de Raïs M’bolhi Ouahab, l’emblématique et énigmatique gardien de but de la sélection nationale dont le public algérien connaît peu de choses.
Pour ce faire, il a fallu parcourir quelque 1847 kilomètres et conquérir deux forteresses que sont les sièges du Slavia Sofia et du CSKA Sofia, l’ancien et l’actuel clubs du joueur.
L’avion bulgare n’était pas rassurant
Notre périple a commencé par un vol Alger-Rome mercredi. Un vol tranquille et sans la moindre minute de retard sur la compagnie Alitalia. Après une attente de trois heures à l’aéroport de Rome, nous avons embarqué sur un avion vétuste de la compagnie Air Bulgaria qui a accusé du retard (près de 45 minutes). Un avion rouillé en plusieurs endroits et sur lequel même des pièces mécaniques étaient visibles de l’extérieur.
Ce qui ne donnait pas l’impression d’être en conformité avec les standards internationaux. Des Bulgares ont même affiché leur inquiétude. Finalement, le vol s’est déroulé dans de bonnes conditions et nous avons atterri à Sofia, après une heure et 50 minutes de vol.
Sévère interrogatoire à la PAF
Une mauvaise surprise nous attendait à l’aérogare de Sofia : au contrôle des documents à la PAF (Police des frontières), une policière nous a demandé d’attendre, puis un collègue à elle est venu nous poser de nombreuses questions concernant notre mission.
Bien qu’étant en possession d’un ordre de mission en bonne et due forme, que nous avons pris le soin de lui montrer, nous nous avons été prié encore une fois d’attendre. Après s’être éclipsé durant près d’une demi-heure, le policier est revenu pour nous poser d’autres questions, dont celle concernant l’identité de la personne qui nous accueillera en Bulgarie.
Nous avons beau lui expliquer que personne ne nous attend et que nous seront hébergés dans un hôtel (dont nous lui avons même communiqué le nom), il n’a rien voulu savoir, nous emmenant vers l’extérieur du hall d’arrivée (sans nos bagages) pour que nous lui présentions la personne qui nous attendait.
Un Irakien s’est porté garant
En désespoir de cause, nous avons appelé un ami irakien, Issam Machehadani, un réfugié politique résidant à Sofia depuis trois ans, lequel a expliqué au policier, au téléphone, qu’il se portait garant de nous durant notre séjour.
Après quelques échanges téléphoniques, le policier a demandé à un collègue de fouiller toutes nos affaires, y compris les sous-vêtements, et de lire tous nos documents. Après quoi, il nous a laissés partir très froidement. Tout cela parce que les Bulgares redoutent le terrorisme et ont des préjugés tenaces à l’encontre des Arabes.
De nombreux Arabes à Sofia
Il y a beaucoup de ressortissants arabes à Sofia, en majorité des Syriens et des Irakiens. Ils constituent 6 % de la population de la capitale bulgare. Nous avons eu le plaisir de rencontrer trois amis de Issam Machehadani, des Irakiens, ayant fui leur pays sous la menace des Etats-Unis. Nous avons aussi rencontre un Tunisien, Mohsen Kara, réfugié politique en Bulgarie depuis 17 ans, qui a joué le rôle d’interprète au cours de notre mission à Sofia.
Des arnaques à ciel ouvert
En Bulgarie, il y avait des groupes mafieux qui sévissaient. Il y en a même eu un qui avait menacé, une fois, de kidnapper le frère de l’international bulgare de Manchester United, Dimitar Berbatov. Les résidus de la mafia sont bien là, comme ce chauffeur de taxi qui, en voyant que nous ne sommes pas du pays, a porté le tarif de la course de 0,59 lev (25 DA) à 25 lev (250 DA).
A la question de connaître la valeur du lev par rapport à l’euro, il nous a répondu qu’un lev équivaut à 0,5 euro. Ce n’est qu’après quatre kilomètres que nous nous sommes rendu compte que nous avons été arnaqués (environ 1000 DA le prix d’une course de deux minutes de route). Nous avons demandé à descendre du taxi et avons pris un autre. Mais il était trop tard, car l’arnaque a eu lieu avec notre assentiment puisque le compteur était devant nos yeux.
Un peuple triste
La première impression qui vous saisit en arpentant les rues de Sofia est que le peuple bulgare paraît triste. En effet, il n’y a pratiquement pas de manifestation de joie ou de bonheur
Les mines son renfrognées et les attitudes très froides, à l’instar du climat que nous avons trouvé. Il n’y a que dans les boîtes de nuit et les casinos qu’on peut trouver un semblant d’animation. Autre remarque : beaucoup de Bulgares ont des traits arabes, notamment ceux d’origine serbe
Le rêve de tous : émigrer en Allemagne
Emigrer en Allemagne constitue le rêve de tous, surtout après l’entrée de la Bulgarie, il y a quatre ans, au sein de l’Union européenne. Il existe déjà de nombreux émigrés en Allemagne et certains veulent aller encore plus à l’ouest. Tout cela parce que le marché du travail en Bulgarie est plutôt fermé et les salaires plutôt bas (le salaire moyen est de 400 lev, environ 200 euros), au moment où les prix flambent (1 litre d’essence coûte 2 lev, soit 100 DA, et 1 pain coûte 1,5 lev, soit 75 DA).
Un urbanisme digne du bloc de l’Est
Bien qu’il existe des sites modernes à Sofia, l’urbanisme en général est caractérisé par des bâtisses vétustes, dignes de l’époque du communisme et du bloc de l’Est. Même le parc automobile n’est pas très neuf, avec des voitures allemandes et italiennes plutôt économiques.
Il n’y a que les riches qui possèdent des véhicules de luxe. Plus grave : les plaques d’indication dans la ville sont toutes en bulgare (alphabet slave), illisibles et incompréhensibles pour les étrangers, et rares sont ceux qui parlent anglais. Cela a été un grand handicap pour communiquer, n’était la présence du Tunisien Mohsen Kara qui nous a servi d’interprète.
M’bolhi très content de nous voir
Même s’il est rentré à Sofia en retard à cause de la grève générale qui a touché les secteurs d’activité économiques de la France mardi et mercredi passés, Raïs Ouahab M’bolhi était déjà sur pied avec ses coéquipiers du CSKA Sofia jeudi après-midi. C’est avec surprise qu’il a appris à 19h00 (17h00 heure algérienne), de la bouche d’un responsable administratif du club qu’un journaliste algérien était venu pour le voir.
En nous voyant, il a affiché un large sourire, montrant ainsi que la surprise était agréable pour lui. Bien qu’il soit connu pour son aversion pour les interviews et les déclarations, il était visiblement content de nous voir du fait des rapports cordiaux qu’il a toujours entretenus avec nous.
Comme le bus de l’équipe l’attendait, il nous a proposé une interview express sur-le-champ ou bien de nous voir le lendemain. Nous avons préféré la seconde option vu qu’il serait illogique d’avoir fait tout ce chemin pour juste quelques questions à la va-vite. Il nous a alors donné rendez-vous pour le lendemain, soit hier, après la séance de massage, nous promettant qu’il allait être notre disposition, sachant que nous étions venus jusqu’en Bulgarie pour lui.
Une longue interview où il parle de tout
Le capitaine du CSKA Sofia, Tudor Yanchev, l’a taquiné en lui lançant que des journalistes font désormais des milliers de kilomètres pour venir le voir, alors que l’entraîneur des gardiens de but a estimé que M’bolhi méritait cet intérêt des médias algériens.
Hier, M’bolhi a tenu parole : il nous a accordé une longue interview où il a parlé de tout, n’occultant aucun aspect et que vous pourrez lire dans notre édition de demain. Nous avons alors découvert un homme très affable et sensible, même s’il met une carapace pour se protéger. En tout cas, nos lecteurs vont le découvrir comme ils ne l’ont jamais connu.
«Je n’aime pas être sous les projecteurs»
Au cours de notre discussion informelle, le gardien de but international nous a confié que la raison qui veut qu’il accorde très rarement des interviews est qu’il ne trouve souvent rien à dire. «Je n’aime pas être sous les projecteurs. J’aime être dans l’ombre.
D’ailleurs, je n’ai jamais été très bavard et je n’aime pas dire n’importe quoi», s’est-il justifié. Par ailleurs, en apprenant qu’il était nominé pour le titre de Meilleur gardien de but de la saison, un titre attribué chaque année par Le Buteur et El Heddaf, il s’est montré très content. «Sincèrement, cela m’honore, surtout que je ne suis en sélection algérienne que depuis quelques mois seulement.»
Pour son entraîneur, son capitaine et Kostadinov, sa place est dans un grand championnat
Profitant de notre présence au siège du CSKA Sofia, nous avons réalisé des interviews avec l’entraîneur de M’bolhi, le Macédoine Gjorgi Jovanovski, l’entraîneur des gardiens de but, Jeff Jordanov, et le capitaine d’équipe Yanchev, que nous publierons au fur et à mesure dans nos prochaines éditions. Tous nos interlocuteurs ont été unanimes à dire que le gardien de but algérien peut jouer même dans la Liga espagnole. Ils espèrent que le club parviendra à racheter le contrat du joueur pour qu’il reste joueur du CSKA.
Probable titularisation contre Kaliakra
Si M’bolhi a été contraint de rejoindre les entraînements, sitôt après être rentré d’Alger, c’est parce que sa présence au sein de l’équipe est indispensable, compte tenu de son poids. L’entraîneur des gardiens de but estime qu’il ne peut pas prendre le risque de mettre un autre gardien pour le match de championnat contre Kaliakra Kavarna, surtout que cette rencontre est une préparation du match de l’Europa League de jeudi prochain face au Rapid de Vienne.
«Meghni mérite que je pose avec son maillot»
En voyant en notre possession un maillot de Mourad Meghni, M’bolhi s’est écrié : «Ah, le maillot de Mourad ! C’est un chic type. Il mérite que je pose avec son maillot.» C’est ce qu’il a fait, non sans nous demander des nouvelles du joueur de la Lazio et de l’éventualité qu’il rejoigne Bordeaux.
Pour Milko, M’bolhi a honoré le championnat bulgare
Milko est un agent de joueurs agréé par la FIFA. Ayant de nombreux internationaux bulgares sous sa coupe, il pense le plus grand bien de M’bolhi : «C’est un grand gardien de but, très performant.
Il a honoré, en Coupe du monde, le championnat de Bulgarie, à défaut de voire la sélection bulgare représentée à cet événement. S’il a été élu Meilleur gardien de but du premier tour, ce n’est pas par hasard. M’bolhi est une personne calme, équilibrée et aimée. Tout le monde le respecte, moi en premier. J’aurais aimé travailler avec lui, mais il refuse, pour l’instant du moins, d’avoir un agent. Je lui souhaite d’autres succès et de jouer dans un championnat plus fort et plus relevé», nous a-t-il déclaré.
Un responsable de Levski confond entre Algeria et Nigeria
Un responsable de Levski Sofia a confondu entre Algeria et Nigeria, en nous apprenant qu’il y a 8 ans, il y avait un Nigérian au club. Il a fallu que nous rectifions que nous sommes des Algériens et non pas des Nigérians.
«Oui» veut dire «non» en Bulgarie
Lorsque notre ami tunisien Mohsen Kara traduisait ce que nous disait le manager du CSKA Sofia, Emil Kostadinov, ce dernier a opiné de la tête de haut en bas à une question sur Rabah Saâdane. Ce qui nous a fait croire qu’il le connaissait. Or, c’est le contraire. L’explication ? La Bulgarie est le seul pays au monde où, pour dire «non», on fait le geste pour dire «oui».
Une mosquée qui date de l’époque ottomane
Il existe une seule mosquée à Sofia. Elle avait été érigée, il y a plusieurs siècles, du temps de la présence ottomane en Bulgarie. Il faut dire qu’il y a beaucoup de Turcs dans le pays, en plus des Bulgares de descendance ottomane.
Un chauffeur de taxi le surnomme «Kodka»
Au cours d’une discussion, un chauffeur de taxi nous a appris qu’il appréciait beaucoup M’bolhi, le meilleur gardien de but exerçant dans le championnat bulgare, selon lui. C’est simple : il le surnomme «Kodka» (le chat), compte tenu de sa souplesse dans le but. Pour lui, il a évité à l’Algérie une véritable correction en Coupe du monde contre l’Angleterre.
Un policier trouve qu’il est arrogant
Alors que nous nous renseignions pour trouver l’adresse du siège du Slavia Prague, un policier, ayant appris que nous sommes d’Algérie, nous a dit que nous cherchions certainement après M’bolhi.
«C’est un type arrogant», nous a-t-il asséné. La raison ? Etant un supporter du Slavia, il a eu l’occasion de croiser deux fois le gardien de but algérien et, à chaque fois, il a eu l’impression que M’bolhi lui répondait à contre-cœur. Ce n’est pas l’impression que nous avons eue, nous avons senti une grande sensibilité chez lui en l’interviewant.
Le président de la fédération nous a salués de Suisse
Avec le concours du manager Milko, nous avons contacté le président de la Fédération bulgare de football, Mikhaïlov Borislav, ancien gardien de but international qui détient le record de sélections avec la sélection bulgare (102 sélections). Sollicité pour une interview, il s’est excusé du fait qu’il se trouve actuellement en Suisse et qu’il ne rentrera que mercredi, tout en nous souhaitant la bienvenue en Bulgarie et en se montrant disposé à nous assister dans notre mission.
Darik Radio nous a ouvert toutes les portes
La Bulgarie a un point commun avec l’Algérie : la bureaucratie tentaculaire. A toutes nos tentatives pour rencontrer des dirigeants du Slavia Sofia et du CSKA Sofia, on nous a opposé la même phrase : «Le président est-il au courant de votre visite ?» Du coup, toutes les portes nous étaient fermées.
Même au siège de la Fédération, le préposé à la réception a refusé de nous recevoir. Il aura fallu qu’une reporter de la radio Darik Radio, Ralitsa, soit informée de notre présence et annonce notre venue dans l’émission sportive phare de Darik Radio jeudi pour que toutes les portes nous soient ouvertes. Ainsi, une heure à peine après, les responsables du Slavia nous ont accueilli à bras ouverts.
Le CSKA Sofia appartient à une société de nettoyage
Après avoir frôlé la faillite, il y a trois ans, le CSKA Sofia a été repris par une société de nettoyage, Titan. Ce qui a permis de le sauver et de payer les joueurs. Ce club a la particularité d’être dirigé par deux présidents : Ivan Ivanov et Dimitar Borsiov.
Des employés du Slavia ne l’ont pas oublié
De passage au siège du Slavia, son premier club (et club à qui il appartient toujours), nous n’avons trouvé aucun responsable, ni le président, ni le directeur sportif, ni l’entraîneur. Cependant, en apprenant notre identité, des employés du club nous ont expressément demandé de saluer M’bolhi de leur part, un homme qu’ils apprécient toujours pour sa gentillesse et sa correction.
C’est son frère qui a découvert Mbolhi
Le président de la Fédération bulgare de football, Mikhaïlov Borislav, a un frère, Roslan, actuellement entraineur des gardiens de but du Levski Sofia, qui ne cesse de clamer dans les médias que c’est lui qui a découvert Mbolhi et qui l’a ramené en Bulgarie, l’aidant à progresser au Slavia Sofia au point d’être élu meilleur gardien de but du championnat bulgare la saison passée.
Mystérieuse «agression» contre M’bolhi
Selon un ami bulgare, un journal du pays a publié un article dans lequel elle a relevé que la performance de M’bolhi lors du match contre la République centrafricaine était piètre, à tel point qu’il a été agressé par… des supporters algériens. On se demande quand les supporters algériens ont pu rencontrer M’bolhi après le match, vu que ce dernier a directement rallié Paris à son retour à Alger, pour rejoindre rapidement Sofia.
M’bolhi refuse d’avoir un agent
L’une des caractéristiques de la mentalité spéciale de Raïs M’bolhi Ouahab est son refus catégorique d’avoir un agent pour gérer sa carrière et ses affaires, bien qu’il ait reçu de nombreuses offres d’agents de joueurs agréés. Il préfère agir en solo et discuter lui-même les offres qu’il reçoit.
Daniel Maladanov (joueur du Levski Sofia) : «Sa place est dans un championnat plus grand»
Grâce au concours du manager Milko, nous avons rencontré le joueur vedette du Levski Sofia, Daniel Maladanov, qui a fait les éloges de M’bolhi : «C’est un joueur connu ici. La Bulgarie ne parle que de lui. J’ai joué plusieurs fois contre lui et il a toujours été à la hauteur. Je ne me rappelle pas l’avoir vu commettre une bévue. Je ne le connais pas au plan personnel, mais je le considère comme un excellent gardien de but qui mérite de jouer dans l’un des plus grands championnats européens.»
«Seule une minorité de nos supporters l’a insulté»
Abordant la question du championnat où M’bolhi pourrait percer, Maladanov a cité «l’Allemagne ou la France, du moment qu’il réside à Paris». Interrogé sur les propos racistes dont il a été victime de la part de supporters du Levski Sofia, il a estime que «seule une minorité de nos supporters l’ont insulté et cela se passe partout dans le monde», insistant sur le fait que «cette minorité ne représente pas la masse des supporters du Levski».
«Il n’a plus rien à apprendre en Bulgarie»
Après qu’il eut été élu meilleur gardien de but du championnat bulgare, «une consécration reconnue par un comité de spécialistes», a-t-il souligné, notre interlocuteur a exprimé le vœu que M’bolhi parte ailleurs.
«Les Bulgare aiment le football, mais ils ne sont pas très nombreux à assister aux matches du championnat, excepté lorsqu’il s’agit de grands derbies comme Levski-CSKA ou, à un degré moindre, Levski-Slavia. De plus, les joueurs sont mal payés en Bulgarie. C’est pour cette raison que je dis qu’il n’a rien à apprendre en Bulgarie.»