180 milliards de dollars de manque à gagner pour l’Etat

180 milliards de dollars de manque à gagner pour l’Etat

La deuxième et dernière journée parlementaire sur la fiscalité et la performance de l’entreprise économique était axée sur les incohérences de la fiscalité en Algérie, présentées par le P-DG de Cevital, et le marché de l’informel qui gangrène l’économie nationale, présenté par le président du FCE.

Issaad Rebrab qui présentera sur un data show l’évolution de son entreprise durant ces dix dernières années, mettra en exergue les contradictions dans le système fiscal algérien, non sans reconnaître que celui-ci représente un instrument de régulation de l’économie nationale et qu’il était du devoir de chaque citoyen de s’acquitter de ses impôts, parce que source de recettes de l’Etat pour financer plusieurs secteurs et les besoins de la population.

Le P-DG de Cevital ne s’explique pas qu’aux plus forts moments de la crise économique le taux de l’impôt sur les bénéfices réinvestis n’était que de 5%, alors qu’actuellement (avec l’embellie financière) il est passé à 19%.

Idem pour l’impôt sur les bénéfices distribués qui sont passés de 50% entre 1992 et 1993 à 19% présentement.

Les importations des matières premières sont taxées à 5% alors que les produits finis en provenance de la grande zone arabe de libre-échange en sont exonérés.

M. Rebrab estime que tout comme la farine, la semoule, le lait et le pain, l’huile et le sucre, les fruits et légumes font partie des produits de première nécessité.

Dès lors, leur taxation à 17% n’encourage pas les opérateurs économiques. «Aucun pays ne taxe les fruits et légumes», dira-t-il. Il remettra ensuite en cause le décret d’août 2008 relatif aux honoraires des notaires qu’il juge exorbitants et non plafonnés.

Ainsi, pour la constitution, l’augmentation de capital, la fusion de sociétés et pour une opération de 25 milliards de dinars, les honoraires du notaire sont de 125 millions de dinars, soit un taux de 0,5%.

Pour les transactions de ventes d’immeubles, fonds de commerce, navires et bateaux et autres droits incorporels, et pour une opération de 25 milliards de dinars, le notaire perçoit 250 millions de dinars.

«Cela équivaut à 50 ans de salaire d’un professeur en médecine, alors que le notaire perçoit ces honoraires pour seulement deux heures de travail.»

Enfin, le P-DG du groupe Cevital a fait part de la croissance de son entreprise qui est de 50% annuellement, tandis que sa contribution au budget de l’Etat est également de 50%, soit 139 milliards de dinars. Le groupe emploie plus de 8 000 travailleurs.

Pour sa part, le président du FCE a essayé d’attirer l’attention sur la dangerosité du marché informel et sa capacité de nuisance par rapport à l’économie nationale.

Ainsi, ce secteur, outre qu’il constitue une véritable machine à laver de l’argent sale (notamment dans l’immobilier), est constitué en réseau puissant. Selon une étude réalisée durant le dernier trimestre 2007 par l’association qu’il préside, les revenus issus du secteur informel totalisent 17% de l’ensemble des revenus.

Les revenus nets de ces mêmes secteurs sont évalués entre 300 et 600 milliards de dinars, soit 13% du produit intérieur brut hors hydrocarbures. Les pertes de recettes budgétaires et de recettes pour les organismes de la sécurité sociale s’élèvent à 42 milliards pour l’IRG et 120 milliards pour les prélèvements de la Sécurité sociale.

Au titre de la TVA, la perte est estimée à 22 milliards de dinars. Des chiffres mirobolants engrangés par ce secteur qui emploie près de 1 780 000 personnes, soit près de 32% de l’emploi total qu’il ne déclare pas, bien sûr, à la Sécurité sociale.

Toujours selon l’étude, 35% de l’emploi non agricole n’est pas déclaré ainsi que 15% de l’emploi formel. Le bâtiment (34%), les commerçants (20%), le transport (6%) sont les domaines les secteurs les plus prisés par l’informel.

Les raisons de ces non-déclarations sont liées au coût supplémentaire à payer à la Sécurité sociale, aux obstacles à l’enregistrement de l’entreprise. Et cela concerne tous les ateliers et chantiers clandestins.

Les opérateurs économiques ont pratiquement tous revendiqué la baisse et/ou la suppression de certaines taxes pour permettre aux entreprises de se développer, de créer les richesses et, par ricochet, des postes d’emploi.

La taxe sur l’activité professionnelle a été particulièrement décriée. Pourtant, elle permet au Trésor public d’engranger la somme de 31 milliards de dinars, dont une partie est distribuée aux collectivités locales.

Les deux journées parlementaires se sont soldées par une série de recommandations relatives à l’institutionnalisation de la concertation et du dialogue entre les opérateurs et les institutions de l’Etat, la poursuite des efforts de simplification et de modernisation du système fiscal, la cohésion du système fiscal algérien en vue de favoriser la compétitivité de l’entreprise algérienne et le développement économique.

Il s’agit également d’encourager les investissements à travers la défiscalisation des bénéfices réinvestis, la suppression des 5% des droits de douane sur les matières premières, la mise en place de barrières non tarifaires selon les normes algériennes, la création d’une législation fiscale spécifique aux secteurs de la santé et de l’éducation, la suppression de la TAP en la remplaçant par d’autres ressources locales, la lutte contre l’informel et l’encouragement des exportateurs.

Signalons que très peu de députés ont pris part à ces journées parlementaires.

Les opérateurs étaient beaucoup plus nombreux. C’est dire le manque d’intérêt des élus de la nation pour la chose économique de manière générale et la fiscalité de manière particulière, eux qui sont censés débattre des projets de loi de finances, légiférer au profit et dans l’intérêt de la collectivité nationale.