17ème Tripartite du 14 octobre 2015 : face à la chute du cours des hydrocarbures, pour un front social, facteur de mobilisation de tous les Algériens

17ème Tripartite du 14 octobre 2015 : face à la chute du cours des hydrocarbures, pour un front social, facteur de mobilisation de tous les Algériens

17ème Tripartite (gouvernement, syndicats et patronat) en présence du  directeur général du Bureau international du travail (BIT) qui  se réunira le 14 octobre 2015 à Biskra sera-t-elle encore une nouvelle réunionite sans décisions concrètes sur le terrain ? Est-elle représentative  et des décisions concrètes seront-elles prises afin de réhabiliter l’économie de la connaissance  et  l’entreprise créatrice de richesses face à la chute du cours des hydrocarbures qui risque de durer dans le temps ?

 1.- Pour une meilleure représentativité, les organisations patronales privées doivent avoir un cadre unifié et inclure d’autres organisations non présentes, parfois plus représentatives. Pour un véritable dialogue social, il serait souhaitable de convier d’autres organisations syndicales autonomes avec lesquelles notamment les ministres du Travail, de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Santé sont déjà en contacts permanents. La composante est la même depuis plus de deux décennies alors que l’environnement économique et social algérien a profondément changé, ce qui explique que les anciennes Tripartites ont eu peu d’effet face aux tensions sociales. D’autres forces sociales et économiques sont apparues depuis, devant en tenir compte, faute de quoi cela s’apparenterait à un monologue du pouvoir avec lui-même, sans impact pour la résolution concrète des problèmes économiques et sociaux. Aussi faut-il éviter deux écueils. Premièrement, le gouvernement doit se démarquer d’une vision culturelle largement dépassée des années 1970, tant sur le plan politique, économique qu’en matière diplomatique. Nous sommes en 2015 avec des mutations géostratégiques considérables entre 2015/2020 qui préfigurent de profonds bouleversements géostratégiques. La mentalité bureaucratique administrative des années 1970 est de croire qu’il suffit de changer de lois pour résoudre les problèmes. Cette vision bureaucratique est une erreur politique qui ne peut que conduire le pays à l’impasse, à une crise multidimensionnelle, voire à une déflagration sociale qu’il s’agit impérativement d’éviter. Deuxièmement, éviter que la Tripartite soit un lieu de redistribution de la rente (parts de marché et avantages divers supportés par le Trésor public de ceux présents via la dépense publique) en fonction d’intérêts étroits. Car lorsqu’un pouvoir agit bureaucratiquement, sans concertation, sans tenir compte de la réelle composante sociale, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner en dehors de l’Etat officiel, se traduisant alors par un divorce croissant Etat/citoyens.  On ne relance pas l’activité économique  par décret ou par le volontarisme étatique, vision de la mentalité bureaucratique rentière. C’est l’entreprise et son fondement, le savoir, au sein d’une économie de plus en plus mondialisée à travers des stratégies de segments de filières internationalisées que l’Algérie peut créer une économie productive à forte valeur ajoutée. L’on ne doit pas, en ce XXIe siècle avoir une vison matérielle, l’ère  mécanique, l’ensemble des segments économiques industrie/agriculture/tourisme, y compris la culture,  se combinant avec les nouvelles technologies. La recherche tant théorique qu’appliquée est fondamentale pour impulser de nouvelles filières qui s’internationalisent de plus en plus ( c’est la mondialisation) .

 2.- Le tissu industriel algérien, sur lequel tous ces gouvernements souhaitaient fonder la relance économique est en réalité insignifiant. Il est composé d’à peine 1200 entreprises publiques( données de 2012) , en majorité  empêtrées dans de graves difficultés financières et managériales, et d’environ 600.000 petites entreprises privées de production en grande partie très jeunes et sans envergure, alors qu’il faudrait plus de deux millions de PMI/PME, plus de 80% ne maîtrisant pas le management stratégique et non concurrentielle,   qui éprouvent d’énormes difficultés à se maintenir en vieCar force est de constater que les différentes  Tripartie depuis plus de 15 ans ont  apporté peu d’éclaircissements et de solutions opérationnelles sur la stratégie de développement  à  moyen et long terme de l’Algérie. Toujours 98% d’exportation provenant des hydrocarbures     dont 3% de dérivées et 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% provient de l’extérieur.La raison principe est l’environnement contraignant du monde des affaires, bureaucratie, système financier, système socio-éducatif et le foncier qui entravent la liberté d’entreprendre. Le développement dans la majorité des pays  développés  repose sur les PMI-PME. Or, selon les déclarations officielles tant européennes qu’américaines, la règle des 49/51% est l’obstacle majeur pour un partenariat gagnant-gagnant  avec les opérateurs locaux des PMI-PME, cette règle où l’Algérie supporte tous les surcoûts permettant  des intérêts de rente. Aussi, qu’en sera  t-il de la prochaine Tripartie : réformes structurelles privilégiant les intérêts supérieurs du pays ou simplement encore des discours  et des luttes pour le partage  de la rente  qui ne peut que conduire, avec la baisse du cours des hydrocarbures, qui sera de longue durée,  au suicide collectif. Car la situation est préoccupante.  Dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales, publié  à l’occasion de la tenue de son assemblée annuelle  du 8 au 11 octobre à Lima (Pérou), le FMI  pour l’Algérie prévoit   une croissance économique de 3%  en 2015 , de  3,9% en 2016, contre 3,8% en 2014.  l’inflation,  devrait passer à 4,2% en 2015 et à 4,1% en 2016, le  taux de chômage de 11,6% en 2015  et de 11,7% en 2016  (contre un taux de 2,9% en 2014) et la   balance des comptes courants devrait rester négative à moins de -17,7% du PIB en 2015 et à moins de -16,2% en 2016 (contre -4,5% en 2014).  Aussi , en cas de non réorientation de la politique économique actuelle fondée sur l’économie de la connaissance et l’entreprise , devant démystifier l’entreprise privée nationale et internationale, encouragée même en Chine et la Russie, fondateurs du communisme, pour les réserves de change qui risquent de fondre comme la neige au soleil.  En effet, exténués par les efforts surhumains que requiert l’activité industrielle soumise à des tracasseries permanentes, bon nombre d’industriels ont de surcroît fait le choix de changer d’objet social pour s’installer dans le confortable créneau de l’importation et de la revente en l’état. Tous ces blocages font qu’aujourd’hui il ne reste pratiquement plus rien de ce potentiel. La situation risque même d’empirer dans les toutes prochaines années en raison de la désertion du secteur industriel par les quelques opérateurs restants de plus en plus nombreux à investir les créneaux de commerces lucratifs. L’enquête effectuée par l’ONS confirme cette inquiétante tendance à la désindustrialisation, avec une très nette prédominance (plus de 90%) des petites entreprises de commerce et de services, par rapport aux unités des secteurs de l’industrie et du BTP réduites à portion congrue. Les institutions étatiques créées au début des années 2000, à l’effet de donner de nouveaux ressorts à l’industrie nationale (Andi, Calpi), se confineront malheureusement au simple rôle d’enregistreuses d’intentions d’investir, chargées de tenir les statistiques de projets qui ne dépasseront pas, dans la majorité des cas, le stade de la déclaration d’intention. L’Agence nationale pour le développement de l’investissement (Andi) et le  Conseil national de l’investissement (CNI), qui seront créés quelques années plus tard dans le but de promouvoir les gros investissements, ne feront guère mieux. A bien des égards, le CNI se comportera beaucoup plus comme un prédateur d’investissements qu’un facilitateur. Il ya lieu  pour enlever els entraves, supprimer l’autorisation préalable d’investir accordée ou non par le CNI ou le CPE que l’Algérie est le seul pays au monde à pratiquer. Les entrepreneurs créateurs de richesses  doivent en outre avoir l’accord de principe pour l’agrément rapide  des projets industriels en souffrance au niveau de ces institutions depuis plusieurs années.

3.-Face à cette situation socio-économique inquiétante pour le devenir de l’Algérie, au -delà de l’État, l’ensemble des acteurs de la société  doit être mobilisé si l’Algérie veut renouer avec  une croissance durable hors hydrocarbures. A ce titre , je   me désole avec de nombreux hommes politiques, entrepreneurs privés  et public, intellectuels, selon notre sondage de toutes les régions du pays Est-Centre-Sud Ouest,  de voir ces querelles étalées en plein jour, qu’on aurait pu éviter  tant par le dialogue qu’en recourant à la justice si existent des preuves de malversations,  entre le Ministre de l’Industrie , un membre du gouvernement et un important opérateur privé qui selon mes informations au niveau international  ont porté un large préjudice tant à l’économie qu’à l’image de l’Algérie.   Comment ne pas rappeler que les  pays ayant entrepris avec succès des réformes, notamment les pays émergents,  se sont appuyés sur une mobilisation de l’opinion,   la croissance forte  pouvant  revenir  en Algérie. Mais elle   suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active  dynamique, un savoir, le gout du risque  et des innovations technologiques sans cesse actualisés, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d’attirer du capital et  une ouverture à l’étranger. Ces réformes passent fondamentalement  par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et l’équité, les politiques parleront  de  justice sociale. La conduite d’ensemble de ces réformes ne peut ni être déléguée à tel ou tel ministre ni mise dans les mains de telle ou telle administration. Elle ne pourra être conduite que si, au plus haut niveau de l’État, existe une moralité de ceux qui dirigent la Cité, une volonté politique forte  les conduit et convainc les Algériens  de leur importance d’où avec l’ère d’internet le langage de la vérité  et une communication active transparente et permanente. Ensuite, chaque ministre devra recevoir une « feuille de route » personnelle complétant sa lettre de mission et reprenant l’ensemble des décisions qui relèvent de sa compétence. Au regard de l’importance des mesures à lancer et de l’urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l’accélération de projets et d’initiatives existantes, le vote d’une loi accompagnée, dès sa présentation au Parlement, des décrets d’application nécessaires à sa mise en œuvre et pour les urgences seulement  des décisions par ordonnance pourront  être utilisées.  Ces actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigeront  le courage de réformer vite et massivement, non des replâtrages conjoncturelles par de profondes réformes structurelles à tous les niveaux en ayant une vision stratégique pour le moyen et le long terme, devant donc  réhabiliter la planification et le  management stratégique.

4.- L’Algérie peut  réaliser sa transition économique  dans un délai raisonnable. Elle en a les moyens. Pour cela, elle doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, sécuriser pour protéger, préférer le risque à la rente, libérer l’initiative, la concurrence et l’innovation car le principal défi du XXIème pour l’Algérie sera la maîtrise du temps ;  le monde ne nous attend  pas et toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l’appauvrissement, une perte  de confiance en l’avenir puisqu’ avec l’épuisement  de la rente des hydrocarbures, l’Algérie n’aura plus  les moyens de  préparer ces réformes et vivra sous l’emprise de la peur, voyant  partout des menaces où les autres voient des chances.  . Le pouvoir algérien mais également la majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures  doivent savoir que l’avenir de l’emploi et de leur pouvoir d’achat  n’est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n’est plus dans les subventions à répétition.  L’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, d’apprendre davantage, de s’adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d’oser. La nature du  pouvoir doit également  changer  supposant une refonte progressive  de l’Etat  par une réelle décentralisation  autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant  qu’il passe de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur,conciliant les coûts sociaux et les coûts privés.  Pour s’inscrire dans la croissance mondiale, l’Algérie  doit d’abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l’informatique au travail en équipe, de l’arabe, du français à l’anglais, du primaire au supérieur, de la crèche à la recherche. Elle doit ensuite faciliter la concurrence, la création et la croissance des entreprises, par la mise en place de moyens modernes de financement, la réduction du coût du travail et la simplification des règles de l’emploi. L’Etat  doit favoriser l’épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont : le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l’environnement, les services à la personne avec le vieillissement de la population. Simultanément, il est nécessaire de créer les conditions d’une mobilité sociale, géographique et concurrentielle, de  permettre à chacun de travailler mieux et plus, de changer plus facilement d’emploi, en toute sécurité. Pour mener à bien ces réformes, l’État et les  collectivités locales doivent être très largement réformés. Il faudra réduire leur part dans la richesse commune, concentrer leurs moyens sur les groupes sociaux qui en ont réellement besoin  et  évaluer systématiquement toute décision, a priori et a posteriori. A ce titre, lors du conseil des ministres du 06 octobre 2015, Pour  le président de la république, les membres du gouvernement et l’ensemble des  pouvoirs publics doivent tenir un langage de vérité  et expliquer davantage à la population la gravité de la conjoncture financière que traverse notre pays ainsi que le caractère unique au monde des  dépenses publiques d’investissements et des transferts sociaux.  Car c’est grâce à une parfaite compréhension de la situation que le  peuple algérien adhérera aux efforts nécessaires pour préserver l’indépendance de décision économique du pays, laquelle est indispensable à la poursuite d’une politique conforme à nos valeurs de justice sociale réelle et de solidarité nationale effective. Pour réaliser ces objectifs nobles, je pense fermement  que cela passe  un large front national sans exclusive, mobilisant l’ensemble des forces sociales et économiques.

Professeur Abderrahmane Mebtoul Expert international en management stratégique