Ramtane Lamamra, a largement évoqué ce « tournant décisif », validant une « gouvernance mondiale nouvelle, orientée vers un avenir de solidarité et de progrès pour l’humanité entière ».
A l’ouverture de la rencontre ministérielle d’Alger, l’entrée solennelle du Premier ministre Abdelmalek Sellal, en compagnie du Bolivien Evo Morales, président du G 77+ Chine, remet en orbite le mouvement uni par la communauté des destins et la richesse des expériences nationales. Elle représente cette forme de convergence indélébile que cette union dans la diversité véhicule en force d’action et de cohésion, celle-là même qui lui a permis de résister aux chocs du monde bipolaire et aux défis colossaux de l’empire en gestation.
Plus de quatre décennies plus tard, l’« esprit d’Alger » souffle puissamment sur le Mouvement revitalisé des non-alignés, tenu par le devoir de mémoire envers ses membres fondateurs et consacrant une « pensée émue » pour les acteurs récemment disparus : Ben Bella, Benjedid, Kafi, Sihanouk, Mandela… Dans cette mobilisation restée intacte, la communauté afro-asiatique et latino-américaine s’est présentée en force pour renouer avec un engagement jamais démenti pour un monde meilleur libéré des chaînes de l’oppression et en ordre de rassemblement pour résister à toutes les formes d’hégémonie. Tel est son destin dans ce monde complexe unipolaire, source d’instabilité et présentant une menace réelle contre les souverainetés nationales chèrement acquises.
Pour le chef de la diplomatie iranienne, Mohamed Javad Zarif, l’urgence d’une « action collective » et les impératifs d’« efficacité » s’imposent pour assurer la défense des intérêts stratégiques des pays non-alignés. Il a, de ce fait, souligné dans la quête d’une alternative crédible, « le rôle éminent » de l’Algérie qui s’est pleinement investie dans le combat de la décolonisation et pour l’avènement d’un monde plus juste et en paix.
Si le virage algérien, qualifiant la 4e conférence des non-alignés, a révélé la pertinence d’une vision pour la renégociation des termes des échanges inégaux dans le cadre du nouvel ordre économique revendiqué, la démocratisation et l’instauration d’un dialogue Nord-Sud décomplexé est assurément l’« alpha et l’oméga » du non-alignement naissant, l’« esprit d’Alger » n’a rien perdu de sa superbe et de sa logique intrinsèque qui autorise le passage de la position défensive à une nouvelle dynamique en vigueur et à une solidarité active et organisée.
Dans son intervention, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a largement évoqué ce « tournant décisif », desserrant l’étau des jeux de puissances pour valider une « gouvernance mondiale nouvelle, orientée vers un avenir de solidarité et de progrès pour l’humanité entière ». Face aux défis récurrents du « monde globalisé », conçu comme une source de bienfaits pour les pays industrialisés et une macabre fatalité pour les pays en développement, Lamamra remet sur la table la légitimité de la thèse algérienne. « Dans ce contexte, dira-t-il, il est heureux de constater que les valeurs et les principes cardinaux du mouvement n’ont été érodés ni par les vicissitudes du temps ni par les épreuves, les crises, les conflits et les mutations qui continuent d’ébranler le monde ». Plus est, le processus de maturation hérite de cette « force morale et politique » à fort ancrage, comme vient de le prouver opportunément la 17e conférence ministérielle d’Alger, qui la prédestine au rôle d’« acteur » dans la prise de décisions et au statut de partenaire incontournable. « La réforme de la gouvernance mondiale est une œuvre de longue haleine.
Le monde d’aujourd’hui ne laisse pas de place aux actions individuelles aussi importantes soient elles », renchérit le chef de la diplomatie algérienne, recourant en cela à la vieille sagesse algérienne qui énonce qu’« une seule main n’applaudit pas ». Confronté aux nouvelles échéances, le non-alignement doit puiser dans son unité et la solidarité pour la réalisation des objectifs communs de développement de paix et de sécurité. Le binôme « sécurité-développement » est naturellement au menu du document final préparé par les experts, regroupés dans les commissions économiques et politiques et présenté en conseil ministériel. Plusieurs questions structurent la quête de la démarche consensuelle et portent sur les aspects inhérents au développement, à la sécurité et au terrorisme, aux crises, aux droits de l’Homme et à la réforme des instances onusiennes. Le nouvel « esprit d’Alger » est de retour.
Larbi Chaabouni
