L’engouement pour le livre religieux durant le Sila et en marge de cette manifestation nous a poussé à mener cette petite enquête.
Le Salon est organisé par le ministère de la culture, en coordination avec le Syndicat national des éditeurs du livre. La commission chargée du salon a tenté de corriger les erreurs des précédentes éditions.
Le contrôle est de rigueur car les organisateurs peuvent réquisitionner notamment les livres piratés. Le saint Coran est permis, il est vendu au même titre que les autres ouvrages. Mais les livres qui peuvent nuire et être source de problèmes sont les livres d’interprétation du Coran.
Ces livres existent, malgré la loi qui oblige les éditeurs à déposer un exemplaire de chaque livre et de ses interprétations au niveau de la commission de lecture 3 mois avant leur présentation au Salon.
Le livre religieux,une lame à double tranchant
Au cours de notre virée matinale dans les librairies d’Alger, les propriétaires ont été unanimes quant à la prolifération du livre religieux de «bas niveau» ou même dévié et vide en matière de vérité.
Un livre nous a été montré par un libraire, intitulé «Ettariq Ila Allah» (le chemin vers Dieu). En le feuilletant, nous nous sommes rendu compte qu’il ne s’agit nullement du bon chemin qui mène à Dieu, mais plutôt un chemin parsemé d’insultes, d’outrages et d’avanies envers Dieu et son prophète Mohamed QSSL.
Selon notre interlocuteur, «ce genre de livre est importé par des gens qui n’ont rien à voir avec le domaine de l’édition, mais plutôt des hommes d’affaires d’un jour qui tirent d’énormes profits de ce commerce, sachant que la fibre religieuse est très forte chez les algériens». S’agissant des prix pratiqués par les libraires, ce dernier n’y va pas par mille chemins
«vous savez, nous subissons le diktat de ces énergumènes qui font baisser les prix parce la qualité de leurs livres est médiocre ; je vous le répète, le plus important pour eux est le gain».
Les librairies algériennes vivent aujourd’hui une situation très délicate vu les difficultés d’édition et de distribution qui les freinent. Ajoutez à cela la cherté du livre importé, ou encore l’inexistence même de certains manuels, notamment techniques. Du coup, pour qu’un libraire continue d’exister, il s’est mis sur le chemin qui mène vers le gain, en l’occurrence le livre religieux qui remplit les caisses.
Une commission et des interrogations
Pas plus loin que la rue Didouche Mourad à Alger-Centre, une grande et ancienne bibliothèque qui était le refuge de notre élite à une certaine époque de l’Algérie indépendante. Elle porte le nom d’un sociologue renommé. Le propriétaire est bien connu dans les milieux intellectuels algérois, c’est un ancien cadre de la défunte Sned (société nationale d’édition et de distribution). Il a révélé à ce propos que «depuis la disparition de la Sned qui était une société qui faisait réellement dans l’édition et la distribution du livre, le marché est presque à sec et c’est une sécheresse que nous assumons tous».
A notre question concernant le livre religieux, il a lancé un grand soupir avant d’enchaîner : «Nous allons vers une situation très critique, nos enfants seront des robots dans peu de temps ; pour moi et pour l’ensemble des libraires, ces livres, et je parle d’une certaine catégorie seulement, sont des armes de destruction massive». Nous avons demandé à certains clients qui se trouvaient sur les lieux, et là on peut dire que les parents ont émis des avis unanimes. Saâdia, 38 ans, enseignante au lycée :
«Je vous assure que moi-même j’ai été dupée, j’ai acheté un livret sur les femmes du prophète et je trouve dans une phrase ceci : le prophète encourageait la fornication. Je trouve cela aberrant». Omar, cet autre client, a été très dur dans ses propos : «Les livre du rite chiite sont mis sur le marché en grande pompe ;
il va détruire notre société si les autorités n’interviennent pas». Nous demandons des exemples à ce jeune médecin sur la nature du contenu de ces livres. Omar n’a pas hésité à en citer quelques-uns : «Vous admettez qu’on dise du compagnon du prophète, Abou Bakr Essedik, qu’il a marié sa fille au prophète pour avoir des privilèges ? ou encore «Othmane Ben Offane était un dictateur qui avait empêché Ali de devenir khalife ? Ce sont des incohérences qu’il faut arrêter».
Le djihad fait vendre
Autre phénomène, autre calomnie. Certains manuels qui proviennent d’Orient continuent de montrer l’Islam comme une religion de sang et synonyme de mort. «El djihad fi sabili Allah» (le sacrifice au nom de Dieu). «C’est un livre qui s’est vendu comme des petits pains, heureusement que les autorités ont arrêté son importation», a déclaré un imam d’Alger.
Cette version d’un islam de mort et de sang ou encore un islam où il n’existe que deux tableaux, celui d’interdire et d’obliger a fait son chemin dans notre société. Cheikh Merouane comme l’appellent les fidèles a dénoncé et continue de le faire afin d’éviter une mort certaine mais surtout inutile aux musulmans.
«Nous, en tant que fonctionnaires du ministère des affaires religieuses, nous continuons d’interdire ce genre de manuels, mais il y a ceux qui passent sous le manteau et on avertit encore nos fidèles pour qu’ils s’éloignent de ce chemin tordu», a conclu l’imam. Une fois de plus, le citoyen est tenu de vérifier et de faire attention aux manuels qu’il s’offre, et ce, dans le souci de se préserver et de préserver sa progéniture de graves déviations.
Par Elias Melbouci