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Mais qui sont réellement les Gilets jaunes? Depuis l’avènement spontané du mouvement, les observateurs ont relevé le caractère composite des premières vagues, rassemblant tous les laissés-pour-compte de la mondialisation.
Les «Gilets jaunes» français, dont le mouvement conteste depuis plus de trois mois la politique sociale et fiscale du président Emmanuel Macron, étaient de nouveau hier, pour une quinzième mobilisation consécutive, en train de battre les pavés à Paris et dans plusieurs villes de province. Inquiets de l’essoufflement qui s’est dessiné ces trois dernières semaines, ils tentaient avant tout de freiner l’érosion de cette mobilisation.
Dans la capitale, ils n’étaient que quelques centaines, au début de l’après-midi, sur les Champs Elysées, alors que deux défilés étaient programmés en sus d’une «marche dans les beaux quartiers». La semaine dernière, les autorités ont compté 5000 Gilets jaunes et hier soir, sur les réseaux sociaux où ils ont pris l’habitude de se donner rendez-vous, leur nombre totalisait 4000 personnes. On est loin des chiffres du début du mouvement, le 17 novembre, quand ils étaient 282.000 à entamer cette longue marche inédite en France pour revendiquer l’annulation des hausses de carburant et la revalorisation du pouvoir d’achat.
Samedi passé, ils furent 41.000 à poursuivre la campagne, de sorte que la plupart des observateurs s’accordent à dire que le mouvement est «à bout de souffle», pour reprendre le titre en Une du Parisien, seul journal à consacrer une large place au sujet.
La désaffection des Français qui furent à plus de 80% en faveur de ce mouvement dans les tout premiers jours, résulte des violences qui ont constamment émaillé les journées de manifestation ainsi qu’à l’incapacité des Gilets jaunes à se structurer avec un programme et une direction légitime. Plus vite que prévu, les fractures sont apparues entre les tenants de tel ou tel courant, ceux qui aspirent à une candidature aux européennes et ceux qui s’y opposent.
Ces derniers temps, 52% des Français estimaient le moment venu de mettre fin à ces samedis contestataires, bousculés par «le grand débat national» qu’a lancé le président Macron soucieux de canaliser le mécontentement et de donner des gages aux attentes «raisonnables» des citoyens. Hier donc, le point focal des Gilets jaunes devait être Clermont-Ferrand où 3000 personnes étaient attendues par une ville barricadée et plongée dans l’angoisse des scènes de vandalisme observées à Bordeaux et Toulouse, notamment. Il faut dire que, depuis le 17 novembre, on compte 11 morts en marge du mouvement qui a engendré, par contre, plus de 2000 blessés dont certains gravement, les Gilets jaunes accusant formellement la «violence des forces de l’ordre».
Mais qui sont réellement les Gilets jaunes? Depuis l’avènement spontané du mouvement, les observateurs ont relevé le caractère composite des premières vagues, rassemblant tous les laissés-pour-compte de la mondialisation.
Apolitique, il était en marge des logiques de mobilisation traditionnelles en rassemblant, dans un même élan revendicatif des franges citoyennes issues de la gauche comme de la droite, voire même de l’extrême droite, avec comme dénominateur commun leur aversion des élites. Mais au fil des samedis qui se sont succédé, le mouvement a, peu à peu, perdu son sens initial pour se diluer dans une espèce de mare, aux couleurs de l’ultragauche et de l’ultradroite.
Né d’un cri d’alarme contre la hausse des carburants puis nourri au biberon des revendications sociales légitimes (pouvoir d’achat, retraites…), il s’est embourbé dans des querelles de leadership et de représentativité pour s’effacer petit à petit face à un pouvoir, un temps ébranlé, mais suffisamment retors et bénéficiaire actif des milliers de casseurs dont l’hypothèque est devenue trop lourde à supporter.