Un phénomène qui prend de l’ampleur
Les raisons de ces enlèvements restent divers problèmes familiaux, vengeances ou enlèvements à des fins commerciales ou autres motivations d’ordre sexuel…
Nos enfants sont en perpétuel danger! Ils sont des milliers à avoir été victimes de rapt. «1000 à 1500 cas nous sont signalés chaque année», révèle le réseau Nada pour la défense des droits de l’enfant, «En 2012, rien que dans la wilaya d’Alger 55 cas ont été enregistrés», précise la même source pour démontrer l’ampleur du phénomène. Cette semaine, trois enfants ont été enlevés en l’espace de 24 heures à Tiaret. N. Nabil, âgé de 7 ans, B. Narimane, une fillette de 9 ans, et une troisième disparition concerne une autre fillette, âgée de 11 ans, elle aussi portée disparue depuis dimanche, dans la matinée. Depuis le début de l’été, c’est le neuvième rapt d’enfant qui a été signalé. Quatre victimes (deux garçons et deux fillettes) n’ont toujours pas été retrouvées, malgré les avis de recherche lancés par les services de sécurité et les photographies placardées par les parents sur les murs de la ville. Parmi ces quatre enfants qui n’ont toujours pas été retrouvés, le petit Yacer Ben Amrane. Âgé de 2 ans, il a été kidnappé devant la maison de ses grands-parents dans le quartier de Bordj El Kiffan, l’est d’Alger (Cité Faïzi). La police n’a pu résoudre le mystère de cette disparition, malgré des recherches intenses et les enquêtes menées. La famille a également placardé des photos de l’enfant disparu, sur les places publiques, dans les grandes artères de la ville, à l’entrée des magasins, dans les pages de la plupart des journaux et sur la Toile, dans l’espoir d’obtenir des informations. L’histoire de Yacer est devenue une cause nationale après que ses parents, dans leurs recherches, aient adressé des appels aux citoyens et même aux kidnappeurs. Les réseaux sociaux ont également permis de médiatiser l’affaire. En vain! Depuis plus de 80 jours, le jeune bambin est loin de sa famille. Mais, comme le reconnaît sa propre mère, ils sont des centaines d’enfants à avoir été kidnappés et dont le cas est passé inaperçu. «Depuis que ce malheur a frappé ma famille, j’ai eu à constater qu’il y avait beaucoup d’enfants disparus, mais dont on ne parle pas», affirme en pleurs cette mère qui a été privée de la prunelle de ses yeux. Nombreux sont donc les cas de disparitions d’enfants retrouvés dans la majorité des cas morts, qui défrayent la chronique plongeant la société civile dans un état de terreur constant.
Qui est derrière ces enlèvements?
Les raisons de ces enlèvements restent liées à divers problèmes familiaux, vengeances ou kidnapping à des fins financières ou de motivations d’ordre sexuel… Toutefois, la majorité des Algériens les attribuent à des réseaux criminels officiant dans le trafic d’organes! Mais qu’en est-il réellement? Pour cela nous avons contacté le réseau algérien pour la défense des droits de l’enfant, Nada. «Il faut savoir qu’il y a trois types de disparitions d’enfants: la première est d’ordre criminel qui constitue un acte de gain soit par la demande de rançon ou la vente des enfants ou leurs organes cela à travers des réseaux bien organisés», explique Abderahmane Arrar, président du réseau Nada. «Le deuxième type de disparitions d’enfants est lié à des conflits familiaux et c’est l’un des conjoints qui passe à l’acte. On trouve généralement ce genre de kidnappings dans les mariages mixtes tandis que le troisième type de disparitions d’enfants consiste en la fugue de l’enfant pour échapper aux problèmes familiaux», ajoute-t-il. Ainsi, des enfants peuvent désirer quitter leurs familles pour des raisons sociales. Néanmoins, M.Arrar conforte la thèse populaire, à savoir celle de l’existence de réseaux spécialisés dans les kidnappings d’enfants.
«Oui, je vous confirme qu’il y a des réseaux spécialisés dans les kidnappings d’enfants et ces réseaux sont majoritairement responsables des kidnappings enregistrés à travers le territoire national», atteste-t-il.
«Sinon, comment expliquer que ces enfants disparaissent en l’espace de quelques minutes et on arrive rarement à les retrouver?» s’interroge-t-il. «Ces réseaux sont très bien organisés avec toute la logistique (transports, suivis, planque pour détenir les victimes…) qu’il faut avoir pour commettre le kidnapping parfait!» témoigne-t-il. «C’est pour cela qu’on n’arrive pas à retrouver ces enfants», rétorque-t-il.
Les motivations
Quelles sont les motivations de ces réseaux? «C’est incontestablement à cause de l’appât du gain facile», affirme-t-il. «Ces réseaux enlèvent soit des enfants de famille aisées pour demander des rançons, soit des enfants pauvres pour les vendre ou vendre leurs organes», certifie-t-il en indiquant que ces réseaux avaient même des liaisons internationales. Les services de sécurité par contre, réfutent catégoriquement l’existence de réseaux de trafic d’organes humains. Chaque fois qu’un kidnapping est signalé, les services de sécurité démentent l’existence de ces réseaux, soulignant qu’aucune opération relevant d’un tel trafic n’a jamais été enregistrée et que l’existence de ces réseaux n’a été ni découverte ni confirmée.
Les solutions pour freiner ce fléau
Pour le réseau Nada ce fléau est en train de prendre de plus en plus d’ampleur dans notre société. Pour le freiner, la solution n’est autre que «la prévention». «Il faut instaurer le réflexe de la vigilance auprès des familles algériennes», souligne M.Arrar. Mais pas seulement, le réseau Nada appelle les autorités à créer un environnement de protection avec un cadre légal pour protéger les enfants. «Il est impératif de mettre fin à l’anarchie de l’espace public qui facilite les enlèvements d’enfants», réclame-t-il. «Comment le faire? Eh bien, donner des divertissements et autres loisirs à ces enfants pour qu’ils ne traînent pas dans les rues, particulièrement pendant les trois mois de vacances estivales», garantit-il.
M.Arrar a également regretté le fait que la seule voie de recours pour les parents d’enfants victimes de kidnappings soit les services de sécurité et les dépôts de plainte.
«Tout le monde doit s’impliquer lors d’un rapt d’enfant, à commencer par les médias lourds. Je regrette que ce ne soit que la presse écrite qui diffuse les alertes d’enlèvements d’enfants. Et la télévision?», peste-t-il. «L’alerte doit être donnée dans les minutes qui suivent la disparition et la description de l’enfant doit être diffusée à travers tout le territoire national. Qui mieux que la télévision pour le faire», réclame-t-il. «Mais, il faut aussi mettre en place un réseau qui s’occupe de diffuser ces alertes dans les espaces publics de tout le pays. C’est un devoir», insiste-t-il. Le réseau Nada veut de ce fait, voir des alertes d’enlèvements comme cela se fait à l’étranger telle que l’alerte Amber. L’alerte Amber est un système d’alerte d’enlèvement à grande échelle mis en place aux États-Unis et au Canada lorsqu’une disparition d’enfant est signalée. Lorsque l’alerte Amber est lancée, des messages sont diffusés à la radio, à la télévision, sur les panneaux autoroutiers, par courriels, sur des sites web et des messages textes sont envoyés gratuitement à ceux qui se sont abonnés. Les informations distribuées comprennent: la description, la photo et le nom de l’enfant enlevé, une description, la photo (si disponible) du ou des suspect(s) et, lorsque c’est possible, la description et la plaque d’immatriculation du véhicule suspecté. Enfin, M.Arrar réclame un soutien pour les familles victimes d’enlèvements d’enfants. «En plus d’un soutien moral, il faut permettre à ces familles d’être mises en congées payés pour leur permettre de rechercher leurs enfants», conclut-il. L’enlèvement d’enfants est donc en train de prendre de l’ampleur en Algérie. Ce phénomène sociétal menace nos enfants. Il suffit d’un moment d’inattention et le drame est là, car on ne prévoit jamais ce type de drame. C’est pour cela que l’appel à la vigilance est devenu une nécessité pressante. Ne quittez pas vos enfants des yeux, nos bambins risquent de rencontrer, sur leur trajet, à l’école, dans la cage d’escalier ou dans la rue, des inconnus animés d’intentions malsaines. Alors faites attention pour protéger vos enfants…