13 000 algériens souffrent d’insuffisance rénale

13 000 algériens souffrent d’insuffisance rénale

L’on parle même aujourd’hui de « tourisme de transplantation » ou de « trafic d’organes ». L’Algérie qui a souscrit à la déclaration d’Istanbul, laquelle interdit le tourisme de transplantation, ne peut pourtant pas empêcher ses malades d’aller ailleurs pour se procurer un rein, moyennant des sommes faramineuses.

« La législation algérienne interdit de manière formelle la vente d’organes, mais un malade qui décide d’aller ailleurs, en touriste, et achète un rein avant de subir une greffe rénale ne peut être empêché », a souligné hier le docteur Rayane, président de la Société algérienne de néphrologie, de dialyse et de transplantation, à l’occasion de la commémoration de la Journée nationale de réflexion sur le don d’organes.

« 300 millions de centimes est la somme déboursée par un Algérien en Chine pour avoir un rein d’un condamné à mort », indique la même source avant de préciser que le même tarif est déboursé par la plupart des malades pour avoir un rein.

Comment a-t-on découvert ce trafic chez nous ? C’est au moment du retour au pays que ces greffés se manifestent pour solliciter les structures de santé nationales, parce qu’ils nécessitent obligatoirement un contrôle médical minutieux. « Lorsque ces malades viennent nous voir pour un suivi médical, nous ne pouvons pas les ignorer.

Nous les prenons en charge quel que soit l’état de santé dans lequel ils se trouvent », a indiqué le docteur Rayane qui révèle que « lors de la guerre en Irak, beaucoup d’Algériens se sont rendu dans ce pays pour une greffe rénale, mais ils sont revenus dans des cercueils ou sont décédés chez eux suite à des complications ».

Selon lui : « Les reins coûtaient, certes, moins cher : 10 000 euros, mais les conditions qui entourent leur achat et même la transplantation étaient apparemment douteuses, d’où le nombre important de décès », a expliqué docteur Benabadi, chef de service de néphrologie du CHU de Beni Messous, qui fera remarquer qu’étant contre ces pratiques, l’Algérie doit prendre en charge cet aspect en boostant le projet portant sur la greffe rénale.

« L’Algérie est à la traîne dans ce domaine, l’Espagne qui était la dernière est classée aujourd’hui parmi les premiers en matière de transplantation rénale, car elle a mis en place une politique sérieuse et a mené une campagne de sensibilisation de haut niveau », a soutenu le conférencier qui regrette que l’Algérie est incapable de copier les pays ayant réussi sur ce plan.

Actuellement, près de 13 000 personnes sont touchées par l’insuffisance rénale chronique (IRC) terminale. Une maladie qui demeure insidieuse et méconnue du grand public.

Aucune loi ni aucune fetwa n’interdisent le don d’organes

Ce n’est en 1986 que la première greffe rénale a été effectuée à Alger. En 1987, une équipe médico-chirurgicale constantinoise a réalisé l’opération avec succès, à partir de donneur vivant apparenté.

C’est au mois de décembre 2002 que la première greffe rénale, à partir d’un cadavre, a été réalisée à Constantine. Depuis, 495 transplantations rénales ont été effectuées à partir de donneurs vivants apparentés, et 889 patients vivent avec un greffon fonctionnel.

Les possibilités de prélèvement sur cadavre, malgré des dispositions législatives très favorables, notamment la loi n°85-05 du 16 février 1985 et la loi n°90-17 du 13 juillet 1990, restent limitées et dépendent beaucoup plus d’une mauvaise organisation que de problèmes éthiques et religieux liés au don d’organes.

Le docteur Rayane a évoqué hier avec insistance la sensibilisation quant au prélèvement d’organes sur des cadavres. « Il y a eu une fetwa dans ce sens, donc la religion ne pose aucun problème. » En Arabie Saoudite, dit-il, « le prélèvement d’organes sur des cadavres se fait normalement, alors que chez nous il existe encore des réticences sans omettre le manque d’équipements et l’absence d’organisation ».

Les spécialistes interpellent à cet effet « les pouvoirs publics afin qu’ils mettent la main à la poche pour l’achat d’un matériel approprié ».

Des cartes de donneur d’organe ont été confectionnées par la Société algérienne de néphrologie, annonce-t-on. « Sur le plan légal, la carte de donneur signifie que l’individu est d’accord pour donner ses organes après sa mort, mais la carte n’est pas un document officiel, car il faut aussi l’autorisation de la famille », a soutenu M. Benabadi, ajoutant qu’une personne qui accepte résolument de donner ses organes le jour de son décès doit le signaler à ses proches, afin que ceux-ci puissent témoigner de sa volonté.

S’agissant des conjoints, la loi algérienne n’autorise pas une femme à donner son rein à son mari de crainte de dépassements et de chantage. « Les pouvoirs publics craignent les mariages à blanc pour uniquement l’obtention d’un rein ou alors un chantage de la part du mari pour obtenir un divorce. Il faut donc des efforts dans ce sens pour améliorer notre législation dans ce domaine », a soutenu Mme Magmoune, représentante du ministère de la Santé.