L’Algérie prétendait amener ses partenaires Etats exportateurs de gaz à entamer une réduction des ventes sur le marché libre, coupable de tirer tous les prix vers le bas.
Des premières indiscrétions sur les coulisses du FPEG, révèlent qu’il n’a jamais été question pour les autres Etats de toucher aux volumes exportés. Alors pourquoi le ministre Khelil en a-t-il fait un thème de mobilisation ?
Trois semaines après la réunion ministérielle du Forum des pays exportateurs de gaz, des remontées d’information permettent de mieux comprendre l’inexplicable volte-face du ministre algérien de l’Energie et des Mines Chakib Khelil.
Tous les présents se souviennent de ce moment « déstabilisant » de la conférence de presse finale du FPEG, le 19 avril dernier au nouveau centre des conférences d’Oran (CCO), où le président de la conférence, Chakib Khelil, a qualifié de « suicidaire » une baisse de la production par les pays exportateurs car cela donnerait des parts de marchés aux autres ».
Déstabilisant parce que le ministre de l’Energie et des Mines avait organisé, durant les semaines précédentes, une mobilisation médiatique autour de la nécessité de réduire les exportations pour soutenir les prix du gaz en chute libre sur le marché spot.
Chakib Khelil avait annoncé à Cancun, le 31 mars dernier, lors de la conférence internationale de l’énergie qu’une « décision importante » serait prise à Oran à l’occasion de la réunion du 10e FPEG, faisant clairement allusion à une réduction des exportations des Etats membres.
Il se précise donc selon plusieurs sources proches du dossier, que le ministre Chakib Khelil a choisi de faire cavalier seul sur ce thème « irréaliste » de la baisse des exportations de gaz allant contre l’avis unanime dans le secteur de l’énergie selon lequel le sujet était « très prématuré ».
« Quatre pays -parmi les onze que compte le FPEG- ont préparé en étroite collaboration la réunion d’Oran : la Russie, le Qatar, l’Iran et l’Algérie.
Nous savions, nous les observateurs proches de ce travail, que les Qataris ne voulaient pas entendre parler d’ajustement des volumes à mettre sur le marché spot. Les experts qataris étaient même hostiles à faire endosser au forum les conclusions de l’étude commandée par l’Algérie pour le compte du FPEG.
Il a fallu leur arracher cette concession minime » raconte un spécialiste bien informé des coulisses du FPEG.
L’ÉTUDE DE MCKENZIE PRÊTE À DES CONSÉQUENCES IMPLICITES
L’étude commandée au bureau McKenzie devait en toute attente, montrer que la tendance du marché gazier allait rester baissière durant les quatre ou cinq prochaines années, compte tenu de l’arrivée de volumes importants de gaz non conventionnel et du détournement d’une partie de la demande dans les grands centres de consommation de l’OCDE. Une conclusion qui prête à des conséquences que les Qataris, mais pas seulement eux, ne veulent pas encore tirer aujourd’hui.
En réalité, l’évolution de la bulle du gaz naturel qui a entraîné le prix du million de btu de gaz naturel à moins de 4 dollars cette semaine sur le marché nord américain doit, selon tous les spécialistes, amener les pays exportateurs à contrôler, dans un avenir prochain, les volumes qu’ils commercialisent en dehors des contrats « take or pay » de longs termes. Personne parmi les grands pays exportateurs de gaz naturel n’est tout à fait prêt à réduire ces « cargaisons libres » immédiatement.
« Il était totalement insensé de soutenir que la réunion d’Oran allait entamer une politique de contrôle de l’offre de gaz sur le marché spot en provenance des Etats membres du FPEG » affirme une autre source de chez Sonatrach, « il aurait fallu pour cela, non seulement être d’accord sur le principe, ce qui était loin d’être le cas, mais aussi avoir mis un mécanisme qui répartit en quelques sortes les quotas d’exportations sur le marché libre. Or ce travail s’il est entamé dans les mois qui viennent prendra plus d’une année ».
LE QATAR VEUT ENCORE GRANDIR AVANT D’AGIR SUR LES PRIX
Une fois de plus le Qatar, 1er exportateur mondial de GNL, lancé dans un plan de développement exorbitant de ses capacités de production, n’entend pas discuter d’un début de sevrage du marché spot du gaz tant que lui-même n’aura pas mis en place toutes ses infrastructures d’exportation. Le Qatar vend plus de 30% de ses exportations sur des marchés libres.
Il est le membre du FPEG qui souffre le plus de la dépression des cours sur ces marchés.
La Russie, peu concernée pour le moment par les « cargaisons libres de contrat » – elle vend plus de 90% de ses exportations dans des contrats de longues durées – s’est montrée aussi prudente sur le mécanisme de contrôle de l’offre à mettre sur les marchés spot.
En réalité, la réunion d’Oran devait, implicitement, servir à mettre les bases de ce mécanisme dans les prochaines années. Ce qu’elle aura peut-être réussi à faire avec l’adoption d’une feuille de route à trois étapes.
En donnant au rendez vous d’Oran un objectif totalement irréaliste le ministre de l’Energie et des Mines Chakib Khelil, a pris le risque totalement inconsidéré d’un repli sans gloire à la fin des travaux .
PAR EL KADI IHSANE