10e FNTP: le rire et la dérision pour des contenus existentiels

10e FNTP: le rire et la dérision pour des contenus existentiels

1b168f161ef49ca10e9b1d2d88f890c6_M.jpgALGER- Dans des spectacles aux contenus à dominante sociale et existentielle, la satire et l’ubuesque, auront été parmi les formes adoptées par le 10e Festival national du théâtre professionnel (Fntp), qui s’achève aujourd’hui après dix jours de compétition.

« Ou zid En’Zidlek »(Et je t’en rajoute si c’est ça que tu veux) de Faouzi Ben Braham du T.R Batna, « Dellali » de Abdelkader Djeriou du T.R Sidi Bel Abbès et « Et’Tahawwoulet » de Mohamed Frimehdi du T.R Souk Ahras ont retenu l’attention usant du rire et de la dérision pour traiter des sujets de société.

D’un autre côté, des choix conceptuels exigeants, alliant principalement le théâtre dialectique à celui de la cruauté dans des formes variées ont traduit des contenus aux thématiques plus philosophiques.

« Nous assistons à l’émergence d’une génération de jeunes artistes qui ont apporté de nouvelles visions au théâtre algérien tant sur le plan conceptuel, scénographique que celui du jeu d’acteur », a estimé le critique de théâtre, Abdenacer Khellaf.

Donnant le meilleur d’elles-mêmes pour exprimer des préoccupations légitimes dans des prestations acceptables, les différentes formations ont axé leur messag sur l’attachement aux valeurs universelles et les idéaux de liberté et de respect de la vie dans son esthétique.

La décadence des pouvoirs politiques, la liberté d’expression, l’identité, les drames sociaux, les droits des femmes, sont autant de sujets abordés sur les planches du Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (Tna) pour alerter sur l’urgence de se pencher sur « nos tares », résument des spectateurs avisés et assidus depuis l’ouverture du festival.

De jeunes metteurs en scène ont apporté d’autres colorations à leurs conceptions, répondant à des choix particuliers, à l’instar de Ahmed El Aggoune dans « Foundoq El Alamayne »(L’hôtel des deux mondes) qui a tenté de saisir un moment intemporel (état comateux) où le sort de l’individu est suspendu entre la vie et la mort.

Dans une conception moderne du théâtre populaire, Samir Bouanani a su tirer la quintessence contenue dans « Et’Teffah »du grand dramaturge Abdelkader Alloula, alors que Lyès Mokrab, auteur et metteur en scène de « Tifi », a savamment rappelé l’identité berbère et la dimension amazighe de l’Algérie.

D’autre part, le 10e Fntp a accueilli une dizaine de spectacles montés sur des réécritures ou des adaptations de textes universels dont  » Ors Ed’Dem » (Noces de sang) de Fredérico Garcia Lorca, mis en scène par Ziani Chérif Ayad et « Ettahaddi »(Etat de siège/la peste) d’Albert Camus, conçu par Abdelhamid Bouhaïek.

Pour leur part, les textes algériens « demeurent insuffisants » et le niveau général des spectacles « assez moyen », de l’avis des critiques présents au festival.

Dans les spectacles hors compétition, Ahmed Belalem, metteur en scène passionné, habitué des grandes oeuvres, récidive après « En’Nihaya »(Fin de partie) du grand dramaturge irlandais Samuel Beckett (1906-1989) présenté au 9ème Fntp, avec « Psychose 90 » adapté de « Psychose 4.48 » de Sarah Kane (1971-1999), auteure à la plume virulente et controversée de son vivant.

Sara Bouregrâa et Imène Belalem, deux jeunes comédiennes époustouflantes, promises à de belles carrières, reviennent, dans « Psychose 90 » sur les souffrances des femmes enlevées et violées par les terroristes dans les années 1990.

Sur une scène nue, « habillée » du seul visage d’une femme peint sur une toile déchirée, les deux femmes, victimes de la forfaiture et de la bestialité qui leur a fait perdre la raison, racontent leur tragédie avec colère et violence, pointant du doigt l’intolérance de la société à leur égard.

Dans ce spectacle, les entrées alternées du personnage de l’infirmier et celui du terroriste ont suggéré tour à tour, l’asile psychiatrique et le « maquis », incitant le public nombreux à la compassion puis à la révolte.

Le psychodrame tirant à sa fin, l’absurdité atteint son paroxysme lorsque le personnage du terroriste abandonne arme et accoutrements pour rejoindre le public et finir sa prestation en spectateur.

« Voilà un spectacle poignant qui mérite amplement sa place parmi les candidats aux trophées (…), le metteur en scène a rappelé à l’assistance l’énormité du drame enduré par la femme algérienne, suite à la folie sans nom qui s’est emparé d’individus », nourris par une idéologie mortifère et dressés contre la société.

Le public algérois a pu apprécier vingt sept spectacles lors du 10e Festival national du théâtre professionnel, ouvert le 24 mai dernier et qui prendra ce soir au TNA.