10E ÉDITION DU FIFOG : Oum dounia sous la loupe

10E ÉDITION DU FIFOG : Oum dounia sous la loupe

Une réception, offerte par le pays hôte du jour, a été donnée aux convives, avant d’apprécier sa cinématographie en présence du réalisateur Mohamed Khan et le grand comédien Khaled Abou Naga.

L’Egypte était à l’honneur vendredi 27 mars à la 10e édition du Festival international de Genève à travers deux longs métrages, lesquels ont été projetés à la salle de cinéma Michel Simon du centre des arts Le Grütli. Le premier intitulé Villa 69, réalisé par Ayten Amin a pour acteur principal le tombeur de ces dames, Khaled Abou Naga qui, pour le besoin du rôle s’est encore métamorphosé prouvant son côté cent pour cent caméléon. Dans ce film sorti en 2013, Khaled interprète le rôle d’un homme de 62 ans, à la retraite, condamné par la maladie mais qui tente de poursuivre son travail d’architecte en restant à la maison. Villa 69 est la dernière maison de la rue, témoin de la douceur de vivre d’autrefois. Hussein El-Gallad, designer campé par Khaled Abou Naga, y est né et y a vécu toute sa vie.

Apprenant sa maladie sa soeur aînée Nadra vient s’occuper de lui. Elle est accompagnée de son petit-fils et sa femme de chambre ainsi que son chauffeur. Leur arrivée à la maison va bousculer le quotidien de Hussein et provoquer quelques soucis dans sa vie au plutôt déstabiliser ses habitudes. Cet homme vieux mais au charme indéniable a des amis bizarres qui viennent le voir. Il est aussi entouré d’une jeune charmante demoiselle, fille d’un ancien camarade de fac à lui. Petit à petit, cet homme aigri va commencer à s’intéresser aux autres, à commencer par le neveu. Khaled Abou Naga crève l’écran dans ce film, dont il dit avoir rejoint le casting à peine deux semaines avant le tournage. Il a été convaincu par le réalisateur qui lui a parlé de cette maison sur le point d’être détruite. Ce film l’a sauvée donc. «Mon défi dans ce film ne consistait pas à me vieillir, mais à me sentir utile car le message dans cette histoire est qu’on ne peut se sentir heureux et vivant que lorsqu’on se sent utile. Dans le cinéma contemporain, j’aime explorer de nouveaux genres et avoir cette opportunité et cette liberté de tout aborder et faire…»

Si l’histoire a des relents de feuilleton télé, l’image bien léchée et le rythme de narration du film le rendent beau et attachant. Et l’on se surprend en effet à suivre cet homme dans son parcours du combattant marqué de moments de joie et d’autres de décrépitude. Le film qui suivra illustre à la perfection la thématique de la 10e édition du Festival international du film oriental de Genève. Il s’agit de la femme et l’amour. A Genève, le grand réalisateur égyptien Mohamed Khan y est venu présenter son 24ème film. Factory girl a pour cadre une usine de textiles féminins en pleine période de soulèvement du printemps arabe. Hiyam 21 ans est obnubilée par son patron. Alors qu’il est hospitalisé, elle s’occupera de lui en fréquentant sa maison. Elle fera connaissance avec sa soeur et sa mère qui la considèrent comme une pauvre fille. Ainsi, la lutte des classes sociales est bien apparente dans ce film, où beaucoup de femmes sont obligées de trimer pour survivre et gagner leur vie en attendant le prince charmant, tandis que les hommes sont montrés souvent comme des brutes et sans coeur. Un jour, un test de grossesse est découvert dans les locaux de l’usine. Hyam est montrée du doigt. Elle est la cible idéale de facto.

Tout le monde l’accuse d’avoir commis l’irréparable péché. Hiyam décide de ne pas se défendre. Elle est rejetée par sa famille. Son patron est persuadé qu’elle veut lui porter le chapeau pour le menacer et finir par l’épouser jusqu’au jour où la vérité finit par éclater: Hiyam est toujours vierge. Le jour du mariage de son patron, la jeune femme, après qu’on ait coupé ses cheveux sous la torture, part assister au mariage et se met à danser dévoilée, devant une assistance féminine médusée mais fort impressionnée. Alors que cette histoire rocambolesque se joue sous nos yeux, des cris de manifestants émanent dans la rue scandant: «La femme est la voix de la révolution.»

Féministe comme film? Sans doute. A la question posée au réalisateur sur le mauvais caractère attribué à tous les hommes, le cinéaste répondra: «Je suis le seul homme bon dans cette affaire» et de rajouter à propos de cette scène fort symbolique de la danse: «Pour moi c’est l’instant de libération de cette jeune fille. Sa force réside d’ailleurs dans son silence assumé. Si elle s’était mise à se défendre elle se serait rabaissée à mes yeux…» a-t-il estimé. Si le film fort courageux au demeurant a suscité bien des réactions parmi le public genevois, reste qu’il demeure encore attaché à quelques clichés liés à la société égyptienne conservatrice, même s’il ose aborder des sujets bien audacieux en s’attaquant à des tabous pour les casser. Le côté fleur bleu y est fort déposé, via ses plages musicales qui aspirent encore au romantisme du cinéma classique d’antan et dont ce film en est encore imprégné, du moins par quelques effluves de son parfum et son lyrisme cinématographique assurément. Il y a de la naïveté, de la tendresse mais cependant beaucoup de violence traitée parfois crûment, qui prend à bras-le-corps le réel malaise socioculturel de cette société près de l’explosion. Un film qui mérite d’exister. Gageons qu’il sera vu à la prochaine édition du Fofa, si le comité de sélection trouve «utile» de le montrer…