L’Algérie, qui fait face à la sismicité de son sol, s’est dotée de règles parasismiques dans la réalisation des constructions, qu’elles soient destinées à l’habitation collective, individuelle ou concernant des institutions ou d’ouvrages d’art.
Tous les dix ans, ces règles sont revues et corrigées en fonction de l’avancée de la recherche dans le domaine du parasismique et la découverte de nouveaux procédés de construction. Le 10 octobre 2010, une rencontre nationale sur la révision des règles parasismiques a été organisée par le ministère de l’Habitat. Ce dernier veille régulièrement à la révision et l’actualisation de ces règles.
Ainsi, il a été procédé, à cinq reprises, à la révision de règles algériennes de construction parasismique (en 1981, 1983, 1988, 1999 et 2003), modifiant et enrichissant certaines prescriptions aux règles liées à l’étude du sol et l’implantation des ouvrages, les critères de classification, le calcul de la force sismique et les structures en béton armé, rappelant que la forme actuelle, puisée des règles parasismiques de 1999, complétées, dans le cadre de la dernière révision, de 2003, constitue la mouture la plus adéquate et la plus indiquée, à ce jour, pour réduire les risques parasismiques.
Le Pr Djillali Benouar, enseignant-chercheur en génie parasismique à l’Université des sciences et de la technologie Houari-Boumediene (USTHB) a indiqué que « le non-respect des normes parasismiques dans les constructions sont à l’origine des dégâts occasionnés par les secousses telluriques ». Il va plus loin dans son constat en affirmant que « la situation d´encombrement qui caractérise nos routes risque de causer la mort de centaines de citoyens en cas de séisme à Alger ou dans une autre wilaya du pays ».
Car, en raison de ces encombrements, « les couloirs réservés aux urgences sont souvent squattés », a déploré le Pr Benouar. Si les normes parasismiques sont observées et respectées par les organismes publics dans la construction, la résistance des ouvrages d’art et des immeubles lors des précédents séismes en est la preuve irréfutable, ces règles sont néanmoins bafouées par certains particuliers. A ce sujet, Hamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (CNEA), estime que « si la loi 04-05 de septembre 2004 rendant obligatoire l’étude de génie civil avant de construire pour l’obtention du permis de construire, l’absence d’obligation de l’étude du sol pèse de tout son poids sur la sécurisation d’une construction et les dépassements resteront légion ».
Plus important pour M. Boudaoud, « le non-suivi et l’absence de contrôle laissent l’usager apporter des transformations qui mettront en péril la construction lors d’un tremblement de terre. Que de fois avons-nous vu des bâtisses, initialement avec un plan établi par un architecte, se transformer au cours de la mise en application de ce plan, avec le rajout d’étages », a-t-il expliqué. A ce titre, M. Boudaoud propose l’implication des architectes. « L’étude des projets est élaborée par un architecte, mais le suivi des travaux et de tout le processus ne lui est pas confié.
Alors chacun construit à sa guise. Pourtant l’architecte est censé être une aiguille entre l’administration et l’usager et si ce dernier déraille, l’architecte est là pour le rappeler à l’ordre », a-t il précisé. Notre interlocuteur préconise également l’implication des banques, qui accordent les crédits, pour le suivi des réalisations et le respect des plans. Le président du CNEA avoue que « le gâchis observé dans le non-respect des normes et des plans établis dans les constructions individuelles est étroitement lié à la suppression du corps des gardes-champêtres ou de la police urbaine communale ».
Comme il préconise la mise en place « d’un directeur technique au niveau des communes ayant une expérience dans le bâtiment d’au moins cinq ans ». Lors du séisme de 2003 ayant touché les wilayas du centre du pays, des immeubles sont tombés comme des châteaux de cartes, à l’image du bâtiment de 10 étages de Réghaia, suite à des transformations effectuées à la base de l’immeuble qui ont touché la structure. D’après notre interlocuteur, « dans une copropriété, le copropriétaire est maître à bord à l’intérieur de son appartement. Mais il ne doit en aucun cas toucher à la structure, la canalisation ou transformer l’emplacement des sanitaires. La loi est claire. Il ne doit pas toucher à la façade ou l’extérieur de la copropriété ou y changer la peinture.
Les seules modifications dont nous entendons parler se limitent aux parties privatives. Pourtant, l’article 73 de la loi 90-29 stipule que le wali, le P/APC ou les agents assermentés doivent exiger du copropriétaire procédant à des transformations, des plans et des décisions de la l’APC. Mais sur le terrain, on n’a jamais vu l’autorité concernée prendre de telles mesures, laissant ainsi le champ libre à tous types de dépassements », dira-t-il avant de signaler qu’« en matière de textes de loi, nous en sommes dotés des meilleurs, mais leur application fait cruellement défaut ». Souhila Habib