Les Algériens n’assurent pas leurs habitations. Sur 9 millions de logements, 10% uniquement sont assurés. Les raisons : déficit de communication de la part des sociétés d’assurance, pouvoir d’achat peu ample des ménages, manque de culture d’assurance chez le citoyen, absence de sensibilisation des assureurs, entre autres.
Les solutions : Primo: mettre en place un système de motivation du personnel des agences d’assurance.
Secundo: consacrer un budget publicitaire d’information conséquent. Tertio: il faut que les compagnies d’assurance ou du moins les responsables aient une vision du marché par rapport à cette question «capitale»
Le chiffre d’affaires global, pour les neuf premiers mois de l’année 2010, est de 59 milliards de dinars. Grosse p e r f o r m a n c e pour le secteur des assurances. Il y a de quoi se réjouir du côté des assureurs. Les affaires sont au mieux. Pas tellement : la branche multirisque habitation (MH) ne suit pas la cadence.
Avec pas plus de 5% du chiffre d’affaire global, celle-ci constitue le maillon faible. Alors que la branche automobile, ne serait-ce qu’à titre de comparaison, représente à elle seule près de 50% du chiffre d’affaires du secteur. Questions : pourquoi les Algériens n’assurent pas leurs logements ? Les assureurs investissent- ils vraiment dans ce créneau ? Où se situe le blocage réellement ? Que dit la loi ? Les avis sont partagés. Chacun y va de son explication afin de mettre en relief sa vison des choses.
CITOYENS : IGNORANCE OU IRRESPONSABILITÉ ?
Constat : Certains citoyens ne savent pas qu’une assurance habitation existe ; une loi qui prend en charge et dans le contenant et le contenu leur logement. D’autres, les plus informés, le savent sans pour autant connaitre et les modalités à suivre et le prix appliqué. En un mot, c’est le black-out. «Sincèrement, je ne me suis jamais intéressé à ce type d’assurance.
Le peu que je sais est qu’il existe une formule qui protège les biens des particuliers, sans plus. Dire que je connais les procédures à suivre, ce serait vous mentir: «j’ignore cette assurance».
Celui-ci n’est pas le seul à méconnaitre l’assurance habitation… Alger Centre, plus exactement la Rue Didouche, un quadragénaire, père de famille qui s’apprête à attaquer une bonne semaine de travail, avouera: «pour tout dire, je n’ai pas pensé, un jour, à assurer mon logement.
Cette idée ne m’est jamais venue», dira-t-il. Chez les jeunes, c’est le même constat : «je ne sais pas si cheikh (allusion faite à son père), a assuré notre maison. Sinon moi, je ne suis pas du tout au courant», fera-t-il savoir. Et d’ajouter : «je ne savais même pas que l’assurance habitation existe. En tout cas, je ne me suis jamais acquitté des frais de quoi que ce soit, donc j’ignore et la nature et les coûts.
Il faut dire qu’aucune compagnie d’assurance, sans exception aucune, ne nous a recommandé ce type d’assurance.» Quant à la question de savoir pourquoi ne sont-ils pas au courant de cette assurance, la réponse ne s’est pas faite attendre : C’est la faute aux assureurs. Ceux-ci, à leurs dires, ne s’intéressent qu’au créneau automobile. «Les seuls organismes censés nous informer sont les compagnies d’assurance. Or il se trouve que ces dernières ne font rien pour nous sensibiliser.
Elles s’intéressent peu à cette branche.», soutient un autre citoyen, non sans exprimer un profond étonnement quand il se rendait compte que son prix ne dépasse pas les 3 000 dinars annuellement, soit 8 dinars par jour. Va-t-il, maintenant s’assurer ? Une expression vague se lisait dans ses yeux comme s’il fouillait du regard les coins et les recoins de sa mémoire, il dira, le sourire aux lèvres, le regard vif: «rien n’est sûr».
COMPAGNIES D’ASSURANCE, UN MAILLON FAIBLE NOMMÉ SENSIBILISATION
Le collège algérien des experts architectes (Cnea) est catégorique : les compagnies d’assurance ne jouent pas leur rôle de sensibilisation quant à l’importance de l’assurance habitation. Abdelmalek Benlaribi, chef de division de marketing au niveau de la SAA, avoue : Le personnel des assurances, faute de motivation, n’accorde pas l’importance requise à cette question capitale. S’agit-il, alors, d’une question relative avant tout à l’aspect lucratif de la société ?
Non, réfute le responsable de la SAA. Et ce, pour une raison toute simple : les assurances se caractérisent par un aspect mutualiste ; un produit peut être déficitaire mais largement compensé par d’autres branches. Un autre argument et non des moindres : les catastrophes naturelles, et cela, il faut le savoir, la grande partie, sinon la majorité des contrats d’assurance réalisés, donc du capital assuré, est bel et bien réassurée au niveau du marché international.
Autrement dit, le risque à gérer est placé en réassurance au niveau international. Ce qui veut dire qu’au fond, l’aspect lucratif de la branche, argument avancé par certains assureurs, ne se pose pas. Un avis que ne partage pas Bachir Hanine, cadre technique au niveau de la société Alliance assurance. Celui-ci soutient, mordicus, que le désintéressement des assurances à cette formule est motivé par le seul souci : le profit.
Cependant, Abdelmalek Benlaribi ne voulait plus croire à la thèse selon laquelle les citoyens ignorent l’existence de cette assurance, encore moins celle conçue contre les risques majeurs. «Ne me dis surtout pas qu’un particulier ignore l’existence d’une assurance qui le protège et protège son bien immobilier? Tous ceux qui prônent ce langage sont à cataloguer aux rangs des fuyants.
Ce sont des gens que ne veulent pas s’assurer », a-t-il martelé. Et ce n’est pas sans raisons. «Nous avons fait des colloques, nous avons organisé des conférences pour sensibiliser les citoyens sur les risques majeurs à l’image du tremblement de terre omniprésent chez nous. Nous avons un contrat d’assurance en bonne et du forme mais force est de constater que les gens continuent de ne pas s’assurer», arguera-t-il.
En outre, un travail colossal est en train de se faire au niveau des compagnies afin d’augmenter le nombre des points de vente. Aujourd’hui au niveau national «nous ne sommes pas loin de 1 500 points de vente pour toutes les compagnies. Rien que pour la SAA, nous n’avons pas moins de 500 espaces de vente», soulignera- t-il. Il a été, également, concédé à des rabais en ce qui concerne les tarifs.
Ces derniers sont déterminés en fonction de trois facteurs : niveau du pouvoir d’achat du consommateur, manque de culture d’assurance en Algérie et enfin, les possibilités de placement du produit en réassurant. Résultats des courses : Une personne possédant un appartement évalué à 5 millions de dinars ne payera pas plus de 3 000 dinars annuellement à tout casser de prime d’assurance.
Quid, maintenant, des délais d’indemnisation ? Notre interlocuteur répond : pour ce qui est des inondations, le vol ainsi que les petits incendies, les délais de remboursement ne dépassent pas les 4 mois. Précisons, en revanche, ces derniers (délais) sont tributaires de l’importance des dommages causés. Il y a ceux qui nécessitent de longs travaux d’expertise; donc l’indemnisation ne serait que longue, 6 mois, voire une année.
Mais voilà, en dépit de ces avantages, constate le chef de division marketing de la SAA, des gens, «malheureusement», ne veulent toujours pas assurer leurs biens. Il expliquera, pour mieux convaincre : «Après les inondations de Bab El-Oued, nous avons contacté presque la totalité des commerçants pour les sensibiliser sur l’utilité de cette assurance.
Nous avons même proposé des conventions globales à l’Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) avec en prime, des réductions importantes, mais en vain : la majorité d’entre eux continuent à ne pas être assurés», dira-t-il. La solution est-elle un changement dans la législation ? Les avis sont également partagés sur ce registre.
Si le chef de bureau marketing de la SAA trouve inutile la mise en oeuvre de cette loi, il n’en n’est pas de même pour un autre cadre de la même société qui estime que l’idéal serait de promulguer une loi qui oblige la multirisque habitation aux citoyens pour peu que celle-ci soit appliquée uniquement sur les nouvelles bâtisses. Une telle proposition rejetée et dans le fond et dans la forme par le directeur des risques simples au sein d’Alliance assurance, Abdelhakim Sellidj.
Celui-ci indiquera que l’assurance habitation doit être facultative. Pour sa part, le secrétaire général du Conseil national des assurances (CNA), Abdelhakim Benbouabdellah indiquera que le caractère obligatoire n’est pas forcément le meilleur.
Et l’exemple le plus édifiants, selon lui, est la CAT-NAT qui en dépit de l’existence d’une loi, les résultats sont toujours insignifiants. Selon lui, la meilleure solution est d’aller vers un rapprochement entre assureur et assuré par le bais d’organisation de portes ouvertes ainsi que par la mise en place d’une communication très précise.
À qui la faute ? C’est l’avis du responsable division marketing de la Société nationale d’assurance, Abdelmalek Benlaribi. Celui-ci soutient, à cor et à cri, que la responsabilité incombe à la fois aux citoyens et aux assureurs : les compagnies d’assurances doivent multiplier sans cesse et sans repit les efforts en matière d’information et de sensibilisation à l’égard des personnes assurables. Les citoyens, quant à eux, doivent se réveiller pour comprendre l’utilité d’une assurance ; un aspect fondamental sur lequel il faut mettre le paquet.
Pour lui, le contrat d’assurance est avant tout un contrat de droit, un véritable garant en cas de dommage. «Il ne faut jamais dire que l’assurance est chère. Payer une somme de 3 000DA annuellement pour un logement coûtant 5 millions de dinars c’est vraiment un taux raisonnable pour ne pas dire minime. »
Actuellement, les performances des compagnies sans exception aucune dans cette branche sont on ne peut plus faible: Rien que pour la SAA, détentrice de 40% du marché national, le nombre des contrats multirisque habitation pour l’année 2009 ne dépasse pas les 32 000 et pas moins de 145 000 contrats concernant la CAT-NAT. Au niveau national, toutes compagnies confondues, les chiffres sont : 450 000 contrats pour la CAT-NAT et 100 000 pour la multirisque habitation, et ce, pour un potentiel assurable de 6 millions d’habitations.
Devant cette situation, la question qui se pose est de savoir quelles sont les mesures à entreprendre à même de booster, cahin-caha, cette branche non sans constituer un maillon faible du chiffre global du secteur. Et là , les assureurs, du moins ceux interrogés préconisent: la mise en place des mécanismes de motivation pour encourager un tant soit peu le personnel des agences d’assurance à sensibiliser les citoyens sur l’utilité de cette assurance.
Comment ? Eh bien à travers entre autres, la révision de l’actuel système de rémunération. Comme il est question de mettre en oeuvre une batterie de mesures. Primo: mettre en place un système de motivation du personnel des agences d’assurance. Secundo: Consacrer un budget publicitaire d’information conséquent.
Tertio: il faut que les compagnies d’assurance ou du moins les responsables aient une vision du marché par rapport à cette question «capitale». Sinon, le constat, aujourd’hui est peu ample : les gens ne sont pas en train d’assurer leurs logements. La faute incombe à la fois aux assureurs et aux citoyens : les premiers pour des raisons de manque à gagner et absence de motivation du personnel n’investissent pas suffisamment dans cette formule.
Les citoyens, à défaut de culture d’assurance et un pouvoir d’achat faible, continuent de fuir les compagnies d’assurance. Mais là jusqu’à quand ce jeu de «cachecache » va encore persister …n’y-a-t-il pas feu en la demeure ? Le feu…une autre garantie couverte par les sociétés d’assurance.
Amokrane Hamiche