10 questions autour de la mise en examen de Nicolas Sarkozy

10 questions autour de la mise en examen de Nicolas Sarkozy

Que risque l’ancien président de la République ? Quels sont ses moyens d’actions ? Quelle différence y a-t-il entre «corruption» et «trafic d’influence»? Eléments de réponses avec Céline Parisot, juge d’application des peines et secrétaire nationale à l’Union syndicale des magistrats.

Dans la nuit de mardi à mercredi, après 18 heures de garde à vue, Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour «corruption active», «trafic d’influence» et «recel de violation du secret professionnel». Quelques heures auparavant, son avocat, Me Thierry Herzog, et un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, avaient eux aussi été mis en examen.

Pourquoi l’ancien chef de l’Etat a-t-il été mis en examen?

Ce statut, qui ne présume pas de la culpabilité de Nicolas Sarkozy, est décidé quand le juge estime qu’il existe «des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles (les personnes impliquées NDLR) aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi».

Nicolas Sarkozy a été mis en examen «sans contrôle judiciaire». Doit-il rendre des comptes à la justice? «Il doit se tenir à disposition du juge pour répondre aux éventuelles convocations, répond au Figaro Céline Parisot, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats. Mais il peut se déplacer librement, il n’a pas de contraintes particulières».

Combien de temps peut durer cette mise en examen?

La mis en examen dure le temps de l’instruction. Cette phase est plus ou moins longue et s’étend en moyenne sur un an et demi. A la fin de l’instruction, le prévenu peut bénéficier d’une ordonnance de nullité ou être renvoyé, en l’occurrence, devant le tribunal correctionnel. Pourquoi l’ancien président de la République a été mis en examen pour «corruption active», «trafic d’influence actif» et «recel de violation du secret professionnel»?

D’après le scénario retenu par les juges: le magistrat à la Cour de cassation Gilbert Azibert, a fourni des informations à Nicolas Sarkozy sur l’affaire Bettencourt en violant le secret professionnel. Le magistrat souhaitait obtenir un appui de l’ancien président de la République afin de décrocher un poste en principauté de Monaco. Il est perçu comme le corrompu et mis en examen pour corruption passive. L’avocat Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy sont, eux, les corrupteurs et donc mis en examen pour corruption active et trafic d’influence actif.

Que risque-t-il?

Ces deux délits relèvent du droit pénal et sont punis de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1.000.000 d’euros, selon l’article 433-1. Quant à la violation du secret professionnel, le magistrat risque 1 an de prison et 15.000 euros d’amende, selon l’article 226-13 du code pénal. La sanction est encore plus lourde pour celui qui détient une information relevant du secret de l’instruction. Il encourt jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, selon l’article 321-1 du code pénal.

Quelle est la différence entre la corruption et le trafic d’influence?

La corruption, «c’est le fait de proposer des dons, des promesses, de l’argent à quelqu’un pour qu’il fasse quelque chose relevant directement de sa mission, explique Céline Parisot. Par exemple: demander à un gendarme de ne pas rédiger de PV». Le trafic d’influence, «c’est le fait de rémunérer quelqu’un pour qu’il abuse de son influence en vue d’obtenir quelque chose, précise la magistrate. Par exemple: payer un gendarme pour qu’il demande à sa hiérarchie de faire annuler un PV». Et peu importe que le trafic d’influence ait fonctionné ou non. «Ce qui est punissable, c’est l’intention, pas le résultat», ajoute Céline Parisot.

Quelle est la différence entre le trafic d’influence actif et passif?

Dans le cas du trafic d’influence actif, la personne est à l’origine de la démarche. Alors que dans le cas du trafic d’influence passif, elle n’en est pas à l’initiative mais est sollicitée et l’accepte. Autre explication: quand il s’agit de rémunération, la personne qui rémunère est dite «active» et celle qui reçoit, «passive».

Quels sont les moyens d’action de Nicolas Sarkozy?

Comme toute personne mise en examen, l’ancien chef de l’Etat est présumé innocent et «peut formuler une requête en annulation s’il estime que sa mise en examen intervient tardivement ou que le juge ne dispose pas d’indices graves et concordants», rappelle Céline Parisot, juge d’application des peines.

Nicolas Sarkozy peut-il contester les écoutes?

Il peut demander l’annulation des écoutes et devrait le faire. L’avocat de Me Herzog l’annonçait ce matin sur Europe 1. «Ces écoutes sont illégales», a déclaré Me Iweins. Ce sera alors à la Chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris de statuer. Le juge regardera si les écoutes ont été légalement versées au dossier. Il pourra faire valoir le fait que ces écoutes ont été commandées dans le cadre d’une autre affaire et ne peuvent pas permettre d’ouvrir une nouvelle enquête. Une «pratique pourtant courante», selon la magistrate Parisot. «Dans une affaire de trafic de stupéfiants, il arrive que des personnes mises sur écoutes nous apprennent qu’un casse va avoir lieu. Ces informations sont bien entendu utilisées».

Et si ces écoutes étaient illégales?

Elles seraient retirées du dossier, ce qui peut faire tomber les mises en examen. «Mais il faut rappeler qu’il y a eu plusieurs perquisitions en mars et que les juges ont dû réunir des indices graves et concordants pour mettre en examen. Je doute qu’il n’y ait que des écoutes dans ce dossier», commente Céline Parisot.