Vacances d’été 2014 du côté de Boumerdès : «Dellys, la bien-nommée»

Vacances d’été 2014 du côté de Boumerdès : «Dellys, la bien-nommée»

dellys.jpg«Le vent d’est apporte la fraîcheur. Le paysage, la gaîté dans les cœurs. Les jardins, leurs multitudes fleurs. Dellys, tu incites au bonheur. Tes vestiges, tes forêts, tes plages, tes arbres, tes pierres, ton rivage. Tes mouettes au beau plumage. Dellys, tu es belle et sage.» C’est le titre et quelques vers composés, en 1967, par Dda Chabane Amoura, photographe, à l’ancienne, installé depuis toujours à Dellys.

Il y a tant de choses à voir et à faire, mais ce n’est pas le grand rush des touristes 

A l’entame, samedi, de notre périple à travers des localités de la wilaya de Boumerdès pouvant être des destinations des vacanciers version 2014, nous avons commencé notre virée par Dellys, 70 km à l’est de la ville de Boumerdès.

En dépit de la forte chaleur, ce n’est pas le grand rush des estivants. C’est quasiment la déception aussi bien chez les deux professionnels que nous avons rencontrés que chez les citoyens de l’ancienne cité fondée par les Carthaginois. Et pourtant, le cadre s’y prête et ce n’est pas Ali Griga venu en famille de Ghardaïa qui dira le contraire. «Je vous assure que j’ai trouvé l’hospitalité extraordinaire chez les gens que j’ai rencontrés, que ce soit mes voisins de la cité où je suis installé ou en ville», nous a-il-confié lors de notre rencontre, fortuite, chez le libraire Mohamed Laleg qui est également le président de l’association Casbah de Dellys.

M. Griga, enseignant dans la vallée du M’zab, s’est vu prêter un appartement, pour quelques jours, par ses amis dellyssois. Justement l’un de ses amis lui montrait la ville et lui présentait les quelques personnes connues. Un citoyen de Dellys, sans le connaître, l’a également invité à le rejoindre au champ pour participer à la cueillette des figues.

Pour l’enseignant de Ghardaïa, le premier critère pour passer des vacances paisibles est la sécurité. En la matière, toutes les personnes de la ville avec qui nous avons discuté l’attestent ; la situation s’est énormément améliorée. Pour notre part, nous pensons il n’y pas plus de risques à Dellys que dans n’importe quelle autre ville algérienne.

Rencontré aux Salines, l’une des plages de l’est de Dellys, Abdelwahab Larbès, artisan, est descendu de Boghni, en Haute- Kabylie pour dire tout le bien qu’il pense de Dellys. «D’habitude, je partais à Tigzirt, mais depuis que j’ai découvert cette région, j’y reviens régulièrement en famille. Ici, les gens sont calmes. Nous sommes stationnés dans un parking aménagé par la commune d’Afir et personne ne l’a squatté pour racketter les automobilistes.

Les loueurs de parasols et accessoires de plages n’ont pas aussi squatté le sable. De plus ils cèdent les équipements de plage à des prix raisonnables», nous dira-t-il lorsque nous l’avons rencontré, à la plage, au siège de l’association Nautilus Dellys du président Hakim Laleg. Il était de passage pour s’enquérir sur la possibilité de prendre, avec ses amis de Boghni, des cours de plongée sous-marine au sein de cette association qui s’occupe de la plongée pour accomplir des actions de recherche de vestiges et de protection écologique.

Samedi, il faisait une chaleur d’enfer et les citoyens circulaient dans un espace unique – la RN24 – qui est également l’unique grande avenue qui traverse la ville construite par un général carthaginois, dit-on, au pied du mont Assouaff, là où la montagne et la mer s’étreignent. Les cafés, où on discute à la manière de l’Algérois du terroir sont pleins.

Les jeunes, en sueur, qui font office de garçons de café tentent de répondre à toutes les commandes. La circulation sur la grande artère est pénible. Les barrages dressés par la police et la fermeture de certaines artères secondaires, pour des raisons sécuritaires, déplorent certains dellyssois, la rendent plus compliquée.Et pourtant personne ne s’énerve. L’ancienne Tidelésest est paisible. Il se dégage une sérénité voire un aspect d’insouciance parmi la foule.

A Dellys, on rencontre des gens simples et attachants, comme les frères Laleg, Mohamed et Hakim, très actifs au sein du monde associatif, Dda Chabane Amoura, photographe à l’ancienne qui vous chantera des louanges à cours de vers de sa composition en l’honneur de Dellys, Hamid Adjali, vendeur d’articles de l’artisanat local qui est l’une des rares vitrines des familles dellyssoises toujours attachées à la production d’articles de vannerie, Illoul Mohamed, jeune gérant de l’agence de voyage locale qui croit dur comme fer à l’avenir touristique de Dellys, Ahmed Ouchaou le propriétaire de l’unique infrastructure touristique de la localité – un motel de 70 lits récemment inauguré par la ministre du Tourisme Nouria Zerhouni et qui accueille déjà un couple finlandais, des Espagnols et des Turcs en vacances en Algérie, Kamel Mokrani qui s’est lancé dans le projet de construction d’un complexe touristique de 60 bungalows ainsi qu’une piscine, une salle de conférences, des aires de jeux et autres équipements versés à la détente et aux vacances.

A la sortie ouest de la ville, on ne peut que marquer une halte en haut de la falaise de Tala Oualdoune. Dans un cadre idyllique avec vue sur la mer, Dda Saïd Kouffi veillera personnellement à ce que l’on vous serve du poisson frais. Toutes ces personnes aiment leur ville et veillent à ce que les choses avancent dans le bon sens.

A Dellys, il y a tant de personnes à rencontrer comme les anciens qui vous parleront durant des heures sur les us et les coutumes locales, sur la contribution de leurs aïeux à la construction de La Casbah d’Alger… Ils vous expliqueront pourquoi ils aiment tant le MCA alors que Dellys est sur le territoire naturel de la JSK. Ils ne manqueront pas de vous citer tout de même les noms des grandes familles de Tizi-Ouzou, d’Azzefoun et de Dellys qui se sont associées pour fonder les deux équipes.

Dans cette ville longtemps martyrisée, il y a tant de choses à découvrir, d’endroits à visiter comme la Casbah ou du moins ce qu’il en reste, le très vieux port, l’ancien phare ou monter à Assouaf pour admirer de quelques centaines de mètres d’altitude Dellys, les montagnes de Mizrana et peut-être apercevoir Tigzirt. La mer Méditerranée étale toute sa beauté devant le regard.

En cours de route vers ce sommet d’Assouaf on peut s’arrêter pour se désaltérer à une source avec une eau vraiment fraîche. Pourquoi cette tranquillité, cette mer aux eaux limpides, ces montagnes verdoyantes et ces vestiges historiques n’attirent-ils pas grand monde ? Mis à part des baigneurs qui viennent généralement des environs de Dellys ou de Haute-Kabylie pour une journée il n’y a pas de tourisme dans sa définition moderne c’est-à-dire le tourisme qui emploie des gens de cette région et qui crée la richesse. A part quelques familles d’Alger qui gardent des liens avec des familles autochtones pourquoi y a-t-il absence d’autres familles qui prennent la destination de Dellys pour de séjours de plusieurs jours ? Pourquoi les propriétaires de logements se méfient de la location saisonnière d’autant plus que la filière pourrait être juteuse ?

Construire les murs et détruire les préjugés 

Nos vis-à-vis invoquent moult raisons pour justifier ce déficit. Il y a le manque total d’infrastructures touristiques. Ce qui est vrai. Les deux ZEST (zones d’expansion de sites touristiques) totalisant 300 hectares sont quasiment vierges.

En ville, les anciennes infrastructures comme Beau Rivage sont en ruine. La seule infrastructure digne de ce nom est le motel cité plus haut. Arezki Kouffi est le gérant du seul restaurant qui pourrait être listé dans le secteur du tourisme dans cette commune de plus de 33 000 habitants dont environ 70% occupent les zones urbaines. En la matière, depuis l’arrivée de Kamel Abbès à la tête de la wilaya suivi de Nor Zoulim à la direction du tourisme de la wilaya les choses commencent à bouger.

Il y a des projets en cours à l’instar de celui lancé aux Salines – le palais des Emirs – à quelques mètres du rivage et qui sera ouvert en juillet 2015 comme s’est engagé le promoteur auprès de la ministre. M. Mokrani lancera bientôt le sien et promet, si on lui rajoutait une superficie, de le faire plus grand. L’ouverture de la maison de l’artisanat donnera certainement un nouveau souffle à l’artisanat local basé sur le travail de la vannerie. Cette maison encouragera plus de familles à s’investir dans le secteur. L’aménagement du vieux port en site touristique est de nature à encourager des visiteurs dans la ville. Sur ce point, la corporation des pêcheurs a son rôle à jouer pour, d’une part, améliorer ses revenus et, d’autre part, encourager les activités de nature touristiques. Les sorties en mer de citoyens avides de bonnes sensations est source de revenus.

La mise en valeur des ressources aquatiques capturées est un créneau rentable s’il est pris en charge par une corporation de restaurateurs qualifiés. L’absence d’activités socioculturelles est une autre plaie que dénoncent les Dellyssois. Certes, la municipalité enclavée n’a pas les revenus qu’ont les villes des plaines du centre et de l’ouest de la wilaya, mais n’innove pas pour rendre la ville attractive.

L’amélioration de la circulation automobile est une tâche d’une extrême urgence. Est-ce que le snobisme des Dellyssois n’est pas un facteur qui éloigne des Algériens de cette ville ? Sur ce point les avis divergent. «Oui. Il y a ce regard des autres. Effectivement, les Dellyssois qui se considèrent comme des citadins de souche deviennent des conservateurs recroquevillés sur eux-mêmes», nous confiera un homme établi dans la ville depuis des décennies et qui occupe une position sociale lui permettant d’observer les entrailles de la société dellyssoise. Par contre les Dellyssois que nous avons eu le plaisir de côtoyer en diverses occasions, professionnelles notamment, rejettent cette étiquette qu’on leur colle.

«Nous sommes ouverts et modernes et notre hospitalité est reconnue de tous», disent-ils sans aucune animosité. Les jeunes de Dellys majoritairement acquis au développement de leur commune qui passera nécessairement par l’essor du tourisme, le monde associatif et la société politique locale, n’ont pas une tâche aisée pour détruire tous les préjugés qui colle à cette région combien agréable. Et pour alourdir leur travail d’explication, ils doivent lutter contre cette fausse vérité qui fait d’eux des soutiens aux terroristes islamistes. Or, il n’y a pas plus d’activités de cette mouvance insurrectionnelle à Dellys que dans une autre localité de la wilaya.

Cette mauvaise presse au sujet du terrorisme, les jeunes de la ville l’imputent à certains qui ignorent tout de leur cité.

A titre d’exemple l’un d’eux note : «Des actes criminels se sont déroulés à Zemmouri et certains journalistes rappellent que cette dernière ville est située près de Dellys. Or, vous connaissez notre région et vous savez que plus de 40 km séparent les deux localités.» Ce qu’il assène n’est pas erroné.

Abachi L.