Algérie : Petit conte de la révolution touristique

Algérie : Petit conte de la révolution touristique

Fin juillet soit à un mois près de l’Aid Al Adha et du début de la basse saison touristique, le rush des touristes algériens en Tunisie bat son plein. Chaque jour, les passages frontaliers voient traverser des milliers de véhicules avec eux, des milliers de familles venues de la capitale, de la zone frontalière voire de l’extrême Ouest algérien. Et on les reconnait à leurs matricules.

Voici donc venue la saison tant attendue en Tunisie et le flux touristique est jusque-là satisfaisant. Comme chaque année, les Algériens sont au rendez-vous, la Tunisie étant leur destination touristique phare par choix ou par obligation.

Et par obligation nous entendons la fermeture des frontières marocaines, par choix des politiques. Un énorme gâchis pour beaucoup d’Algériens qui voudraient découvrir le pays voisin. Les plus chanceux y vont par avion, les autres se contentent de critiquer la volonté des gouvernements qui a aspiré celle des peuples…

Mais qu’on se le dise, cela n’a rien d’extraordinaire chez nous ; ceux qui nous ont gouverné ( de manière légitime ou par la force des choses) nous ont fait comprendre que notre volonté et la leur sont deux lignes parallèles qui ne se croiseront jamais.

La Boétie nous avait pourtant appris dans Le Discours de la Servitude Volontaire que la volonté d’un peuple devrait de loin, dominer celle des tenants du pouvoir :

« … quel malencontre a été cela, qui a pu tant dénaturer l’homme, seul né de vrai pour vivre franchement [librement] ; et lui faire perdre la souvenance de son premier être, et le désir de le reprendre ? » (extrait)

Bien sûr, La Boétie on a manqué de nous l’enseigner dans nos manuels scolaires mais c’est nous qui avons délaissé notre liberté, rien ne nous a été pris. Détrompons-nous.

Si l’aphorisme précédent s’applique à l’ensemble du monde arabo-musulman, cela s’applique particulièrement à l’Algérie où, en plus de la liberté, nous avons cédé la vie, les loisirs.

L’Algérien vaillant, révolutionnaire et fier doit, par conséquent, passe dix heures d’attentes dans les postes frontaliers, sous un soleil de plomb et une chaleur infernale à l’ombre pour pouvoir se baigner tranquillement. Est-ce donc pour cela que nos ancêtres se sont héroïquement battus ? Pour nous accorder une existence sans vie ?

Erreur ! Ils se sont battus pour nous offrir une liberté que nous n’avons jamais su gérer. Tout comme nous n’avons jamais connu la valeur de la beauté du pays que Dieu nous a offert. Algériens, nous pouvons dire sans hésitation aucune, que nous avons l’un des plus beaux pays du monde, pourquoi refusons nous de le comprendre ?

Tel un homme peu conscient de la valeur de sa femme, si peu soucieux de son amour, prend chaque jour le risque de la perdre et de se retrouver, plus tard, à la pleurer, nous avons abandonné notre pays à ceux qui n’ont jamais eu le sens de sa valorisation.

Combien de gouvernements se sont succédés depuis l’indépendance ? Combien de présidents ? Trop peu peut-être pour qu’il y en ait un seul qui place le tourisme au centre de ses préoccupations ou essaye simplement d’y faire quelque chose ?

Mais c’est toujours le même refrain me diriez-vous, nous savons que nous avons un magnifique pays mal entretenu et que c’est pour cette raison que nous devons allonger les files d’attentes aux portes des ambassades pour pouvoir passer des vacances « ordinaires » sans mauvaise surprise, sans harcèlement pour les femmes, sans agression et sans arnaque. . .

Étonnant pourtant de voir la logique inversée. Ce ne sont pas plutôt nos amis Tunisiens qui devraient se bousculer dans les frontières pour venir découvrir la merveille qu’est notre Algérie ? Voici un constat bien amer. C’est bel et bien l’inverse qui se produit et depuis des années. Et il n’y a une explication logique à cela. La vérité est qu’en Tunisie, les Algériens se sentent chez eux, ils se sentent soignés, sécurisés et accueillis. Un sentiment qu’on leur réserve rarement chez eux.

Que s’est-il donc passé pour que nous soyons si aigris, si acerbes et si froids ? Pourquoi nous faisons-nous fuir les uns les autres ?

Le véritable problème chez nous, c’est le tourisme local. En effet, quelles que soient les circonstances, nous avons su garder cette bienséance avec les étrangers. Quid de nos compatriotes ? Non, ceux-là sont le fruit de l’exode, ils manquent de civisme et de bonnes manières. Pas étonnant de voir le racisme affiché expressément par certains. Nous n’avons pas réussi à nous accepter les uns les autres comment accepter autrui, surtout si ce dernier est de race, ethnie, religion ou culture différente ?

C’est dire que dans nos manuels scolaires, on a aussi oublié de nous enseigner le respect des différences, la beauté des mariages mixtes et le bien que ça fait de s’ouvrir sur le monde. C’est dire qu’ au moment où la mondialisation a pointé le bout de son nez, certains de nos compatriotes nous ont pointé leurs mitrailleuses au visage sous prétexte d’irréligiosité.

Les différences et les libertés n’ont jamais été notre point fort hélas. Et l’enfermement était inéluctable, c’est surtout le fait de le voir transmis aux autres générations qui est préoccupant.

Non, ce n’est pas une tare d’aller passer ses vacances en Tunisie c’est même une bonne idée. Un magnifique petit pays que dieu nous a offert en voisin. Cela étant, l’heure a peut-être sonné de changer les mentalités et de donner de l’espoir au tourisme algérien, malgré eux. C’est un devoir de partager avec le monde, la beauté de cette terre si précieuse qui est la nôtre, malgré eux.

Il est temps d’inverser les rôles, de récupérer nos plages et de redécouvrir chaque coin paradisiaque de ce pays.

« Certes Allâh ne modifie pas l’état d’un peuple tant que les individus qui le composent ne changent pas d’eux-mêmes ce qu’il y a en eux. » [Verset 11, sourate 13 (Ar-Ra3d)]

M.E.B