L’arbitrage dans la tourmente…

L’arbitrage dans la tourmente…

Une polémique sans précédent a déferlé récemment sur les erreurs d’arbitrage durant les matches du championnat de ligue 1 Mobilis de football. Des maladresses ont été jugées par la majorité des supporters comme normales mais parfois fatales.

Les déficiences du football national sont complexes et multiples à la fois. L’arbitrage en fait partie. Il prend un espace important dans le débat national. Il est qualifié de l’un des maillons faibles du système footballistique local.

Les hommes en noir sont même qualifiés par les spécialistes et autres observateurs, du véritable point noir freinant l’élan de la discipline. Le problème perdure depuis de très longues années. Point de solutions. Toutes les initiatives des responsables de la discipline n’ont pas donné lieu aux résultats escomptés.

En dépit d’une revalorisation sensible des indemnités des arbitres, tous les grades confondus, ainsi que le système de formation et du recyclage mis en place, leur performance demeure peu convaincante. Pis, il ne se passe pas une journée de compétition sans que celle-ci n’apporte sans lot de contestation des dirigeants, des joueurs, des encadrements techniques et des…supporters. Les fréquents changements opérés au niveau de la commission fédérale des arbitres (CFA), organisme chargé de gestion et du développement du corps, n’ont servi absolument à rien.

Les deux derniers responsables de la structure en question ont vu leur expérience terminé en queue de poisson. Belaid Lacrane, un figure emblématique de l’arbitrage algérien, aura échoué dans sa mission. Avant son changement, il a été au centre de grosses polémiques l’accusant de tous les maux qui frappe le secteur des arbitres.

Le président sortant de la FAF, Mohamed Raouraoua, pense alors à « technocratiser » la gestion des Hommes en noir engageant un « étranger » du domaine, un diplômé de la médecine. Il s’agit de Khelil Hamoum. La bonne volonté de ce dernier d’instaurer de nouvelles règles pour l’arbitrage algérien, ce dernier ne saura tirer la tête de l’eau.

Les arbitres sont toujours pointés du doigt. Des accusations graves de corruption sont prononcées par plusieurs acteurs de la discipline. Choquant. Les responsables de la FAF et de la CFA se contentent d’inviter les mécontents d’apporter des preuves de leurs accusations. Rien n’est fait dans ce sens. Au beau milieu de ce climat malsain, les arbitres multiplient les erreurs. Ils vont jusqu’à influencer les résultats finaux des matches.

Les Chevaliers du sifflet deviennent de plus en plus boiteux. Ils n’arrivent pas à suivre le rythme de l’évolution rapide du football. Leur formation est estimée, du coup, insuffisante, voire défaillante. Au train où vont les choses, le corps arbitral risque de se dresser en véritable obstacle infranchissable au développement du football. Il faudra nécessairement réagir.

Et vite. Le sifflet doit revenir à ses…enfants. La fédération est tenue, en effet, d’associer toutes les forces vives de l’arbitrage dans un débat global en vue de dégager une politique harmonieuse en mesure d’assurer un développement durable de nos arbitres. Ne dit-on pas dans le jargon footballistique que : « Quand l’arbitrage va, le football ira mieux ».

Un climat de suspicion délétère

Dans la maison de l’arbitrage local, le climat est particulièrement infect. Entre des responsables de la CFA qui ne cessent de « punir » des arbitres sur pression des présidents de club et ces derniers qui ont grandement participé à dégrader la situation, c’est tout une atmosphère de suspicion délétère qui s’est installé. Les critiques, dépassants parfois la limite de la correction, fusent de partout. Les clubs fustigent les arbitres les mettant responsables de leurs mauvais résultats.

La CFA et la FAF estiment que les clubs font montre d’excès de zèle. Ils se cachent derrières les hommes en noir pour voiler leur gestion catastrophique de leurs équipes respectives. A qui la faute ? La responsabilité est partagée par tous. Au moment où la commission fédérale des arbitres manque cruellement de communication pour barre la route aux rumeurs nuisibles, les clubs en profitent alimentant la suspicion. La moindre erreur arbitrale est vite collée à une affaire de corruption ou d’implication du directeur de jeu à saboter telle équipe au profit d’une autre.

Et s’il y a soupçons de corruption, il doit y avoir forcément des corrupteurs. Qui sont-ils ? Nombreux sont ceux ayant dénoncé des pratiques douteuses de certains acteurs du football. Des affaites ont éclaté au grand jour où des responsables ont tenté de soudoyer des arbitres. C’est dire combien la situation est alarmante nécessitant l’intervention de toutes les parties concernées pour administrer les soins adéquats. Des mesures en faveur de la protection des arbitres ont été prises.

Est-il logique que des présidents de club contestent une décision fédérale de lever le voile sur l’identité des arbitres devant officier les matches le jour J ? Chose qui a entraîné le courroux du président de la Ligue de football professionnel (LFP) s’interrogeant sur les motivations d’une telle réaction. « Je me demande pourquoi les responsables veulent être informés sur les noms des arbitres appelés à officier les rencontres » lâchait Kerbadj en marge de l’AG Ordinaire de la LFP le 26 du mois passé. Une interrogation aux multiples lecteurs.

L’arbitrage, chantier prioritaire du futur président de la FAF

Lundi prochain, la fédération algérienne de football (FAF) devra connaître son nouveau patron à l’occasion des travaux de l’AG Elective. Le futur président de la fédération aura du pain sur la planche afin de rétablir la situation d’une discipline souffrant de nombreuses carences. L’arbitrage est un chantier auquel le successeur de Mohamed Raouraoua se doit absolument de se pencher pour lui trouver des solutions efficaces.

L’unique candidat Kheiredine Zetchi aura déjà levé le voile sur les grandes lignes de sa stratégie de rendre ses lettres de noblesses au secteur des arbitres. Il insiste sur le fait de faire appel aux compétences et surtout doter la prochaine structure chargée de la gestion du corps arbitral de magistrats. Ces derniers auront, il est clair, pour mission de défendre juridiquement les chevaliers du sifflet. Cela servirait de pas important franchi vers une professionnalisation de l’arbitrage.

Force est de constater que la mission ne sera pas de tout repos, tous les responsables qui s’y sont succédé n’ont pu résoudre le problème. Malgré tous les moyens logistiques engagés par les différents responsables de la FAF et de commission des arbitres, c’est toujours le même constat : l’arbitrage est malade. D’où provient cet intraitable virus ? Est-il si difficile à localiser ? Son éradication relève-t-elle de l’impossible ? Le milieu arbitral est-il pour autant, infecté au point de passer à un traitement de choc ? Des questions auxquelles le prochain président de la fédération se doit de trouver des réponses avant de chercher les solutions. Régler le problème de l’arbitrage devient, faut-il le relever, une question de crédibilité pour la future composante du bureau fédéral.

Une enveloppe de 300 millions de dinars pour l’arbitrage

 

Les pouvoirs publics sont fortement déterminées à accompagner le secteur football et, par ricochet, l’arbitrage. Une importante enveloppe a été dégagée par le ministère de la jeunesse et des sports pour le développement du corps des arbitres. L’assiette financière est estimée à pas moins de 300 Millions de dinars, destinée des arbitres, des instructeurs dans le domaine et autres évaluateurs. Le ministre Ould-Ali avait insisté, en marge de la première opération d’octroi d’aides aux clubs amateurs, pour une prise en charge efficace déplorant les « erreurs gravissimes » commises par les chevaliers du sifflet pendant les matches du football.

L’avis du public algérien

Les arbitres ne sont pas seuls responsables

Une polémique sans précédent a été déclenché dernièrement sur les erreurs d’arbitrage durant les matches du championnat de ligue 1 Mobilis de football. Des maladresses qui ont été jugées par la majorité des supporters que nous avons sollicités normales, mais parfois fatales. « Je pense que l’arbitrage a touché le fond durant cette saison. Nous avons assisté à des prestations dans l’ensemble en dessous de la moyenne. Je n’accuse personne, puisque j’ai vu des jeunes arbitres officier des matches chocs. Mais, il fallait penser à temporiser, avant d’injecter directement du sang neuf » a estimé un supporter du Chabab de Belouizdad.

Commençant à aller au stade dès l’âge de 12 ans, Malek s’est demandé quel rôle joue la commission fédérale d’arbitrage dans l’amélioration du niveau de nos arbitres. « Quand le Chabab joue, nous sommes des fois doublement déçus par la prestation de nos joueurs et celle de l’arbitre. Je pense que la commission d’arbitrage n’accompli pas convenablement sa mission. Je ne nie pas la programmation de plusieurs stages de formation. Mais, on a rarement ressenti de la régularité d’un arbitre où d’un autre » a-t-il ajouté.

Les avis divergent mais se ressemblent sur l’influence de certains dirigeants de clubs qualifiés d’énergumènes. « Malheureusement, notre football est gangréné par une secte de pseudo-dirigeants, qui à mon avis, sont les premiers responsables de la régression du niveau de nos arbitres. Ces derniers sont livrés à eux-mêmes dans certains stades. Si le trio arbitral est menacé, comment voulez-vous qu’il puisse accomplir sa mission dans la neutralité. Je dénonce la complicité non annoncée de certaines presses, qui ont accentué le pourrissement sur tous les plans » a crié un commerçant à Kouba.

En compagnie de trois amis, cet admirateur du RC Kouba a souhaité une refonte de tout le système footballistique à partir de la base. « Tant que nous ne donnons aucun intérêt aux jeunes catégories même en matière d’arbitrage, il n’y aura aucune évolution. J’ai assisté à des matches de benjamins et de minimes qui ont débuté en retard. La raison est simple, il n’y avait pas d’arbitres. Il aura fallu trouver un accord entre les dirigeants des deux équipes pour désigner un trio. C’est tout simplement une honte » a-t-il souligné.

La colère des supporters, entraineurs et joueurs est logique

Un penalty non sifflé, ou un but non validé sont parfois des déclencheurs d’une colère générale. Pour plusieurs, le fait de manifester son mécontentement de la part de supporters, d’entraineurs, ou de joueurs sont une suite logique. « Je pense que c’est notre droit de dénoncer de l’injustice de la part d’un arbitre corrompu. Notre équipe a parfois été volé alors qu’au vu de la physionomie du match, nous avons mérité de gagner. Je cite l’exemple du match face au NAHD. Un arbitre qui siffle un second penalty imaginaire est tout sauf un homme de bonne foi » a estimé Nazim un jeune supporter de l’USM El Harrach.

Très attaché à son club favori, en ayant une collection de plusieurs maillots d’ancienne et nouvelle génération de joueurs, ce vendeur d’articles de sport n’a pas voulu blâmer des entraineurs et joueurs pour certains comportements incorrects. « L’entraineur prépare son match avec du dévouement et de l’application. Le joueur fournit un effort considérable durant les entrainements. Donc, si leur réaction est parfois violente face à un arbitrage vicieux, ce n’est pas une surprise pour moi » a-t-il répondu.

Avoir recours à des arbitres étrangers, une solution provisoire

Le nombre d’arbitres expérimentés est en net recul en Algérie. Pour combler ce déficit, une partie du public du ballon rond a préconisé le recours à des arbitres étrangers. Une solution provisoire mais efficace en attendant de procéder à une formation complète de nos referees. « L’expérience a déjà donné ses fruits dans des pays voisins. Le départ à la retraite existe dans tous les domaines y compris l’arbitrage. Ceci dit, il faut savoir quand et comment préparer la bonne relève. La désignation d’un jeune arbitre pour un match à grand enjeu est du suicide. De ce fait, il faut penser à des conventions avec des fédérations européennes pour faire des échanges. Cela va certainement relever le niveau de nos arbitres » a proposé un chauffeur de taxi.

La corruption a été un autre point abordé par une partie des supporters. Un phénomène qui ne diminuera pas ou ne sera effacé tant que les conditions des arbitres ne soient pas améliorées. « Quand un arbitre touche des soldes de misère, on se demande comment il n’acceptera pas un paquet d’argent. La commission fédérale est appelée à revoir sa stratégie dont la rémunération des arbitres de tous les paliers. Je pense que c’est le seul remède pour éviter la corruption » a indiqué un instituteur dans une école primaire à Alger. En somme, l’arbitre algérien est appelé à relever les défis tout en étant assisté dans sa mission par les autres acteurs du football sur en dehors du terrain.

Hocine Ould El-Hadj

« Il n’y a pas de mauvais soldats, mais de mauvais capitaines »

L’ancien arbitrage international Hocine Ould El-Hadj dresse un bilan noir de la situation du corps arbitral. Il refuse de tenir responsables les jeunes arbitres en activités sur le terrain. Il pense plutôt que se sont les responsables de la commission des arbitres qui doivent revoir leur stratégie. Ould El-Hadj appelle, par ailleurs, à plus d’implications des anciens arbitres en vue de barre la route aux intrus du secteur.

Quelle analyse faites-vous sur la situation actuelle de l’arbitrage en Algérie ?

Nous avons, selon mon humble avis, de bons arbitres, mais nous ne les avons pas mis dans les meilleures conditions d’exercer avec sérénité. Le corps arbitral a été grandement rajeuni, il faudra, du coup, les prendre en charge sur le plan de la formation. Il est nécessaire aussi de les sécuriser pour qu’ils puissent traduire leur talent sur le terrain.

Que faut-il faire pour assurer une parfaite prise en charge et une formation efficace des arbitres ?

La formation se fait sur le plan technique. Je m’expliquerai : il ne suffit pas de leur apprendre les lois de jeu, mais il faudra, en fait, les mettre à jour sur le plan de la gestion des rencontres de football. C’est-à-dire l’adaptation des règlements à l’environnement local. On n’arbitre pas de la même façon en Algérie comme en Suède. Il est peu méthodologique d’instruire les arbitres sur ce qui se passe ailleurs sans leur donner des cours de formation et de mise à niveau conformément aux spécificités de l’environnement algérien.

La FAF et la CFA ont engagé de gros moyens logistiques et intellectuels afin de hisser le niveau. Rien n’a cependant évolué positivement. Votre avis ?

Ecoutez-moi bien, il n’y a pas de mauvais soldats, mais de mauvais capitaines. Il faut absolument faire appel à des compétences connaissant parfaitement le monde de l’arbitrage, capables de mettre en place un plan d’action à même de tirer le secteur vers le haut. C’est vraiment anormal de former les arbitres sur des phases de jeu du football international, alors qu’il fallait se baser sur des séquences pour mettre une plate forme de formation adaptée.

Que faut-il faire désormais pour améliorer le niveau de l’arbitrage ?

Nous possédons de jeunes arbitres aux valeurs intrinsèques indubitables. Ils ont besoin cependant d’un travail conçu par des hommes du métier. Il faudra qu’on se mettre autour d’une table pour discuter des problèmes du corps arbitral et débattre, par la même occasion, des voies et moyens pour sa redynamisation. Permettez-moi de reconnaitre la responsabilité de cette situation des anciens arbitres dont je fais partie. Nous devons mettre de coté nos divergences pour l’intérêt suprême de notre arbitrage, malade.

Le futur président de la FAF aura un grand chantier en la matière…

Je suis parfaitement d’accord avec vous, il est tenu de s’y investir pleinement pour assainir un climat marqué de suspicion. Ce n’est pas normal que la moindre erreur d’un arbitre est perçue comme un incident volontaire obéissant à des considérations obscures. L’arbitre est un être humain concerné par l’erreur et l’imperfection. Le futur président de la fédération doit comprendre d’abord son entourage, les raisons qui ont mené à cette dégradation de l’arbitrage avant de chercher des solutions. Que l’arbitre revient à ses spécialistes. On ne ramène pas quelqu’un des Seychelles pour diriger nos arbitres. Il est carrément impossible de gérer un si difficile dossier comme l’arbitrage par des personnes qui n’ont pas gravi des échelons dans le domaine.

Les accusations de corruptions se multiplient. Un commentaire ?

Je suis convaincu que se sont des cas insignifiants comparativement au niveau d’intégrité et de loyauté dans le milieu arbitral. Nos arbitres jouissent d’un niveau appréciable, qu’on le veuille ou pas. Il suffit de mettre un trait sous les nombreuses désignations de nos arbitres dans les compétitions internationales. J’estime aussi nécessaire de travailler le secteur arbitral dans la base au niveau des ligues de wilayas.