Karim Ziani, ou l’amour de la patrie.

Karim Ziani, ou l’amour de la patrie.

Le monde court vite, l’homme est de plus en plus pressé, débordé; travail, famille, guerre, changement climatique, rendez-vous, embouteillage .. Dans ce contexte se rappeler d’un joueur s’avère tâche délicate, ce n’est pas le cas des Astres du ballon rond tel que Maradona, Zidane, George Weah et d’autres certes, mais pour l’autre catégorie de joueurs, c’est à dire la catégorie humaine, c’est un peu comme disait le dicton chercher une aiguille dans une botte de foin, néanmoins la mémoire collective a l’heureuse intelligence de ne pas oublier ceux qui, au dépend de leurs intérêts personnels, ont préféré l’appel de la Terre natale, la glorieuse équipe du FLN en témoigne, mais il y’en d’autres aussi.

« Tout brin d’herbe a son coin de terre dont il tire vie et force; de même l’homme est enraciné dans le sol natal dont il tire sa foi aussi bien que sa vie  » après que les aléas de la vie qui conduisent certains à chercher leur pain loin de leur patrie, ils fondent de nouvelles familles toujours loin du pays, dès lors rien n’assure que la progéniture ayant grandi sur cette terre d’accueil soit attachée au lointain pays. pourtant imaginer Ziani c’est toujours dans un firmament de Slimane Azem quand il chante l’Algérie son beau pays…

On ne pourrait jamais dissocier le parcours de Karim de l’assistance de son père, il était la barque sur laquelle Karim voguait jusqu’à la terre du football professionnel, il l’accompagnait à chaque pas, lui prodiguait conseils et suggestions éclairés.

La grande vague de Kanagawa qui traquait la barque Ziani était la morphologie de Karim, sa petite taille était un point faible, une notion dominante jusqu’à ce que « Los Bajitos » (les nains) espagnols de Xavi, Iniesta, Silva et consorts ne démontrent que le foot se joue aussi de la tête et des sens, je me souviens une fois où par les aménagements de la vie je me retrouve naufragé chez mon oncle à regarder l’important match Algérie face à l’Angleterre, pour la deuxième journée du premier tour du Mondial 2010, mon oncle que son dernier match suivi remonte à l’ère de la radio, parce qu’il aimait parier dans le temps, en voyant le joueur à la tunique au numéro 15, entre deux raisins mon oncle lâcha : « Hum, un mètre et une pièce de sucre celui-la », le temps passa et Derradji sort sa phrase culte : « L’Algérie a battu l’Angleterre avec le score 0-0 ». A la fin du match, mon oncle se rattrapa : « On va lui faire les yeux doux au p’tit » en se précipitant à la télécommande.

Des juniors de Troyes, Karim Ziani se voit propulsé aux pros à 19 ans, ensuite un court passage à Lorient, après à Sochaux où il gagnera la Coupe de France face à son futur club, l’Olympique de Marseille, en 2009 il quitta enfin la France et atterrit au Bundesliga plus justement à Wolfsburg, une expérience pas vraiment brillante… Il se perd ensuite à l’est du globe, Turquie et autres contrées.

Mais ce n’est pas en club que le peuple algérien a découvert Ziani. Débarqué à l’EN dès 2003, il entame sa première CAN (2004) à 22 ans où il figurera dans l’équipe type à la fin du tournoi, une jolie Coupe celle de Tunisie, durant laquelle les amateurs du ballon rond ont pu entendre Hafid Derradji s’approprier la langue de Molière, Hafidh habitué à « Hadeeeef » se voit du jour au lendemain obligé de prononcer « Buuut », ainsi sous l’impulsion de l’émotion, la langue de Hafidh s’est souvent émancipée et est allée danser en solo, reprenant les valses de toujours et désobéissant à l’occasion à ce que le cerveau ordonne.

Le Groupe C était sans enjeu presque. Le Cameroun et l’Egypte devaient marcher sur l’ancienne gloire l’Algérie et l’inconnu Zimbabwe, sauf que la chevauchée légendaire de Hocine Achiou redistribua les cartes et contraignant les Pharaons à descendre au rivage, taper dans la Méditerranée à l’aide de bâton pour emprunter le chemin plus tard et retourner voir le reste de la coupe depuis les Pyramides, narguilé et thé rouge servis.

En quart de finale, c’était la belle équipe marocaine de Badou Zaki, riche en individualités et future finaliste. L’Algérie sous le commandement de Rabah Saadane que le béret hivernal vient accentuer son aspect paternel de toujours a pourtant pris le dessus sur son adversaire du soir grâce à l’emblématique Abdelmalek Cherrad, un coup de tête plein en justesse, Fouhami n’a pu faire autre chose que se plier en regardant le cuir embrasser ses filets et Cherrad courir au poteau du corner le maillot en banderole, la vapeur s’est ensuite renversée et les Verts se sont inclinés au bout des prolongation.

Karim Ziani, un joueur à la taille moyenne, à la course étrange ; les mains pliées et le torse bombé tel un oiseau en pleine parade nuptiale, le visage trapu et la peau lisse que toute l’Algérie trouvait beau jusqu’à cette insolite teinte orangé à la veille du mondial 2010, en plus de sa qualité de passe, sa persévérance et ses efforts généreusement fournis sur n’importe quel rectangle vert, il était doté d’une personnalité de fer, un caractère de patron, Antar Yahya racontait qu’après la défaite au Caire le désespoir s’accapara des vestiaires, comme si le ticket du mondial s’est fait des ailes et partit loin de la cage algérienne, quand toutes les têtes étaient baissées, Ziani se leva et se demanda : »Qu’est ce qu’on fait, on continue à pleurnicher sur notre sort ? ou on va les battre au Soudan ? » Tout le monde sait que dans pareil cas les mots ne suffisent pas il faut la foi aussi, Ziani l’avait, l’équipe s’est psychologiquement métamorphosée, la suite on la connaît.

Dans une récente vidéo, le modérateur sonde les fonds de Ziani avec un malsain désire de lui arracher une quelconque pique ou tacle envers l’équipe et son entourage suite à l’éviction sous l’ère Halilozitch, une éviction qu’on dit par souci de pouvoir… Ziani, impassible, parla de devoir accompli sans attendre de retour… Qu’il est honnête ce guerrier !