Vidéos, propagande en ligne, recrutement sur le Web… Daech bat aussi en retraite sur le front numérique

Vidéos, propagande en ligne, recrutement sur le Web… Daech bat aussi en retraite sur le front numérique

Le groupe jihadiste a non seulement perdu la ville de Mossoul, il perd aussi du terrain en ligne. Sa présence sur le web se fait plus discrète.

Le cyberactivisme du groupe terroriste Daech perd en intensité. Selon une étude récente, des « failles apparentes » diminuent la fréquence, la qualité et l’efficacité de ses opérations de propagande numérique.

Les mesures antiterroristes proactives des services de renseignement et de l’industrie des technologies; la contre-propagande intensive d’internautes indépendants; ainsi que les bombardements massifs ciblant l’infrastructure logistique et les principaux propagandistes de Daech sont autant d’éléments qui ont fini par ébranler sérieusement cette organisation, affirme une étude parue dans le plus récent numéro du magazine Perspectives on Terrorism.

Selon Miron Lakomy, aide-professeur en relations internationales à l’Université de Silésie en Pologne, la faible quantité et la piètre qualité des vidéos de l’État islamique – y compris leurs erreurs de montage inhabituelles et leurs fautes d’orthographe gênantes – « sont le résultat de l’incompétence, d’un manque d’effectifs ou d’un travail effectué dans une hâte excessive. »

« Désormais confronté à un manque de personnel et de financement ainsi qu’à un environnement numérique de plus en plus hostile, l’État islamique ne parvient plus à maintenir l’excellence de son cyber-jihadisme », affirme l’auteur polonais spécialisé en cybersécurité et en guerres de l’information

La propagande de Daech a été un élément clé de son recrutement de combattants et de sympathisants à l’échelle internationale. Des dizaines de jeunes Canadiens ont d’ailleurs quitté le pays discrètement afin de rejoindre des groupes terroristes en transitant par la Turquie.

Selon Lakomy, les contenus du groupe terroriste truffés de faits et de chiffres falsifiés demeurent « la meilleure propagande islamiste actuellement en ligne ». Toutefois, le cyberjihadisme et les efforts de recrutement de l’organisation perdent un terrain virtuel significatif pour toutes sortes de raisons liées au monde réel.

La production de contenus de propagande de Daech a chuté dramatiquement

Selon les données compilées par le Centre de lutte au terrorisme de l’Académie militaire de West Point aux États-Unis, le nombre de contenus produits chaque mois par daech est tombé de 761 en août 2015 à 194 en août 2016. « Ce déclin marqué et régulier est le signe que la machine de propagande de l’État islamique s’est enrayée », écrit Daniel Milton. « De plus, aucun de ces contenus n’a eu de succès viral. »

Daech doit recourir plus souvent à des photoreportages et de courtes séquences de combat.

Les tentatives de propagande les plus récentes sont « dépourvues de postproduction avancée », contrairement aux vidéos de haute qualité diffusées en ligne en 2014 et 2015. De fait, les terroristes doivent souvent recycler les mêmes contenus depuis que les forces de la coalition ont entrepris de les chasser de Mossoul.

Même la propagande audio souffre de problèmes évidents

Les extraits audio de Daech ne sont ni aussi bien réalisés, ni aussi populaires qu’il y a quelques années. Le nombre d’extraits produits est lui aussi en recul.

Le web est aussi devenu un environnement beaucoup plus hostile aux jihadistes.

Selon Lakomy, les compagnies de médias sociaux comme Twitter ont bloqué plus de 125.000 comptes de jihadistes, sans oublier les 235.000 autres qui ont été carrément supprimés. En décembre 2016, Twitter, Facebook, Microsoft et YouTube ont d’ailleurs uni leurs forces pour développer des outils innovants de détection d’images et de vidéos à caractère terroriste.

De plus, beaucoup d’internautes ont entrepris de résister à titre individuel en exposant les jihadistes et en tournant leur propagande au ridicule. Cela permet de supprimer leurs messages et leurs comptes plus rapidement que jamais. Les canaux distribuant leurs contenus se sont donc raréfiés de manière substantielle.

Pour Daech, les 10.000 frappes aériennes de la coalition se sont soldées par des défaites militaires majeures et le décès d’agitateurs clés, dont Jihadi John (tué par un drone en 2015) et le porte-parole principal Abou Mohammed al-Adnani.

Les frappes de la coalition ont également tué une dizaine de milliers de combattants au cours des 18 derniers mois, dont certains avaient pour tâche de gérer les puits de pétrole saisis en Irak et les profits qui en sont tirés. Daech est donc en mauvaise posture financière. Le montant de ses pertes de revenus se situe entre 520 et 870 millions de dollars pour la seule année 2016, ce qui a contraint ses combattants à accepter une diminution de 50 pour cent de leur solde.

Selon Lakomy, il est encore trop tôt pour affirmer que le groupe terroriste a été « relégué aux tréfonds de l’univers numérique », mais les résultats sont jusqu’ici encourageants.

« Ces premières failles dans le cyberjihadisme représentent une opportunité majeure et unique pour les pays occidentaux », conclut-il. « La situation actuelle constitue le point de départ idéal d’une stratégie de contre-propagande mondiale qui exploitera les difficultés vécues par l’État islamique. »