Venezuela: même sans référendum, l’opposition veut déloger Maduro

Venezuela: même sans référendum, l’opposition veut déloger Maduro

Caracas (AFP) – L’opposition au Venezuela tentera cette semaine de pousser au départ anticipé du président socialiste Nicolas Maduro, que ce soit au Parlement où elle est majoritaire ou dans la rue avec une manifestation mercredi.

« Coup d’Etat », « dictature », « rupture de l’ordre constitutionnel » : furieux, le camp anti-Maduro ne mâche pas ses mots depuis l’annonce, jeudi dernier par le Conseil national électoral (CNE), de la suspension sine die du processus de référendum révocatoire.

Ce dernier, lancé depuis de longs mois, devait entrer dans sa dernière ligne droite cette semaine avec une nouvelle collecte de signatures.

Mardi, la coalition de la Table pour l’unité démocratique (MUD, centre droit) réunira le Parlement pour une séance qui pourrait « mener à un procès et une procédure devant le Parlement » contre le président accusé d’avoir orchestré via le CNE un coup d’Etat, a indiqué le chef de la majorité Julio Borges.

La résolution du Parlement dimanche déclarant « l’existence d’un coup d’Etat commis par le régime de Nicolas Maduro » « légitime les prochaines décisions de l’Assemblée, mais les étapes suivantes dépendront de ce qu’elle décidera mardi », prévient l’expert en droit constitutionnel José Ignacio Hernandez, pour qui le pays est « face à une situation complexe qui pourrait évoluer rapidement ».

Alors que le référendum est dans l’impasse, l’opposition étudie tous les moyens pour obtenir le départ anticipé de Nicolas Maduro, élu en 2013 et dont le mandat s’achève en 2019.

Elle reproche au chef de l’Etat, héritier politique du défunt Hugo Chavez (1999-2013), d’avoir fait sombrer le pays pétrolier en plein naufrage économique, en n’ayant pas su prévoir ni réagir à temps à la chute des cours du brut.

Au quotidien, cette crise a des conséquences désastreuses pour les habitants, obligés de patienter des heures face à des supermarchés et pharmacies aux rayons presque vides ou aux produits inabordables.

La pénurie touche 80% des aliments et médicaments et l’inflation, totalement incontrôlable, est estimée par le FMI à 475% cette année et devrait s’élever à 1.660% en 2017.

– Bataille politique –

Excédés, plus de six Vénézuéliens sur dix se disent prêts à voter pour la révocation du président Maduro, actuellement en tournée au Moyen-Orient où il tente d’obtenir des accords pour une hausse des prix du pétrole.

L’opposition cherchera à surfer sur ce mécontentement populaire mercredi : elle appelle à de grandes manifestations dans tout le pays.

Dimanche, lors d’une séance houleuse marquée par l’irruption dans l’hémicycle de partisans du président, l’Assemblée a invité « le peuple du Venezuela à la défense active (de la Constitution) jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel ».

La capacité du camp anti-Maduro à faire descendre les Vénézuéliens dans les rues a connu plus ou moins de succès ces derniers mois, alors que la population se décourage et craint des débordements violents dans ce pays où la criminalité est parmi les plus élevées au monde.

La peur de la répression est également dans tous les esprits, après les manifestations violentes de 2014 qui s’étaient soldées par un bilan officiel de 43 morts.

« La bataille institutionnelle est perdue, donc l’Assemblée nationale a défini les grandes lignes de ce que sera sa bataille politique : les protestations populaires, la démonstration de sa majorité (au Parlement) et l’appel à la pression internationale », explique à l’AFP l’analyste Luis Vicente Leon.

Des responsables de la MUD vont d’ailleurs se rendre à Washington pour demander que l’Organisation des Etats américains (OEA) applique au Venezuela les dispositions de la Charte démocratique interaméricaine, qui prévoit des sanctions en cas de rupture démocratique.

Le secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, avait déjà estimé vendredi que le Venezuela était en pleine « rupture démocratique » après la suspension du processus de référendum.

Douze pays de l’OEA, dont l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, la Colombie, le Mexique, le Chili et le Costa Rica, ont exprimé leur « préoccupation » devant la crise vénézuélienne et ont appelé le gouvernement au dialogue.