L’arrestation des leaders du Hirak laisse présager un retour au « passé répressif » du Maroc (New York Times)

L’arrestation des leaders du Hirak laisse présager un retour au « passé répressif » du Maroc (New York Times)

L’arrestation des leaders du mouvement Hirak qui mène la contestation populaire au Rif laisse présager un retour au « passé répressif  » du Maroc, a estimé mercredi le quotidien américain The NewYork Times.

« Plus de 100 leaders et membres du Hirak ont ??été arrêtés ces dernières semaines. Les observateurs libéraux s’inquiètent de la répression, craignant un retour au passé répressif du pays », souligne le quotidien dans un article intitulé « les rebelles des montagnes du Maroc s’élèvent à nouveau ».

Ursula Lindsey, l’auteur de cette analyse, jette un regard sur l’histoire de la révolte du Rif et revient sur « le passé répressif du roi Hassan II qui a réprimé dans le sang toutes les contestations populaires » dans cette région.

« A la fin des années 50 (…) Le prince Hassan II, futur roi et père de Mohamed VI a mené une répression militaire sanglante. Il a gardé une rancune tenace contre cette région, qualifiant ses habitants de sauvages dans un discours télévisé », rappelle cette spécialiste du monde arabe.

Le Rif, région marginalisée du nord du Maroc, a subi les affres de la politique de Hassan II qui l’avait privé pendant quatre décennies de tout projet d’investissement dans les services et les infrastructures.

Si l’actuel roi Mohamed VI a tenté d’inverser cette politique en promettant d’énormes projets d’investissements pour la région, les bénéfices des projets réalisés jusqu’ici n’ont pas profité aux populations.

L’auteur constate que toutes les réformes promises après 2011 dans le sillage du « printemps arabe » se « sont révélées décevantes » au Maroc.

« La monarchie reste plus que jamais puissante et les conseillers du roi ont plus d’influence que les élus », note-t-elle.

« Les Marocains se plaignent de la corruption, du chômage et des échecs scolaires » et « s’élèvent contre le Makhzen, réseau du pouvoir et de parrainage entourant la monarchie », écrit le New York Times. D’ailleurs, le refus des manifestants du Rif de rencontrer les élus et les délégations ministérielles en insistant à négocier avec les émissaires du roi illustre, selon le New York Times, « le résultat malheureux mais pas surprenant du vide politique créé par le contrôle très strict du roi ».

« Malgré la démocratisation prometteuse et la dévolution du pouvoir aux autorités régionales, la monarchie a continué à concentrer plus de pouvoir entre ses mains », relève le quotidien.

Et d’ajouter : « Le roi est la plus haute autorité religieuse du pays, son acteur politique prééminent et sa plus grande fortune. Tout le monde s’en remet à lui et sait que les seules décisions qui comptent sont vraiment les siennes ».

Expliquant l’origine de ce vide politique, le quotidien précise que le Makhzen a empêché « l’émergence de forces politiques véritablement indépendantes ». Après les élections législatives de 2016, le palais et ses alliés ont man£uvré pour diluer l’influence du parti Justice et développement (PJD) en l’obligeant à abandonner son premier ministre et à former un gouvernement avec d’autres parties choisies par le palais.

« En cooptant et en sapant les partis politiques, muselant les médias et harcelant la société civile, le régime marocain s’est laissé entourer de très peu d’intermédiaires crédibles au moment des troubles sociaux », ajoute le journal.

Les événements qui secouent le Rif auraient pu constituer l’occasion de discuter des inégalités dans le pays et de la responsabilisation des élus locaux, estime le New York Times. Au lieu de cela, les revendications des Rifains ont été diabolisées par des médias fidèles au Palais qui ont tenté, en vain, de présenter le « Hirak » comme un mouvement séparatiste, financé de l’étranger, souligne le journal.