Lakhdar Brahimi au sujet de la situation en Irak “Effet domino de l’inertie internationale dans la crise syrienne”

Lakhdar Brahimi au sujet de la situation en Irak “Effet domino de l’inertie internationale dans la crise syrienne”

11 brahimi dr_200_150.jpgL’ancien émissaire international pour la Syrie a estimé dans un entretien à l’agence France presse que l’offensive djihadiste en Irak était le résultat de “l’inertie de la communauté internationale face au conflit qui ravage la Syrie voisine depuis 2011”.

Le diplomate algérien, homme des “missions impossibles”, a dû baisser les bras devant les multiples tergiversations du régime de Damas encouragé par la démission du Conseil de sécurité, lequel, dans cette guerre civile, s’est pris au jeu de l’époque de la Guerre froide que l’on croyait enterrée mais qui s’est ressourcée dans ce conflit au cœur du Moyen-Orient pour enfin s’exposer au grand jour dans la crise ukrainienne, mettant face à face Occident et Russie de Poutine.

Le médiateur onusien a démissionné en mai, après deux ans d’efforts infructueux pour mettre fin à une guerre civile qui a fait plus de 160 000 morts. Face à la contre-offensive victorieuse de l’armée de Bachar al-Assad, les djihadistes qui avaient pris la tête de la rébellion armée ont débordé les frontières de la Syrie sur l’Irak, le maillon le plus faible dans la région, lieu de naissance également de l’EIIL.

Lakhdar Brahimi a déclaré avoir averti, novembre 2013, les 15 membres du Conseil de sécurité sur ce déménagement de djihadistes vers les zones sunnites de l’Irak où l’EIIL se comportait comme un poisson dans l’eau au sein de la communauté sunnite mise à la marge par Bagdad entre les mains d’un Premier ministre chiite sectaire, Nouri al-Maliki. Dès le début de l’année, l’EIIL se révéla dix fois plus actif en Irak qu’en Syrie, d’où la recrudescence d’attentats à la bombe, d’enlèvements et de coups de mains contre les forces de sécurité dans la capitale irakienne. “La communauté internationale a malheureusement négligé le problème syrien et n’a pas aidé à le résoudre. Voilà le résultat”, s’est désolé Lakhdar Brahimi.

Entre-temps, l’EIIL élargissait le camp de ses sympathisants au sein de la communauté sunnite, au pouvoir sous Saddam Hussein, dominée par les chiites depuis l’invasion américaine de 2003 et le renversement du régime baâssiste. “Des sunnites vont soutenir les djihadistes, non pas parce qu’ils sont djihadistes mais parce que l’ennemi de mon ennemi est mon ami”, a, par ailleurs, expliqué Lakhdar Brahimi. Pour le moment, dans l’attente d’un probable plan américain, il n’y a pas que l’EIIL à tirer bénéfice. Pour Bachar al-Assad, c’est également une situation excellente du point de vue militaire, politique et géopolitique, car Washington et Londres vont devoir se retrouver du même côté que Damas face à ce qui apparaît comme une menace à la fois pour la région, l’Occident et l’Europe, pour reprendre le verdict de Frédéric Pichon, un universitaire français auteur du livre intitulé Syrie : Pourquoi l’Occident s’est trompé. Le président syrien devenu la bête noire des Occidentaux et de leurs alliés arabes locaux, depuis qu’il a lancé en 2011 une répression sans merci pour écraser la rébellion-révolte contre son régime, a les mains libres : il en a profité pour s’attribuer un nouveau septennat et faire monter en cadence ses frappes aériennes contre les dernières poches de résistance, n’épargnant pas les civils. En outre, les Américains devraient changer d’avis prochainement à propos du “dictateur” al-Assad, face au danger sur la sécurité et la stabilité de toute la région.

Ce qui se passe en Irak renforce la position de Damas dont des voix autorisées n’ont cesse de répéter faire face au danger du terrorisme dans la région et qui, aujourd’hui, estiment qu’il faut une “coopération régionale et internationale”, surtout que parmi les djihadistes figurent des Européens et des Américains. Le maître de Damas n’est pas pour autant sauf du danger djihadiste, car le retrait de l’armée irakienne de sa frontière avec l’Irak a rendu celle-ci plus poreuse, facilitant du coup le passage de djihadistes et de matériel de guerre récupéré par ces derniers dans la débandade des soldats d’al-Maliki. Selon des sources convergentes, l’EIIL aurait déjà transféré beaucoup d’armes récupérées en Irak et de nouvelles recrues dans le nord et l’est syriens. Pour vérifier cela, il faudrait que les combats reprennent à Deir Ezzor et plus à l’ouest vers Alep. Autre conséquence de la mainmise de l’EIIL sur les régions irakiennes sunnites, le bouleversement de l’échiquier régional.

D. B