Crises politiques et insécurité, Printemps arabe, l’espoir détourné

Crises politiques et insécurité, Printemps arabe, l’espoir détourné

Lejour2 (3).jpgL’action révolutionnaire qui a conduit à la chute des dictateurs arabes n’a pas encore trouvé une voie de sortie. Le vent des révoltes qui a secoué le monde arabe a fait apparaître le chaos sur tous les plans, notamment politique et sécuritaire.

Les pays de cet espace géographique qui ont dévié de leur processus politique dont des modèles de développement pour se sortir des crises politiques demeurent inimaginables. Cet état de fait risque de perdurer pendant de longues années.

En Égypte, au moins dix soldats ont été tués, mercredi, dans un attentat à la voiture piégée visant un convoi militaire dans le Sinaï, a indiqué un responsable de la sécurité.

L’attaque meurtrière, qui a également fait 35 blessés, s’est produite près de la localité d’Al-Arish, capitale régionale du Nord-Sinaï, péninsule proche d’Israël et de la bande de Ghaza. Les attaques contre les forces de l’ordre se sont particulièrement multipliées depuis le renversement par l’armée, le 3 juillet dernier, du Président issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi.

Ces attaques récurrentes, surtout dans la région du Sinaï, ont fait plusieurs dizaines de morts au sein de la police et de l’armée. Pour les nouvelles autorités, les Frères musulmans, qui n’ont toujours pas digéré l’éviction de Mohamed Morsi, en sont responsables. Mais certains mouvements armés, liés à Al-Qaïda, les ont souvent revendiquées en guise de représailles, selon eux, à la sanglante répression menée par les forces de l’ordre égyptiennes contre les manifestants qui soutiennent Mohamed Morsi.

La Libye s’enfonce dans l’anarchie

Avec la multiplication des attaques, attentats, vols, règlements de comptes et autres violences, la Libye s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’anarchie.

Quand le Premier ministre n’est pas enlevé par des hommes armés, ou le numéro deux des renseignements, voire de simples journalistes ; quand les milices honnies par la population ne se mettent pas à tirer sur la foule, ce sont des militaires et membres des forces de sécurité qui sont quasi-quotidiennement pris pour cible par de violentes attaques.

Dernière victime en date, un sous-officier tué par balle dont le corps a été retrouvé mercredi à l’entrée ouest de Syrte. À Benghazi (Est), où les attentats sont fréquents et les violences quotidiennes, c’est un civil qui a été blessé en conduisant une voiture piégée. L’engin explosif était placé sous le véhicule de son frère, un officier de l’armée qui était sans doute la véritable cible de l’attaque.

Selon une source de sécurité, un sous-officier des Forces spéciales de l’armée a, lui, été grièvement blessé le même jour par une rafale de mitrailleuse. Enfin, toujours mercredi, des inconnus ont lancé un engin explosif par dessus un pont sur lequel était positionnée une unité des Forces spéciales. L’attentat n’a, cette fois, pas fait de victime.

À Derna, un officier de l’armée a également été blessé par balle en sortant de chez lui. Dans cette ville de l’Est, des protestataires ont coupé le courant pour dénoncer l’insécurité après l’attaque d’un poste de garde à l’entrée d’une centrale électrique à Benghazi et la région orientale, berceau de la révolte qui a renversé le régime de Mouammar Kaddafi en 2011, est la région la plus touchée par les violences. En 2013, on y a recensé 110 personnes directement visées par des attaques et des assassinats. Les victimes sont essentiellement des militaires ou des policiers mais aussi des dignitaires religieux, des politiques et des représentants des médias.

Dans ce climat d’insécurité croissante, le banditisme se développe et les braquages sont fréquents. Fin octobre, des hommes armés avaient attaqué un fourgon de transport de fonds à Syrte, dérobant un butin estimé à plus de 54 millions de dollars, le plus important braquage de l’histoire du pays. Et mardi dernier, selon l’agence libyenne Lana, des hommes armés ont attaqué un fourgon de transport de fonds à Sebha (sud), repartant avec un butin d’environ 1,2 million de dollars.

Un tableau qui n’est pas sans rappeler, toute proportion gardée (et sans parler de conflit confessionnel), la descente aux enfers vécue par l’Irak, où les violences ont fait plus de 1 000 morts en octobre, mois le plus meurtrier depuis 5 ans. La Libye n’en est pas encore là.

Suspens des pourparlers en Tunisie

En Tunisie, les pourparlers entre les islamistes tunisiens au pouvoir et l’opposition pour nommer un nouveau Premier ministre est suspendue, faute d’accord. «Nous ne sommes pas arrivés à un consensus sur la personnalité qui dirigera le gouvernement, a déclaré le médiateur de la crise, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

Nous avons décidé de suspendre le dialogue national jusqu’à ce qu’il y ait un terrain favorable à sa réussite». Les représentants du parti islamiste Ennahda, leurs alliés et ceux de l’opposition avaient déjà échoué samedi à respecter la date limite que la classe politique s’était fixée pour désigner un Premier ministre indépendant, qui doit former un cabinet apolitique chargé de conduire le pays jusqu’aux prochaines élections.

Ennahda a défendu bec et ongles son candidat, Ahmed Mestiri, 88 ans, un vétéran de la vie politique tunisienne que l’opposition juge trop faible et trop vieux pour gouverner. L’opposition, qui préférait un autre vétéran, Mohamed Ennaceur, 79 ans, a précisé avoir fait d’autres propositions, qui ont aussi échoué.

Ces pourparlers visent à sortir la Tunisie de la profonde impasse dans laquelle elle est plongée depuis l’assassinat, le 25 juillet, d’un député d’opposition attribué à la mouvance djihadiste. Outre la désignation d’un nouveau chef du gouvernement et de son cabinet, ces négociations devaient aboutir à l’adoption d’une législation et d’un calendrier électoraux, ainsi que le lancement de la procédure d’adoption de la Constitution, en cours d’élaboration depuis deux ans. Ces différents dossiers ont d’ores et déjà pris beaucoup de retard.

L’introuvable conférence Genève 2

Longtemps la conférence Genève 2 a semblé inatteignable, telle une lubie poursuivie par quelques idéalistes, alors que les vrais débats se déroulaient sur le terrain, armes à la main. Mais la perspective de voir des représentants du régime et de l’opposition syrienne s’asseoir à la même table a gagné quelques degrés de réalisme. Genève 2 pourrait s’ouvrir, dans le meilleur des cas, courant décembre.

C’est un communiqué de la Coalition nationale syrienne (CNS), diffusé le 11 novembre, qui a mis en lumière ces progrès. Dans ce texte, le principal rassemblement d’opposants au régime syrien se disait prêt à participer à ces pourparlers, «sur la base d’un transfert du pouvoir à une autorité transitoire», dotée des «pleins pouvoirs exécutifs» et formée par «consentement mutuel».

Une formulation conforme au document de Genève élaboré en juillet 2012 par les Etats-Unis et la Russie, restée lettre morte depuis, en raison de divergences d’interprétation entre les deux grandes puissances. «Il faut être réaliste, plaide Najib Ghadbian, l’ambassadeur aux Etats-Unis de la Coalition. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être vus comme les responsables de l’échec de la solution politique».

La Coalition a précisé que «Bachar Al-Assad et ses associés ne joueront aucun rôle dans la phase transitoire et dans la future Syrie», en accord avec un communiqué adopté à Londres, le 22 octobre, par les Amis de la Syrie. Mais ce rajout au texte initial ne doit pas faire illusion : le principal courant de l’opposition, autrefois hostile au communiqué de Genève, se fait à l’idée que la démission de Bachar Al-Assad ne peut être que l’aboutissement des négociations et non un préalable à leur ouverture. Deuxième évolution, qui découle de la précédente : le principe de s’asseoir en face d’un émissaire du président syrien n’est plus une ligne rouge. Au début de l’année, la proposition du premier chef de la CNS, le cheikh Moaz Al-Khatib, d’ouvrir des négociations avec Farouk Al-Sharaa, le vice-président syrien, en délicatesse avec le régime, avait été très mal accueillie par les militants.

Par Badreddine Sari