Arnaud Montebourg au «Le Quotidien d’Oran»: «Penser notre avenir ensemble».

Arnaud Montebourg au «Le Quotidien d’Oran»: «Penser notre avenir ensemble».

On l’accuse à tort d’être un souverainiste. Quand on milite pour plus d’humanité et de fraternité entre les peuples et les hommes on ne peut pas l’être. C’est en cela qu’il ressemble à un autre candidat aux primaires socialistes à l’élection présidentielle française, Jean-Luc Mélenchon. Sauf qu’Arnaud Montebourg se défend de s’inscrire dans la radicalité du leader du Parti de Gauche. Et il le manifeste avec son franc-parler de toujours. Nombreux électeurs français sympathisants de gauche pensent que là est la contrariété qui préfigure une bataille électorale avec une gauche fragmentée. D’autant qu’ils sont plusieurs acteurs politiques socialistes à s’engager dans les élections en ordre dispersé.

D’aucuns pensent aussi qu’Arnaud Montebourg fait référence à ses origines algériennes pour plaire aux votants de souche maghrébine. C’est à l’évidence lui faire un mauvais procès car la revendication de sa descendance ne date pas d’aujourd’hui et il a été l’un des rares hommes politiques français, sinon le seul, qui a clamé haut et fort qu’il avait du sang arabe dans les veines. Position confortable s’il en est pour lui permettre d’aborder les relations algéro-françaises avec une particulière sérénité et une franchise à toute épreuve.

Le Quotidien d’Oran : Monsieur Montebourg, pourquoi Oran ?

Arnaud Montebourg : Parce qu’il s’agit d’une ville qui m’est chère. Ma mère y est née. Et j’y ai encore de la famille sur place.

Q.O: Vous êtes connu pour ne pas être un adepte de la langue de bois. Très franchement, comment voyez-vous l’Algérie d’aujourd’hui ?

A.M: C’est un grand pays, fait de contrastes. Pas uniquement au niveau de ses paysages…

Q.O: Le bonheur de l’Homme est au cœur de vos préoccupations. Quelle serait la recette pour le rapprochement des peuples ?

A.M: Plus d’humanité et de fraternité. Cela doit être au cœur de toutes les politiques.

Q.O: Des peuples algérien et français ?

A.M: La sincérité, la franchise et la mise en valeur de tous nos points communs, qui sont un atout formidable pour penser notre avenir ensemble.

Q.O: Comment l’homme politique, le ministre de l’Economie que vous avez été et le candidat aux élections présidentielles voit-il une sérieuse coopération économique algéro-française telle qu’elle devrait être ?

A.M: Il faut plus de synergie et de convergence dans nos politiques. Sur de nombreux points. La France et l’Algérie ont beaucoup d’intérêts à collaborer étroitement pour créer une alliance forte gagnante-gagnante. L’Algérie ne doit pas simplement être une zone de débouchés pour la France. Nous devons amplifier nos relations. Et accompagner le développement diversifié de l’Algérie. Plus l’Algérie sera forte et prospère, plus la France en profitera. Ces convergences concernent le domaine économique, comme par exemple l’idée de la co-localisation, géopolitique, culturel, éducatif, et dans les relations entre nos deux peuples.

Q.O: La France et l’Algérie ont une riche histoire commune. Paradoxalement les passions ont toujours tendance à les éloigner plutôt qu’à les rapprocher. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

A.M: Je pense qu’il est temps de se dire les choses. La France ne pourra rester éternellement sujette à des demandes répétées d’excuses, de repentance. Pour autant, la France devra regarder son passé avec objectivité. Un premier pas a été fait par M. Hollande. Je constate cependant que le sujet est encore d’actualité, et très sensible. Ces querelles mémorielles doivent cesser. Apaiser nos rapports sur ce sujet est essentiel. Je prendrai donc mes responsabilités afin de nous permettre de nous projeter ensemble dans l’avenir. Il faut promouvoir tout ce qui nous unit.

Q.O: En Europe en général et en France en particulier, avec la montée de l’islamisme et des intégrismes pluriels, quel devenir présagez-vous pour l’immigration maghrébine ?

A.M: Pour les Français d’origine maghrébine, leur avenir doit être protégé, et nous devons lutter contre les divisions, et maintenir l’unité de notre nation. Ces Français participent au bon fonctionnement de notre pays. Ils ne doivent pas subir les conséquences de ces quelques criminels. L’amalgame est un danger qu’il faut combattre.

Q.O: Le pouvoir de l’argent semble en passe de gagner la partie en France, ailleurs et ici. Pensez-vous que le socialisme a encore un avenir ?

A.M: Plus que jamais, pour justement remettre de l’équilibre et de la justice. Les déséquilibres de la mondialisation sans contrôle ni régulation enfoncent de nombreux pays dans la crise. Il est temps que cela cesse.

Q.O: Qu’en est-il pour la gauche française aujourd’hui ?

A.M: Elle est divisée. Ce quinquennat raté n’a pas permis à la gauche et à M. Hollande d’enclencher le changement que l’on nous annonçait immédiat. Les promesses non tenues et les renoncements ont plongé la gauche dans la division. L’heure du rassemblement autour des valeurs fondamentales de la gauche a sonné.

Q.O: Il est patent qu’elle se présente en ordre dispersé aux prochaines élections. Vous et Jean-Luc Mélenchon qui se présente en électron libre vous vous faites de l’ombre. Ne pensez-vous pas que vous allez mettre dans l’embarras les électeurs qui ont les mêmes idéaux que vous ?

A.M: Notez que Jean-Luc Mélenchon est dans une forme de radicalité qui n’est pas la mienne. A l’issue de la primaire, si j’en sors vainqueur, je proposerais aux Verts, à Sylvia Pinel, aux communistes et à Jean-Luc Mélenchon de trouver un programme commun. C’est en se rassemblant que nous pourrons éviter le scénario noir d’un match Fillon-famille Le Pen au second tour des élections présidentielles.