Trop rancunière, comment apprendre à pardonner ?

Trop rancunière, comment apprendre à pardonner ?

psycho.jpgIl suffit que votre meilleure amie oublie votre date d’anniversaire pour que vous lui fassiez regretter chaque jour qui passe, sa propre naissance. vous avez l ’âme d’une rancunière et le pardon ne semble pas avoir été créé pour vous, mais pourquoi tant de difficultés à trouver la paix intérieure ?

Par Darine Habchi

Savoir pardonner est un des principaux fondements de toutes les religions. Ces préceptes, toujours présents dans nos inconscients collectifs, tendent pourtant à disparaître ainsi que les valeurs ancestrales qui ont toujours fait notre éducation. Dans nos souvenirs les plus lointains, on se rappelle souvent les belles paroles de maman. Elle nous demandait de rester sage et de ne pas taper les autres enfants même s’ils étaient méchants avec nous. Ces belles paroles parvenaient toujours à nous guérir de nos gros chagrins. Pourquoi, alors, une fois adulte, est-il plus difcile de trouver au fond de soi cette petite voix si douce qui nous soulageait quand nous étions enfant ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à prendre le recul nécessaire afn de trouver la force de pardonner ? «C’est avant tout une question d’éducation, quelle que soit la soufrance que nous éprouvons face au mal commis par autrui, nous ne réagissons pas tous de la même manière. Certains pardonnent au fur et à mesure que leurs blessures s’efacent, d’autres en revanche éprouvent un sentiment de haine intense et ne peuvent se délester de leurs maux sans se venger», explique Fadela Henni, psychologue clinicienne. «J’ai connue une femme qui venait au cabinet. Elle me confait ses déboires avec sa belle-mère. Lorsque cette dernière est morte, la jeune femme, complètement indiférente, ne montra aucun signe de tristesse. Elle m’a rapporté qu’elle n’avait pas accepté de lui pardonner même lorsqu’elle était sur son lit de mort», ajoute la psychologue. Dans certains cas comme celui-ci, la rancune engendre l’indiférence (cas extrême de la rancune). Plus simple de faire la guerre. Pourtant, lorsque nous étions petits, un simple geste de paix sufsait à redonner confance à l’autre. Comment faire pour retrouver cette paix intérieure ? Certainement en prenant le recul nécessaire et en pardonnant les erreurs d’autrui, puisqu’après tout, n’est-ce pas en tombant que nous apprenons à marcher ?

Communiquer

«La rancune est un sentiment malsain. Il s’agit avant tout d’un complexe d’infériorité, car on s’imagine qu’en pardonnant, nous montrons de la faiblesse. Ne pas savoir pardonner peut créer des relations tendues avec son entourage, pourtant, pour éviter les tensions avec les autres, il faut crever l’abscès», indique Fadela Henni. Comme quoi, pardonner n’est pas donné à tout le monde, surtout lorsqu’il s’agit d’une personne proche. «Si j’estime qu’une amie me trahit, et même si je suis profondément touchée, je tente de discuter avec elle afn de cerner le problème», confe Lamia, 24 ans. En efet, parfois les mauvais coups viennent des personnes dont on ne s’attend pas. «Je trouve naturellement en moi la force nécessaire pour regarder la personne en face et lui dire que je n’ai pas apprécié une attitude, une parole, un geste… », ajoute la jeune femme. Analyser pour apprendre à communiquer devient alors primordial dans ce genre de situation, en mettant les choses au clair, sans détour, comme de vrais adultes. «Discuter avec la personne concernée, surtout si celle-ci compte pour nous, nous permettra de comprendre d’où provient le problème. Quoi qu’il en soit, savoir mettre les choses à plat n’est pas évident, il faut pouvoir trouver, avant tout, un peu de sérénité», explique la psychologue.

Rechercher la paix intérieure

Souvent, le besoin de vengeance se manifeste dès la petite enfance et les parents y sont pour quelque chose, puisqu’ils poussent leurs enfants à se défendre, pas toujours intelligemment mais plutôt impulsivement. «La rancune peut naître dès l’enfance et peut provenir d’un événement douloureux, d’une maltraitance… Parfois, les parents incitent eux-mêmes leurs enfants à se venger, au lieu de leur inculquer la notion de paix», explique Fadela Henni. Pour pouvoir prendre du recul, il faut maitriser sa colère, ce qui permet d’éviter les décisions intempestives.Parfois, il est difcile de tirer des leçons positives de nos expériences blessantes. Nous développons souvent des envies de vengeance. La rancune est un sentiment qui s’insinue en l’être, le cœur s’emplit de haine, l’orgueil nous pousse à faire du mal à notre tour en réponse au mal que nous avons reçu. Le besoin de vengeance est parfois tellement fort que nous ne pouvons nous résoudre à efacer une trahison. «Une femme trompée par son mari peut ressentir l’envie elle aussi de rendre la pareille. Elle peut même passer toute sa vie à chercher à se venger et ne trouve fnalement jamais la tranquilité», indique la psychologue. Pour ne pas chercher à vouloir à notre tour faire du mal et avoir à le regretter un jour, mieux vaut réféchir à deux fois aux conséquences de nos actes. «Il faut pouvoir trouver la paix intérieure de quelque manière que ce soit, en allant consulter un psychologue, en méditant, ou bien encore en pratiquant une activité sportive ou artistique par exemple», reprend la psychologue. «Ce mal nous ronge de l’intérieur, d’où la nécessité de le combattre, même s’il faut travailler dessus pendant de longues années», explique Fadela Henni.

Prendre du recul

Nous savons tous qu’oublier n’est pas une qualité innée chez l’être humain, mais qu’il doit pouvoir trouver cette faculté, même s’il doit y passer beaucoup de temps. «Avant toute chose, il faut se poser les bonnes questions, décortiquer le problème, savoir se mettre à la place de l’autre», conseille la psychologue. Si une blessure est trop profonde, mieux vaut empêcher la haine de nous gagner et tenter de se mettre à la place de la personne ayant commis une erreur, pour voir si, à sa place, nous aurions agi de la même manière», assure la psychologue. L’amour aide souvent à prendre du recul. «Mon ex-mari avait un comportement que je qualiferais d’inhumain, il me volait de l’argent, proftait de mes biens, me trompait, me mentait, etc… Bien que déçue et profondément touchée, je lui pardonnais toujours en espérant qu’il s’améliore. J’étais persuadée que l’être humain pouvait changer et que ses défauts disparaîtraient un jour. Seulement, c’était de pire en pire et j’ai préféré le quitter. En réféchissant, j’ai compris que sa nature était ainsi faite et que je devais m’y faire», confe Nesrine, 32 ans. «Cette personne est généreuse, elle est sage, elle a su prendre le recul nécessaire afn de pouvoir prendre la bonne décision et pardonner», indique la psychologue. Le deuil se fait en surmontant son épreuve. «Il faut s’accorder du temps pour oublier le mal que l’on a subi, parce que souvent nous nions les faits et ne voulons pas y croire», ajoute Fadela Henni. Les amis peuvent aider une personne rancunière à lutter contre sa soufrance mais ne doivent surtout pas lui faire de leçon de morale. «Le mieux reste de communiquer, et sans aucun jugement, de faire prendre conscience à l’autre de l’erreur qu’il commet en emplissant son cœur de haine», conseille la psychologue. La rancune n’est rien d’autre qu’un handicap, puisqu’elle pousse le sujet à rompre avec sa vie sociale, à devenir méfant, à ne plus faire confance…Nous savons tous qu’il est difcile de pardonner et encore moins d’oublier, mais ne dit-on pas que le temps panse nos blessures…